|
Et chantent les souvenirs Quest-ce quune vie ? Sinon une
gerbe de souvenirs qui restent accrochés à nos
mémoires et qui nous font revivre ces moments trop vite
envolés. Cest en pensant à tous ces amis
emportés par le tourbillon de la vie que lauteur
a rédigé ce recueil de texte afin de réveiller
ces moments lumineux endormis par la brume du temps.
livre paru le 28 février 2018. 13 euros + 6 euros de frais de port = 19 euros |
Bulletin de commande
Nom : ..............................................................................
Prénom : ........................................................
Adresse : ..........................................................................................
.........................................................
Code Postal : ..................... Ville : ........................................................
.....................................................
Souscription de ........................... exemplaires de Et
Chantent les souvenirsde Michel Ageron
au prix de 19 euros franco pièce.
Soit un chèque de .......... euros, à l'ordre des
EDITIONS DE LA BOUQUINERIE,
encaissé à l'expédition.
Commande à adresser à : EDITIONS DE LA BOUQUINERIE..,
77 av. des Baumes, 26 000 VALENCE
Extraits
Des souvenirs, j'en ai plein
la tête
Mais malheureusement ils font
Comme les jolies marionnettes
Trois petits tours et puis s'en vont
.
MERCI
Merci de m'avoir appris à
voir avec mon cur
Ce qui fait la beauté et la raison de la vie
Tu m'as légué une richesse intarissable
Immense
Infinie,
Et tu as guidé mes pas
Sur le chemin au bout duquel gronde l'espoir,
L'espoir des humbles oubliés
Toute la misère du monde
Qui lève du fond des temps
Depuis qu'il y a des victimes
et qu'il y a des bourreaux
Tu me l'as fait entendre
Au fond de mon cur
Et j'ai mêlé ma voix à la voix de mes frères
Et j'ai mêlé mon espoir à leur espoir
Car s'écrouleront un jour les bastilles
Comme les murs de Jéricho et les temps viendront de l'amour
Merci de m'avoir appris à
sentir ces choses
Qui sont le parfum de la vie,
A prendre quelquefois le temps de mes deux mains
Et l'obliger à s'arrêter
Pour en jouir plus intensément
Merci, puisque j'ai pu rêver
Les soirs d'été
Dans la lumière si douce
A l'heure où deviennent mauves
Les montagnes du matin.
Merci pour les fleurs des chemins
Pour les matins d'avril
et les soirs de septembre
Merci,
Pour tout ce que tu m'as donné
et pour tout ce que je t'ai pris,
Pour ce que j'aurais pu être,
Et pour ce que je suis,
Pour tous les souvenirs qui chantent dans mon cur,
Pour les amis oubliés
Pour les sourires envolés
Pour les violettes qui s'ouvraient
au printemps
Sur les coteaux de mon enfance,
Merci.
NOUS REVERRONS-NOUS ?
C'est pourtant vrai que le
temps glisse,
Comme une larme sur la joue,
Jour après jour, sans que l'on puisse
Le retenir auprès de nous ;
C'est pourtant vrai que tout
s'efface,
Et que nous autres nous passons,
De même que les années passent
Aux vents de leurs quatre saisons ;
Pourtant ma vie je veux la
vivre,
A pleines dents, à pleines mains,
Jusqu'au dernier feuillet du livre,
Jusqu'au bord du dernier matin ;
Bien sûr pas question
que je meure,
Ce terme est bien trop attristant,
Tout simplement quand viendra l'heure,
J'irai retrouver mes parents ;
Je leur dirai, bonjour c'est
moi !
Voilà je rentre à la maison
Nous allons vivre tous les trois,
Comme au temps des vertes saisons ;
Je crois déjà
revoir mon père,
Il m'attendra sous l'amandier
Avec cet air un peu sévère
Qui recelait tant de bonté ;
Et puis j'embrasserai ma mère
;
Elle me dira " t'as bien tardé "
Elle aura sa robe légère
Car ce sera toujours l'été ;
Nous dresserons la grande table
Sous les tilleuls du mois de juin,
Ma mère aura, c'est formidable,
Invité tous mes vieux copains ;
Nous parlerons de jours anciens,
Du temps où la vie était belle,
Y'en aura des " tu te souviens "
Y'en aura des " tu te rappelles " ;
Et pour fêter comme il
se doit
Ce jour de joie et d'allégresse,
Nous fredonnerons à mi-voix,
Les refrains de notre jeunesse ;
Et puis nous trinquerons quand
même,
Aux souvenirs, à l'amitié,
Avec ce bon vin de Brézème,
Ce vin qu'aimait tant le papé ;
Comme à la fin d'un
beau dimanche,
Nous repartirons dans la nuit,
Mais nos pas sur la route blanche
Ne feront pas le moindre bruit ;
Nous ne saurons que nous sourire,
Devant le bonheur retrouvé,
Car nous aurons pour nous le dire,
Tout le temps de l'éternité.
VIVRE MES RÊVES
Avant que ma vie ne s'envole
Vers de mystérieux horizons
Je voudrais revoir l'acropole
Rêver devant le Parthénon.
Avant que ma vie ne s'achève
Comme s'efface un soir d'été
Je voudrais vivre encore mes rêves
Mes rêves les plus insensés.
Voir le jardin des Hespérides
Les palais de Sémiramis
Et redécouvrir l'Atlantide
Et les chansons de Bilitis.
Revoir l'Alhambra de Grenade
Et deviner dans le lointain
Les îles blanches des
Cyclades
Dans la lumière du matin.
Du haut des tours de Babylone
Voir le palais d'Hammourabi
Et croiser Milon de Crotone
Sous un portique d'Olympie.
Trinquer avec le vieil Homère
Dans une taverne de Chios
Et savourer à pleins cratères
Le vin généreux de Samos.
Au long des rues de Mytilène
Dans la nuit tiède de Lesbos
Ecouter le chant des sirènes
Et les poèmes de Sapho.
Sécher les pleurs de
Bérénice
Au son de la flûte du Pan
Et m'embarquer avec Ulysse
Pour un voyage au bout du temps.
Avant que ma vie ne s'envole
Vers de mystérieux horizons
Je voudrais revoir l'Acropole
Rêver devant le Parthénon.
TANOU,
MON CHIEN, MON AMI !
Oh, bien sûr, tu n'étais
qu'un chien !
Un chien ça n'a pas d'importance ;
Un animal ça va, ça vient,
Et ça part dans l'indifférence.
Les gens qui ont les pieds
sur terre
Raisonnent de cette façon.
Mais moi je n'en fait pas mystère,
Je les laisse pour ce qu'ils sont.
Toi tu étais de la famille,
Tu étais de notre maison,
Je vois encore tes yeux qui brillent
Dès que je prononçais ton nom.
Tes beaux yeux clairs plein de lumière,
D'intelligence et de bonté,
Qui nous disaient à leur manière
Ton amour, ta fidélité.
Quand tu courrais dans ta colline
Humant chaque fleur du matin
Je le sais bien, je le devine
Le roi n'était pas ton cousin
Souvent encore je me demande
Si tu es parti à jamais
Tant la maison nous paraît grande
Depuis que tu nous as quittés.
PARACHUTAGE
Le temps se fait pesant au
fur et à mesure
Que s'égrènent les heures, lentement dans la nuit.
Sur le plateau désert, on n'entend que le bruit
Du vent léger qui joue au travers des ramures.
Puis l'on perçoit enfin
comme un léger murmure
Qui enfle peu à peu, se précise et grandit.
A chaque coin du camp les flammes ont jailli
Illuminant soudain la campagne obscure.
L'appareil a viré et
réduit son allure
Puis, moteurs vrombissants, au loin s'est évanoui
Des gerbes de corolles s'entrouvrant derrière lui.
Et les gars écrasés
par l'immense aventure
Regardaient tout là-haut anxieux et éblouis
Descendre du ciel noir, la liberté future.
NOËLS D'AUTREFOIS
Où sont-ils les noëls
de mon enfance heureuse
Mes noëls merveilleux, mes noëls d'autrefois ?
Je revois le sapin et ses bougies fumeuses
Je respire l'odeur âcre du feu de bois.
Le Père Noël, bien
sûr, avait son importance
Mais plus que les bonbons, les cadeaux, les jouets,
Les heures qui glissaient dans
cette douce ambiance
Prenaient le temps d'un jour, un air d'éternité.
Ce soir ils seront là,
assis à notre table
Tous ceux qui tour à tour, un jour nous ont quittés
Et la joie des enfants, leur bonheur ineffable
Réveilleront pour nous les ombres du passé.
MON AMIE, MA FOLIE
Dans la nuit,
Ma folie a illuminé mon ciel
D'étranges aurores boréales
Où flottaient des glaciers roses
Comme des fleurs de printemps
Dans le matin,
Ma folie a cueilli au long de ma solitude,
Des émeraudes parfumées
Qui coulaient entre mes doigts
Comme des rêves d'enfant.
Dans le mitan du jour,
Ma folie a suivi dans leur course
Les nuages blancs de l'été,
Jouant à chat perché
Sur des montagnes bleues.
Mais dans le soir
Ma folie m'a abandonné
Me laissant,
Orphelin désemparé
Devant des routes droites,
Froides comme la logique,
Dérisoires comme la raison.
Alors, j'ai appelé ma
folie à mon secours,
Et ma folie a illuminé à nouveau mon ciel
D'étranges aurores boréales
Où flottaient des glaciers roses
Comme des fleurs de printemps.
SOIRÉE D'HIVER
J'aime la journée finissante
Et les heures calmes du soir
Tandis que dehors tout est noir
Et que la bise gémissante
Frappe aux volets, puis fatiguée,
S'en va pleurer dans les cyprès
Comme si elle avait assez
De cette course échevelée
La bûche s'est cassée
dans l'âtre
En secouant de sa torpeur
La chatte engourdie de chaleur
Rêvant près du vase d'albâtre.
LES ENFANTS D'ARMÉNIE
Il y a de la brume tout au
fond de leurs yeux
Et puis tant de fleurs rouges déchirant leur mémoire
Qu'ils se sentent perdus, au bout de leur histoire
Abandonnés de tous, abandonnés de Dieu.
Ils portent dans leur cur depuis la nuit des temps
Tout le destin d'un peuple, de deuil et de souffrance
Et dans leur regard clair et rempli d'innocence,
Des fontaines de larmes et des soleils de sang,
Les Enfants d'Arménie.
Si la haine des hommes ne leur
suffisait pas,
Du fond de ses entrailles c'est la terre qui gronde,
Vision de cauchemar, vision de fin du monde,
C'est le sol ancestral qui s'ouvre sous leurs pas.
Et ils restent prostrés dans le froid de la nuit
Parmi les projecteurs qui fouillent la pénombre
Regardant sans les voir les monceaux de décombres
Leurs foyers dévastés où les leurs ont péri,
Les Enfants d'Arménie.
Mais ils savent pourtant que
la vie continue
Que bientôt leurs maisons resurgiront de terre,
Et qu'ils peuvent compter sur l'aide de leurs frères,
Pour ne jamais revoir, l'horreur qu'ils ont vécue,
Que souffle dans leur ciel un vent de liberté
Que tout l'amour du monde effacera
la haine,
Et qu'enfin, un matin, se briseront les chaînes
Et qu'ils pourront sourire au soleil de l'été,
Les Enfants d'Arménie.
CIEL ET MONTAGNE
Quand elle était petite,
elle disait :
" Papa, je voudrais que tu m'emmènes là-haut,
là-haut, là où la montagne touche le ciel
"
Émile, son père, essayait bien de lui expliquer
qu'il ne s'agissait là que d'une banale illusion d'optique
et qu'en réalité, aucune montagne, aussi haute soit-elle,
ne pouvait jamais atteindre le ciel ; mais elle n'en démordait
pas, elle répétait : " mais je le vois bien,
moi, que la montagne, elle touche le ciel ! "
Elle a grandi. Il lui a bien fallu se rendre à l'évidence
qu'Émile avait raison et que ciel et montagne ne se rejoignaient
que dans les yeux éblouis des enfants.
Jusqu'à ce triste petit matin de ce triste mois de mars
où elle a gravi sa dernière montagne qui, cette
fois enfin, touchait au ciel.
FEUILLES D'AUTOMNE
Comme des souvenirs éteints,
A pas feutrés dans l'air aphone,
Tournez, tournez feuilles d'automne,
Sur un vieil air de clavecin.
Sur un vieil air de clavecin,
Tournez, tournez feuilles d'automne,
Le menuet vous abandonne,
Aux flaques grises des chemins.
Dans la bise qui tourbillonne,
Dans le froid des petits matins,
Sur un vieil air de clavecin,
Tournez, tournez feuilles d'automne,
Tournez, tournez feuilles d'automne,
Sur un vieil air de clavecin,
Je connais des yeux où rayonne,
Le soleil d'un été sans fin.
CRUSSOL
Elles laissaient leur regard,
les gentes damoiselles
Se perdre, languissant, vers des lointains bleutés
Et le Rhône fougueux dans sa course éternelle
Emportait avec lui leurs rêves et leurs secrets.
Elles s'en sont allées
les belles châtelaines
Cueillir des fleurs de lys dans les jardins du roy
Elles y ont retrouvé pour apaiser leur peine,
Les galants troubadours, chantant l'amour courtois
Dans la tiède langueur des étés d'autrefois.
C'EST BEAU LA VIE
Cinquante berges vécues
ensemble ;
Les jours, on les voit pas couler
A telle enseigne qu'il vous semble
Que la vie vient de commencer.
Ça fait un bail cinquante
années !
Ça en fait des jours et des nuits !
Toutes ces saisons envolées
Et le temps qui glisse sans bruit.
Il y eut des caps difficiles,
Même de sérieux coups de vent,
Mais chacun sait qu'une mer d'huile
Ça finit par être lassant.
Qu'est-ce que la vie quand
on y songe ?
On émerge un jour du néant
Un autre jour on y replonge
Le rideau tombe simplement.
Car dans le fond une existence
C'est fait d'amitié et d'amour
De petits riens sans importance
Qui tissent la trame des jours.
Et bien sûr la vie recommence
Chaque matin, chaque printemps
C'est merveilleux quand on y pense
Et c'est surtout réconfortant.
C'est beau la vie quoiqu'on
en dise,
Avec ses joies et ses tourments
Ses habitudes et ses surprises
C'est beau comme un soleil levant.
C'est beau comme un bouton
de rose
Pleurant ses larmes de rosée ;
Il faut parfois si peu de choses
Pour que la vie soit transformée.
C'est beau comme un très
cher visage
Dans la lumière du matin ;
C'est beau la vie, ça n'a pas d'âge
C'est beau la vie jusqu'à la fin.
C'EST BEAU " LA PROBITÉ "
Nous étions en 5ème
au lycée, mon copain Loulou et moi, et l'absence imprévue
ce jour-là, d'un de nos professeurs, nous avait laissés
une heure à tuer avant de prendre le petit train qui nous
ramènerait chez nous.
C'était une fin d'après-midi tristounette d'hiver.
Nous déambulions sur les boulevards, le long des grands
platanes dénudés, désertés par les
oiseaux de l'été et dont un mistral glacé
finissait d'arracher les dernières feuilles mortes.
Les vendeurs à la sauvette y avaient installé leurs
braseros et faisaient griller des châtaignes dans des poêles
percées tout en hélant le chaland de stridents "
chauds les marrons ". Ils en emplissaient des cornets en
papier jour-nal ce qui présentait le double avantage de
vous caler l'estomac et de vous réchauffer les doigts.
Après tant d'années, cette odeur agréable
que nous humions en passant, reste bien ancrée dans ma
mémoire.
Il avait plu et quelques flaques stagnaient sur la chaussée.
Emergeant à demi de l'une d'elles, une grande enveloppe
de papier kraft dans laquelle, ma-chi-nalement, je donnais un
coup de pied. Quel-ques pièces d'en échappèrent
et roulèrent sur le goudron.
Nous prîmes l'enveloppe et l'ouvrîmes. Stupeur ! Un
pactole, une fortune, une liasse épaisse de billets de
5000 francs, quelques billets de 1000 et une dizaine de pièces.
Sur l'enveloppe, l'adresse d'un grand magasin, un nom dont la
pluie avait effacé les dernières lettres, suivie
d'un titre : " Chef comp-table ".
Le grand magasin se trouvait à deux pas. Nous nous y rendîmes
et demandâmes aux vendeuses à voir le Chef comptable.
Notre requête déclencha un éclat de rire général.
Pour rencontrer ce haut personnage, il fallait solliciter un rendez-vous
longtemps à l'avance et il ne recevait d'ailleurs que des
gens importants et non des gamins comme nous. Mais quand nous
leur montrâmes l'enveloppe et qu'elles entrevirent la liasse
de billets, leurs rires se figèrent, la procédure
s'accéléra au point que, quelques minutes plus tard,
nous nous retrouvâmes dans le bureau du Grand Chef. Je m'aperçus
tout de suite qu'il s'agissait d'un grand personnage par le fait
qu'il portait, un jour de semaine, faux col et cravate alors que
mon père, qui était instituteur et jouissait de
ce fait d'une position enviable et bien rémunérée,
n'en portait même pas le dimanche et seulement lors de grandes
occasions comme par exemple lorsqu'il était convoqué
par l'Inspecteur d'Académie.
Sur sa demande, nous lui précisâmes l'endroit où
nous avions trouvé l'enveloppe. " Et ", nous
demanda-t-il d'un air glacial et soupçonneux, " vous
n'avez rien gardé par devers vous ? " nous le lui
jurâmes avec d'autant plus de force que c'était la
stricte vérité. " je vais voir ! " nous
dit-il et, tenant la liasse de billets coincée sous la
paume de la main gauche, il procéda avec l'index de la
dextre, un comp-tage d'une rapidité qui tenant de la presti-digitation.
Je compris alors brusquement en quoi consistait la profession
de comptable qui, jusque-là, restait pour moi entourée
d'un halo de mystère. Il s'agissait évidemment de
compter les billets de banque le plus rapidement possible et les
Chefs comptables encore plus vite que les autres.
Puis, ayant fini de compter billets et pièces, il nous
déclara d'un ton plus amène : " c'est bon,
tout y est, à un centime près. Mais, continua-t-il,
vous n'avez fait là que votre devoir, simplement votre
devoir. Rapporter à son propriétaire une chose qui
lui appartient, ce n'est pas un exploit, mais une chose normale.
C'est pourquoi je n'ai pas à vous féliciter mais
simplement à vous dire merci. Ceci prouve votre honnêteté
mais c'est aussi votre intérêt. Ima-ginez une seconde
que vous ayez gardé cet argent, il est certain qu'un jour
ou l'autre, la vérité aurait éclaté.
Et alors, que serait-il arrivé ? Les gendarmes vous auraient
mis en prison et vos parents en seraient morts de honte ".
La simple évocation de cette effroyable perspec-tive m'emplit
d'épouvante et me fit monter les larmes aux yeux. Il continua
: " alors qu'ayant fait simplement votre devoir, vous pouvez
marcher dans les rues la tête haute et la conscience tranquille
et cela vaut mieux que quelques billets de 5000 francs. Croyez-moi
mes enfants, si les coquins connaissaient les avantages de l'honnêteté,
ils deviendraient honnê-tes par coquinerie ".
La formule me plut et me conforta dans mon impression première
qu'il s'agissait là d'un homme de grande qualité,
d'une riche culture, d'une profonde érudition et d'une
intransigeante probité.
" Enfin ", ajouta-t-il " je tiens malgré
tout à vous manifester concrètement ma reconnaissance.
Voilà, vous vous partagerez cette somme d'argent ".
Et, avec la majesté d'un empereur romain, il tendit à
Loulou
une pièce de 5 francs.
Quelques mois plus tard, je faisais mes devoirs sur la table du
jardin, à l'ombre du grand acacia, tandis que, près
de moi mon père lisait son journal. Soudain il me dit "
au fait, le monsieur à qui vous avez rendu l'enveloppe
ne s'appelait-il pas Ducourneau ? " Le grand homme, si bien
sous tous rapports, tâtait de la correctionnelle pour comptabilité
acrobatique.
Et après ça, vous voudriez que je fasse encore confiance
aux moralistes !
LA DERNIÈRE CLASSE
C'était son dernier
jour de classe et il se terminait.
Ses petites l'avaient embrassée, lui avaient dit au revoir,
lui avaient souhaité de bonnes vacances, une longue et
heureuse retraite, puis elles étaient parties dans leurs
rires clairs et leurs jupes légères. Elles partaient
dans le soleil pour la vie et l'éternité des vacances.
Le silence revenu, elle était restée à son
bureau, regardant sans les voir les rangées de table de
bois blanc qui, pour elle, ne s'animeraient jamais plus.
Et comme dans un kaléidoscope, repassaient les sourires
de toutes ses petites qu'elle avait éveillées à
l'intelligence et à la curiosité des choses.
Elle était allée à l'école avec les
grands-mères, elle avait eu dans sa classe leurs filles,
puis leurs petites filles. Et le chemin s'arrêtait là.
C'était un après-midi torride de juillet où
la chaleur semblait engluer les choses, les gens, le temps ! D'une
lame de volet disjointe fusait un rayon de lumière dans
lequel tremblaient des paillettes d'or. Elle est restée
longtemps ainsi perdue dans ses pensées. Puis elle s'est
levée, elle a rangé ses derniè-res affaires
personnelles dans son couffin de raphia, elle a traversé
une dernière fois, très lente-ment, " sa "
classe et, après un dernier regard, elle a refermé
doucement, très doucement, la porte sur ses souve-nirs.
LA SAINTE BIBLE
" L'ombre du clocher de
Mézilhac oscille de l'Ardè-che au beurre à
l'Ardèche à l'huile ". Comment, mieux que Philippe
Héritier, esquisser aussi joliment l'Ardè-che et
ses paysages si violemment contrastés ?
Ici plus qu'ailleurs peut-être, la terre, le climat et sans
doute une lointaine histoire, ont forgé le caractère
de ses habitants, leur mode de vie et même leur relation
avec la divinité.
L'Ardèche à l'huile, qui s'étale nonchalamment
d'Aubenas jusqu'au Rhône, égrène ses villages
surgis du passé, d'une époustouflante beauté,
que l'exode rural avait failli gommer de la carte et qui retrouvent
peu à peu, la vie et leur lustre d'antan. Pays de la garrigue
aux senteurs entêtantes, mouton-nant à l'infini,
d'où surgit parfois la tache blanche d'un dolmen, message
lapidaire venu du fond des âges.
Sur cette terre éclaboussée de soleil, à
l'ombre argentée des oliviers et dans le chant des cigales,
la vie semble couler douce et paisible, comme le Bon Dieu lui-même,
familier, compréhensif et indulgent, presque un collègue,
prêt à passer les péchés véniels
de l'existence au compte " pertes et profits " de la
Comptabilité Céleste, et à s'esclaffer devant
la der-niè-re galéjade.
Et puis, il y a l'Ardèche au beurre, l'autre Ardè-che,
celle des Hauts Plateaux, des étés courts et des
hivers interminables, balayée par la " burle "
qui dresse les congères et bloque les routes, confinant
les gens autour de leur monumentale cheminée, celle des
forêts de sapins noirs et des grasses prairies.
" Femme qui monte, vache qui descend, toujours s'en repend
". Ce vieux dicton ardéchois colle assez bien à
la réalité.
Ici, on ne plaisante pas avec Dieu, le Dieu de l'Ancien Testament,
craint, redouté, implacable, pour-fen-dant les mécréants
qui transgressant ses Lois, tel l'inquiétant Taranis, brandissant
la foudre, maître de l'Empyrée Celtique, dont on
vénérait jadis le culte dans les monts du Tanargue.
C'est dans cette Ardèche-là, entre Saint-Agrève
et le Chambon sur Lignon, dans la commune de Deves-set, qu'en
cet été 1943, ma mère dirigeait une colonie
de vacances.
1943 : année noire ! L'espoir tardait à se concré-tiser
et en toile de fond, omniprésente et lancinante, la faim.
Les attributions allouées par le service de ravitaillement
permettaient à peine de ne pas mourir de faim et ma mère
comptait trouver sur place le complément nécessaire
et indispensable pour nourrir ses petits colons.
Espoir vite déçu ! Dans chaque ferme, le discours
était pratiquement identique : " le ravitaillement
nous prend tout et il ne nous reste rien, même pas pour
nous ". Pourtant, les gens avaient tous une mine superbe.
Il faut dire que les nombreuses voitures immatriculées
dans les Bouches du Rhône, qui circu-laient dans la région,
avaient fait gonfler les prix.
Il ne lui restait plus qu'une ferme à visiter et ma mère
ne se faisait plus beaucoup d'illusions. Néan-moins, elle
s'y rendit, salua le couple des gens d'un âge certain, et
se présenta. Prudente, elle ne dévoila pas immédiatement
l'objet de sa visite. On parla de la pluie et du beau temps, puis,
avisant un livre épais, gainé du cuir, ouvert sur
une petite table accolée à la fenêtre : "
quel bel ouvrage vous avez là ! " dit ma mère.
- Mais Madame, c'est la Sainte Bible, répondit la fermière.
C'est notre livre de chevet et chaque soir, nous en lisons de
grands passages
- Je crois que je tombe bien, ajouta ma mère, je vois que
vous êtes très versés dans la religion, or,
j'ai un problème que vous pourriez peut-être m'aider
à résoudre. Voilà ! Je cherche dans quel
évangile le Christ s'adressant aux pêcheurs du lac
de Tibériade, leur dit : " j'avais faim et vous m'avez
donné à manger ". J'ai relu l'épître
aux Corinthiens, l'évan-gile selon Saint Luc et d'autres,
en vain ".
Le vieux et la vieille se regardèrent perplexes, cela ne
leur disait rien. Sur cet évangile-là, ils avaient
dû faire l'impasse et de plus, la dame de la ville semblait
les entraîner sur un chemin qu'ils n'avaient pas envie d'emprunter.
Mais ma mère continua. " La Bible, voyez-vous, c'est
un livre toujours présent, toujours vivant. La lire c'est
bien, encore faut-il en appliquer les préceptes dans sa
vie de tous les jours, préceptes de fraternité,
d'amour de son prochain, d'entraide. Alors là, la lecture
de la bible prend tout son sens.
Dans le cas contraire, ce n'est qu'un texte vide et desséché.
J'ai 50 petits colons, j'en suis responsable et je ne sais comment
les faire manger. Je ne demande pas la charité, je peux
payer, mais pas aux prix des trafiquants marseillais. Mon budget
ne me le permet pas " et, sur ces paroles, elle prit congé.
En fin d'après-midi, nous entendîmes grincer les
moyeux d'une charrette qui s'arrêta dans la cour de la colonie.
Un miracle, une manne inespérée et, c'est le cas
de le dire, tombée du ciel ! Des sacs de pommes de terre,
une énorme motte de beurre, des four-mes, ces fromages
cylindriques crémeux à souhait et tout cela, à
des prix raisonnables. Ma mère en avait les larmes aux
yeux. De plus la rumeur s'en étant propagée, les
autres paysans ne purent faire moins que de nous proposer une
petite partie, non négligeable, de ce que leur laissait
le ravitaillement.
C'est ainsi que cette colonie, que les parents avaient tendance
à juger sur la bonne mine de leur progéniture et
à l'aune des kilos emmagasinés, fut un véritable
succès.
Les voies du Seigneur, quand il est possible d'en infléchir
le cours, ne sont pas toujours impénétrables.
TABLE DES MATIERES
MERCI 9
NOUS REVERRONS-NOUS ? 11
VIVRE MES RÊVES 14
TANOU, MON CHIEN, MON AMI ! 16
PARACHUTAGE 18
NOËLS D'AUTREFOIS 19
MON AMIE, MA FOLIE 20
SOIRÉE D'HIVER 22
LES ENFANTS D'ARMÉNIE 23
CIEL ET MONTAGNE 25
FEUILLES D'AUTOMNE 26
CRUSSOL 27
C'EST BEAU LA VIE 28
C'EST BEAU " LA PROBITÉ " 30
LA DERNIÈRE CLASSE 34
LA SAINTE BIBLE 36
LE VIEUX MOULIN 41
LE MOINEAU GRIS 45
L'HERBE D'ENVERRE 47
L'HEURE VIOLETTE 50
LOU PAN DI COUCOURDO (le pain de courge) 52
VENDANGES EN ARDÈCHE 55
PHEDRE 59
PERSÉPHONE 62
GRÈCE ÉTERNELLE 65
HERACLES 68
LE TEMPLE D'HÉRA 71
L'EAU 74
VIVE LE CHANGEMENT ! 76
LE ROCHER DE FLAVIAC 78
MARIE ET VATNAR CARGESE ETE 1960 79
C'EST COURT, UNE VIE 80
ON L'APPELAIT " MATELOT " 83
LES PIERRES QUI DANSENT 86
LE VIN DE L'HISTOIRE 89
LES FRACTIONS 92
L'ARITHMÉTIQUE 94
LA COURSE DES MOUCHES 96
LE LAPIN ET LA GALETTE 98
LA LETTRE RECOMMANDÉE 101
LE PETIT MERLE 103
LA MORT DU VIEUX CHENE 105
UN CONSEIL JUDICIEUX 106
L'ENFANT BLOND 108
DONA VIERNE 109
ON L'APPELAIT " JANOT " 112
ADIEU POULOU 115
LE PONT DE LA PADELLE 118
ADIEU BOZAMBO 121
LE VAGABOND 123
CHANTE MA DRÔME 125
JUSQU'AU BOUT DE LA VIE 127
LES RUES DU VIEUX VALENCE 128
BALADE DES COMPAGNONS DE MANDRIN 130
LA LÉGENDE DES BOZAMBO 132
MON AMI L'ARMÉNIEN 134
TABLE DES MATIERES 141