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Extrait
LA CHASSE
Connaissez-vous l'église de Saint-Agnan ? Une humble église sans histoire, un peu trapue avec son toit à double pente et son joli clocher de pierre grise, blottie dans un village où on sent percer, mine de rien, déjà un petit air de midi C'est qu'ici, la rudesse du Vercors s'adoucit un peu, et les toits pointus à couve et redans font timidement la place aux génoises et aux tuiles roses. Notre vieille et brave église a bien failli pourtant avoir ses trois cent messes basses comme celles auxquelles fut si durement condamné un soir de réveillon de Noël le pauvre Dom Balaguère, chapelain de Trinquelage en pays de Provence C'était il y a bien longtemps et ceux qui connaissent encore l'histoire vous diront tous à coup sûr qu'ils l'ont oubliée. Je l'ai sue quant-à-moi à grand-peine, d'une confidence d'aïeule murmurée à l'oreille sous sa tonnelle un après-midi de printemps, aussitôt regrettée et la main sur la bouche pour ne pas en dire plus ! La voici donc à peu près telle que je l'ai entendue Bon comme le pain, franc comme l'or, tel était le Père Valentin, curé de Saint-Agnan, tout comme son confrère de Cucugnan On ne saurait dire à ce sujet si les villageois de Saint-Agnan se montraient plus assidus à l'office que ceux de Cucugnan, mais il ne s'agit pas là de notre histoire On dit cependant que chacun sur cette Terre, fût-il ermite, vagabond, curé ou saint-homme, possède son talon d'Achille Notre curé, malgré toutes ses qualités, cultivait quant-à-lui une passion singulière et bien peu avouable à vrai-dire pour un homme d'église : était-ce l'orgueil ou l'avarice ? L'envie ou la colère ? La luxure ou la paresse ? Ou seulement la gourmandise, le moins terrible si l'on veut de nos sept péchés capitaux, mais qui n'en perdit pas moins corps et âme son confrère une nuit de réveillon, que le Bon Dieu condamna sans pitié pour ce seul motif à célébrer trois messes à chaque Noël qui suivrait pendant cent ans ? Pour notre brave curé, rien de tout-celà ! En notre Vercors de bois, de landes et de lapiaz, la seule passion qui le tenait bien serré au ventre c'était seulement celle de la chasse ! Une passion impérieuse et dévorante comme le sont toutes les passions des hommes, qui le tourmentait mais faisait aussi son bonheur, tiraillant douloureusement sa conscience chaque saison revenue, entre sa vocation d'homme de Dieu et son instinct d'homme des bois Il avait jusque-là fait face, luttant sans relâche dans les pénitences, jeûnes et mortifications qu'il s'imposait, mais gardant toujours malgré lui le nez en l'air et l'oreille tendue à l'odeur de poudre et aux coups de fusil qu'il entendait tirer dans les bois tout proches, quand il lisait son bréviaire ou accueillait ses paroissiens le dimanche à la porte de l'église. Dans l'abandon périodique et coupable de sa passion, il avait on s'en doute, trouvé des compagnons de chasse à sa mesure, tout autant enragés que lui à courir les forêts et poursuivre à la vie et à la mort toutes les bêtes de la Création que dans son infinie bonté, le bon Dieu a faites tout-exprès pour les chasseurs Bêtes à poil et à plume, à griffes ou à sabots, à cornes, à défenses ou à bois Lièvres et lapins, cerfs, biches, chèvres sauvages et rudes sangliers, renards et blaireaux, gélinottes et perdrix, tétras et tourterelles des bois, et même corneilles noires tirées aux nids les jours de bredouille L'un surtout d'entre eux plus que les autres, était son confrère et complice d'affût et de vadrouille. Un nommé Pierrou, maréchal-ferrand fier de son état, tapant dur et tirant fort, la plus fine oreille du pays pourtant, mais la tête aussi dure que son enclume, jurant comme un muletier, et pour finir, ne connaissant son curé qu'à la chasse mais jamais à l'église L'un et l'autre ainsi que quelques compères, étaient de toutes les aventures, partis à la pointe de l'aube et revenus la nuit tombée, les fusils encore chauds, les jambes lourdes et les reins alourdis de leurs proies Toute la bande se rendait alors au café du village, étancher la soif de tout un jour de vènerie et forger ensemble la légende toujours neuve de leurs exploits. Seul notre curé se refusait par décence et égard pour ses brebis, à les y accompagner. Il restait devant la porte et la fenêtre ouvertes de l'établissement, juste le temps d'un vin chaud ou d'une limonade suivant le ciel, à écouter en souriant les fanfaronnades de ses compagnons, puis rentrait seul à sa cure pour reprendre ses macérations et expier par le repentir et l'ascèse, s'il se pouvait encore, ces moments d'égarement Il avait jusque-là, tant bien que mal, et par un effort constant de contrition, réussi à maintenir la balance égale et le si fragile équilibre entre l'esprit et la chair, le devoir et la passion. Mais le Diable, rude chasseur d'âmes perdues, qui sent sa poudre noire à vingt pas et sait aussi bien qu'un autre garder l'affût, s'en mêla. Il résolut de se déguiser en capucin C'était un jour calme de fin d'automne quand la saison qui s'avance ralentit son pas et tente une dernière fois de jouer à l'été. Un air vif, piquant un peu le nez, mais le ciel tout bleu, les bois brasillant au soleil, en éclats de bronze de cuivre et d'or, et des effluves à vous perdre, de terre mouillée, de mousse, de champignons et de bêtes à chasser, et encore des glissements dans les halliers et des claquements d'ailes dans les branches à ne plus savoir où tendre l'oreille Le brave curé, victime expiatoire de ce jour maudit, s'était levé d'un bond à la nuit encore noire, tous les sens en émoi, et les villageois de Saint-Agnan eurent la surprise ce matin-là d'entendre sonner dès cinq heures du matin la messe de sept heures Les compagnons chasseurs étaient partis sans le curé qui les rejoindrait juste après la messe. Ils entendirent eux-aussi aussi la sonnerie aux premières passées des bois sombres et en rirent tous ensemble, à s'en tenir les côtes Le Diable lui-aussi souriait dans leur dos de son sourire de Diable et préparait tout comme eux son affût Le brave curé Valentin avait commencé sa messe en avance malgré les murmures de quelques paroissiens se hâtant dans la nef pour trouver leur place. La vérité oblige à dire qu'il l'expédia un petit peu, mais pas assez vite pourtant pour entendre en pleine homélie, qu'il avait par résipiscence préparée juste exprès sur les passions des hommes, la meute hurlante des chiens et les jurons des chasseurs à l'entrée du village s'avançant à grand-bruit vers l'église Brusquement notre curé toute honte gardée se tait aussitôt, descend en hâte de sa chaire, se précipite à la sacristie, y saisit son fusil déjà chargé et, traversant la nef en courant comme un fou encore vêtu de sa chasuble, sous les exclamations indignées de ses brebis, ouvre grand la porte et tire à bout portant le lièvre diabolique poursuivi par les chiens et réfugié à dessein sous le porche Revenant tout aussitôt à son ministère le fusil fumant et le lièvre pantelant tenu par les oreilles, et gouttant son sang sur le pavé, le curé pose le tout en désordre derrière la porte de la sacristie, et sans rien dire remonte sur sa chaire pour achever son homélie La coupe de l'opprobre devant être bue jusqu'à la lie, aux derniers mots de l'exhortation des fidèles à repousser l'excès de leurs passions humaines et à la méritoire tempérance, la porte de l'église s'ouvre à deux battants avec fracas et Pierrou tout fumant de sueur et de poudre, et se gardant bien d'entrer, lance du seuil du Temple sacré de sa voix de tonnerre au curé en chaire : " Alors ? Tu l'as eu ? " Personne ne sait si le pauvre curé endiablé de Saint-Agnan fut lui-aussi condamné pour ses infamies le jour du jugement à célébrer trois cent messes basses comme son confrère de Provence Il l'aurait sans-doute et à son tour bien mérité Mais on m'a dit au café des chasseurs qu'un ancien, mort depuis bien longtemps, répétait inlassablement de sa table sous la fenêtre sans que personne ne l'écoute plus, que chaque année, à la même nuit de novembre finissant, il voyait les fenêtres de l'église s'éclairer un bref moment et entendait en même temps de l'intérieur, comme les détonations étouffées d'un fusil de chasseClaude Ferradou, Villard de Lans, mars 2017.
(Almanach 2021 pour 12 euros expédition franco chez vous)
Valence Muséum
24 septembre 2020, à l'heure où nous bouclons l'almanach, il nous est apparu judicieux de sortir de la bulle Covid pour aller inaugurer l'exposition " Allover " mettant en valeur Philippe Favier qui habite Chateaudouble. Pourquoi utiliser un jargon bien obscur et forcément anglais pour définir quel-que chose de simple ? C'est le propre des élites d'emberlificoter le quidam avec un métalangage. Ici tout est limpide, l'artiste multiforme a investi tout le musée pour placer des uvres " PARTOUT " (voilà ma traduction). Si bien que les collections permanentes sont entourées par les différents " montages " de notre artiste. Nous pensons qu'il y a au moins 500 ou 1000 objets divers tant l'envahissement est phénoménal, mais disons-le, remarquable. L'artiste a investi les lieux à bras le corps avec le commissaire de l'exposition, Thierry Raspail, pour nous faire découvrir sa planète en revisitant le musée. Musée labyrinthique qui se prête fort bien à ce voyage. Rappelons qu'il a été rénové pendant 10 ans et qu'il est resté coincé au centre ville dans les vieux locaux. Etages et demi-étages, coins et recoins qui se prêtent admirablement à cette déambulation étonnante. Citer tout remplirait un almanach mais parlons simplement que de quelques réalisations comme la plus surprenante dès l'entrée qui consiste à installer une magnifique table avec les couverts prêtés par la présidence devant des tableaux anciens de la Cène. Parlons aussi des fameuses boîtes de notre artiste. Des centaines de boîtes souvent à compartiments, plus étonnantes les unes que les autres sont si bien disposées qu'elles se confondent parfois avec les objets des vitrines. Surprenant ! En conclusion, une belle claque artistique. Un beau moment que je vous conseille d'aller passer même avec des tout petits (2 ans) jusqu'au 31 janvier 2021. Cela vous donnera envie de faire l'artiste, de bricoler un truc, croyez moi !
René
Adjémian
(Almanach 2021 pour 12 euros expédition franco chez vous)
CUISINE D'HIVER
Par Michèle Sain-Alban
Salade de chou-fleur
en couleur
1 petit chou-fleur blanc,
1 bouquet de brocoli,
1 petit chou-fleur jaune,
5 pommes de de terre grenaille,
2 bardes de lard fumé,
12 olives vertes,
1 oignon rouge,
1/2 bouquet de persil,
Vinaigrette :
- 2 c. à .s. d'huile de colza,
- 1 c. à s. de vinaigre balsamique,
- 1 c. à c. de moutarde à l'ancienne,
- 1 gousse d'ail réduite en pulpe,
Sel, poivre.
Laver et détailler les chou-fleurs et le
brocoli en fleurettes. Garder les pieds
pour une soupe, par exemple.
Dans une grande quantité d'eau salée,
bouillante, faire cuire les choufleur
10 à 15 minutes. Ils doivent rester
croquants. Les égoutter, les passer
sous l'eau froide.
Garder l'eau de cuisson des choufleurs.
Peler les pommes de terre, les
couper en quatre, et les faire cuire
dans cette eau.
Peler et émincer l'oignon rouge.
Hacher le persil.
Couper les bardes de lard fumé en
petits lardons, les faire revenir à la
poêle, dans de l'huile de colza. Déglacer
au vinaigre balsamique et ajouter
la moutarde et la gousse d'ail. Étendre
cette vinaigrette de 2 c. à s. d'eau.
Dans un saladier, disposer le choufleur,
les pommes de terre, l'oignon et
les olives. Arroser de la vinaigrette
avec les lardons et brasser délicatement.
Servir saupoudré de persil haché.
Se déguste tiède.
Poulet au pot
1 poulet fermier,
2 oignons jaunes,
4 carottes,
4 pommes de terre,
1 poireau,
3 gousses d'ail,
2 c. à s. de crème fraîche
épaisse,
250 g de grosses pâtes,
25 g de beurre,
1 bouquet garni : thym, laurier, romarin
dans une mousseline.
Gros sel marin,
6 grains de poivre noir écrasés.
Couper le poulet en morceaux. En
ôter la peau.
Peler les pommes de terre et les carottes.
Couper les carottes en grosses
rondelles et les pommes de terre en
gros cubes. Émincer l'oignon et le
poireau. Peler les gousses d'ail et les
couper en lamelles.
Dans une grosse cocotte en fonte,
faire fondre le beurre, y faire revenir
l'oignon, puis les morceaux de volaille.
Couvrir d'eau, ajouter le bouquet
garni, le poireau, l'ail et le poivre.
Saler.
Laisser cuire à couvert et à feu doux
35 minutes. Ajouter les pommes de
terre et les carottes. Prolonger la cuisson
de 35 minutes.
15 minutes avant la fin de la cuisson
ajouter les pâtes. Avant de servir, retirer
le bouquet garni.
Voilà un plat simple et réconfortant,
servi bien chaud après une froide journée
d'hiver.
Gâteau aux pommes
6 pommes reinettes,
4 oeufs,
125 g de farine,
130 g de sucre roux,
65 g d'amandes effilées,
60 g de poudre d'amandes,
50 g de beurre,
1 c. à c. de levure chimique,
1/2 gousse de vanille,
10 cl de lait.
Éplucher les pommes et les couper
en huit.
Dans un saladier, battre les oeufs entiers
avec le sucre, jusqu'à ce que le
mélange blanchisse. Ajouter progressivement
la farine tamisée avec la levure
chimique, et la poudre
d'amandes.
Fendre la gousse de vanille en deux,
gratter les graines et les ajouter à la
pâte.
Ajouter le beurre fondu et un peu de
lait. Bien mélanger. La pâte doit être
lisse et légère.
Beurrer généreusement un moule à
manquer de 22 cm, y verser la pâte,
disposer les pommes, parsemer
d'amandes effilées.
Faire cuire au four à 190° pendant 35
à 40 minutes.
Se déguste froid.(Almanach 2021 pour 12 euros expédition franco chez vous)
JOS JULLIEN
(1877-1956)
un médecin-chercheur ancré en Vivarais.
par Laurent Jullien
Almanach : Docteur Laurent Jullien, pouvez- vous vous présenter pour nos lecteurs ?
Je suis docteur en Biologie, spécialiste des mécanismes qui assurent le maintien de l'intégrité de notre patrimoine génétique : l'ADN. J'ai travaillé pendant plus de 10 ans dans les meilleurs laboratoires de recherche français et notamment à l'Institut IMAGINE, le département recherche de l'Hôpital Necker - Enfants Malades, à étudier une maladie rare qui prédispose les enfants aux développements de cancers. J'ai rejoint, il y a 3 ans, la Ligue Nationale contre le Cancer comme responsable des appels à projets recherche. A ce titre, je supervise l'évaluation et la sélection des projets de recherche qui seront financés par l'association.
Jos Jullien, même s'il est essentiellement connu aujourd'hui pour ses illustrations d'ouvrages, a eu une carrière scientifique et médicale hors du commun, comme vous pourrez le découvrir : Joseph-Victor Jullien, plus connus sous le nom de Jos Jullien, est l'une des figures ardéchoises les plus emblématiques de la première moitié du XXe siècle. Il est aujourd'hui essentiellement connu pour son activité d'illustrateur1. Il orna, entre 1924 et 1937, une trentaine d'ouvrages de ses gravures, notamment aux éditions du pigeonnier, à Saint-Félicien-en-Vivarais, de son ami Charles Forot. Ces uvres imprimées sur des papiers de qualité (Japon, Vidalon, Montgolfier ) font encore aujourd'hui le bonheur des collectionneurs. La préhistoire en Ardèche fut l'une de ses autres passions. Entre 1906 et 1914, il entreprend un important travail d'études des sites occupés par les premiers hommes dans le département (cavi-tés, abris, dolmens et " fonds de cabanes ") et publie pas moins d'une soixantaine d'articles sur le sujet2. Consécration, en 1914, Jean Regné fait appel à lui pour rédiger la partie Préhistoire de son ouvrage sur L'histoire du Vivrais3. Son activité scientifique et mé-dicale fut tout aussi prolifique et mena à des avancées majeures dans ses domaines de spécialisation, com-me nous allons le voir4.
Jos Jullien voit le jour le 2 janvier 1877 dans le petit village de Tournon, en Haut-Vivarais. Son père, originaire de Rosières dans les Cévennes ardéchoises, est alors maréchal des logis dans la brigade de gendarmerie de la ville. Jos Jullien débute sa carrière médicale lorsqu'il intègre, sous l'impulsion de son père, l'un des centres de recrutement de Lyon, où il s'engage comme volontaire à l'École du service de santé militaire. Brillant élève, il obtient le 26 février 1899 le titre d'externe des hôpitaux de Grenoble, spécialité médecine générale. Et après avoir débuté son internat à l'Hôtel-Dieu, dans le service de chirurgie osseuse de Louis Léopold Ollier, lui aussi ardéchois d'origine, puis dans celui de médecine expérimentale de Raphaël Lépine, il rejoint le service du professeur Alexandre Lacassagne, médecin légiste et fondateur de l'anthropologie criminelle. Très impressionné par le charisme de son illustre maître, il se prend de passion pour cette nouvelle discipline au point de réaliser sa thèse d'exercice sous l'autorité de l'imminent médecin légiste. Il soutient sa thèse de médecine le 24 juillet 1902, qu'il obtient avec les félicitations du jury.
Un médecin de campagne en Vivarais.
Bien que solidement implanté dans la métropole lyonnaise, Jos Jullien aime profondément sa terre natale, l'Ardèche, et c'est donc tout naturellement qu'il installe son cabinet de con-sultation à Joyeuse, commune limitrophe de Rosières, où réside maintenant ses parents. Il reçoit ses patients deux matinées par semaine. Les autres jours, il prodigue ses soins à domicile, dans les villages avoisinants. Il est joignable de jour comme de nuit, s'occupe des urgences, des personnes âgées et réalise les accouchements. Son cabinet, situé au rez-de-chaussée de son habitation, rue Sainte-Anne, est spacieux et comprend rapidement une salle d'analyses médicales. Ses journées sont éprouvantes, et peuvent atteindre 13 à 14 heures de travail journalier, surtout en période d'épidémie. Ainsi toutes ses recherches futures seront ainsi réalisées à Joyeuse, dans son laboratoire personnel tout d'abord, puis au sein de son service de l'hôpital communal.
Ces premières années d'exercice sont marquées par la rédaction de ses premiè-res communications dans lesquelles il aborde essentiellement la question des " superstitions médicales " et des " re-mèdes de bonne fem-me ", mêlant cro-yances ancestrales locales et science. Cette période coïncide également avec ses premières inventions, qu'il conçoit comme des supports techniques pour les médecins et parmi lesquelles se trouve une boîte à pansements aseptiques de nouvelle génération. L'originalité de cette invention est qu'elle conserve son asepsie même en cas d'utilisation discontinue5. De plus, elle est facile d'utilisation, peu encombrante et bon marché. En effet, à cette date les pansements stériles et prêts à l'emploi sont relativement onéreux et une fois entamé, le lot doit être à nouveau stérilisé, avant une éventuelle nouvelle utilisation. C'est à ce problème que répond donc son invention. Elle fait l'objet d'un dépôt de brevet, avant d'être commercialisée dès 1908 par la A. Mesclon & Cie, petite société ardéchoise, basée à Joyeuse et détenue par le beau-frère de Jos Jullien : Aimé Mesclon. À la même période, il met également au point, toujours dans sa résidence de Joyeuse, un conformateur manuel, un outil d'anthropométrie médico-légale permettant d'identifier un individu grâce à l'étude de ses mains. Cette application fera l'objet d'une publication dans les Archives d'anthropologie criminelle, dirigée par son ancien maître Alex-andre Lacassagne6. En-tre 1908 et 1911, il fonde deux revues médicales : Le Médecin de campagne, dont l'objectif est de tisser des liens entre les médecins du département et leurs patients, puis Le Médecin de famille, qui couvre l'ensemble de la profession médicale, comprenant une dimension plus sociale.
En parallèle, il débute une carrière politique. Après avoir été, pendant huit années, adjoint au maire de Joyeuse, il est élu, à son tour, maire le 10 mai 1908 sous les couleurs du Congrès républicain radical, mandat qu'il conservera dix-neuf années. Il modernise les infrastructures de sa commune, offre une aide aux plus démunis et restaure l'hôpital vieillissant de la commune. Il le dote d'une salle d'opération, de radiographie, d'une maternité et installe le chauffage central. Grâce à cette modernisation des installations, l'hôpital de Joyeuse deviendra bientôt un centre médical au rayonnement international. En 1911, suite au décès brutal d'un collaborateur du Médecin de campagne, laissant derrière lui une veuve et cinq enfants, Jullien propose de créer un organisme en charge de récolter et de gérer des fonds réservés aux orphelins des professions médicales et pharmaceutiques. C'est ainsi que nait le Nid médical.
Jos Jullien, comme des milliers d'autres français, participe aux meurtriers combats de 14-18. Héros de la Grande Guerre, il est décoré de la Croix de Guerre et de la Légion d'honneur. Son expérience acquise sur le front et dans des hôpitaux de premières lignes, l'incite à publier dans le numéro du 1er mars 1918 de la revue Le Mercure de France un articule intitulé " La guerre et les progrès de la chi-rurgie " dans lequel il relate les pro-grès des soins d'urgence réalisés au cours de ces quatre années de guerre. Démobilisé, il est rendu à la vie civile en mai 1919 et peut enfin reprendre le cours de sa vie.
Recherches
sur la brucellose.
Jos Jullien s'intéresse, dès le début des années 1920, à la brucellose (appelée aussi fièvre ondulante), qu'il rencontre couramment au détour de ses consultations. Il s'agit d'une maladie infectieuse, caractérisée par des crises fiévreuses associées à un état septicémique. Une forme chronique s'installe le plus souvent au bout de quelques mois, handicapant fortement le patient. À cette date, il n'est pas possible de prédire l'évolution de la maladie, ni de proposer un projet thérapeutique efficace. Afin de pallier cette problématique, il crée, dès 1931, au sein de l'hôpital de Joyeuse, un " cen-tre de traitement de la fièvre ondulante ", qui lui permet, d'une part de regrouper les malades et d'autre part d'étudier la maladie plus facilement. Le service s'organise comme un service hospitalier moderne et se démarque par des procédures définies permettant un diagnostic juste à l'aide d'examens médicaux et biologiques novateurs, une proposition de traitement innovant, et lorsque le patient quitte le service, la délivrance d'informations de prévention de la maladie. Le centre de Joyeuse s'impose rapidement comme un centre de référence national et international en termes d'accueil des malades, d'étude et de traitement de la pathologie. À Joyeuse, l'axe central du procédé thérapeutique est un vaccin polyvalent humain baptisé Paronduline, destiné à combattre les surinfections et complications liées à la brucellose. À partir de 1932, Jullien collabore avec les laboratoires Ducatte, à Paris, pour la commercialisation de son vaccin anti-mélitococcique. En 1934, sur proposition de l'Académie de médecine, le ministère de l'Hygiène (ancien ministère de la Santé) lui décerne la médaille d'honneur des Épidémies en récompense de ses recherches. Il est à cette date médecin-chef du centre d'étude de Joyeuse. Fort de ce succès, Jullien devient rapidement le référent mondial en matière de traitement de la maladie. Tout comme Louis Pasteur avant lui, des médecins du monde entier lui écrivent pour obtenir des conseils sur la meilleure manière de traiter tel ou tel patient. C'est ainsi que naît dans l'esprit de Jullien, l'organisation du premier congrès des brucelloses. Du 11 au 13 juin 1935, il organise et participe, en tant que l'un des meilleurs spécialistes dans ce domaine, au premier Congrès de recherche sur la brucellose chez l'hom-me et l'animal, qui se déroule à Avignon. À la même époque, il reçoit la Médaille de Vermeil de la gendarmerie décernée par le ministère de la Guerre pour avoir donné, pendant plus de 35 ans, gratuitement, des soins aux gendarmes des brigades avoisinantes.
De l'infectiologie à l'hydrobiologie thermale.
Après avoir développé un nouvel arsenal thérapeutique destiné à combattre les surinfections liées à la fièvre ondulante chez l'homme, Jos Jullien étudie les moyens d'atténuer les symptômes des formes chroniques de la pathologie. Dans ce contexte, il met au point un spiroscope à eau, le SPIRO, un appareil médical simple et ingénieux " de contrôle, d'entraînement et de gymnastique respiratoire ", pour lutter contre les symptômes pulmonaires de la maladie 7,8. De maniè-re totalement inattendue, le SPIRO, commercialisé par la société Manufrance, devient l'un des premiers objets de consommation médicale de masse, transposant la spirométrie d'un domaine purement médical à une utilisation de remise en forme et d'embellissement du corps. Un point de vente promotionnel est installé au sein de la station thermale de Salins-les-thermes en Savoie, devenant une exceptionnelle vitrine pour la commercialisation de son invention. Ainsi, en plus des traitements hydrothérapiques, se développe dorénavant, au sein de l'univers thermal, la spirométrie. Le médecin ardéchois profite de ses nombreuses visites dans la station thermale pour étudier les bienfaits de ses eaux. Ces nouvelles observations l'amènent à considérer les traitements thermaux comme un moyen curatif efficace contre les troubles physiologiques (courbatures, dermatoses, paralysie, névralgie, etc.) inhérents aux formes chroniques de la brucellose. Jos Jullien se lance alors à corps perdu dans l'étude des valeurs thérapeutiques réelles des eaux médicinales et démontre qu'il existe dans les eaux thermales des éléments, comme les minéraux, les vitamines et de façon beaucoup plus inattendue, le microplancton, qui peuvent jouer un rôle préventif et curatif important. De ces conceptions biologiques des activités des eaux thermales naît une science nouvelle : l'hydrobiologie thermo-mi-né-rale médicale, dont Jos Jullien devient l'un des pères fondateurs. En 1946, Jullien rejoint la station thermale de Molitg-les-Bains dans les Pyré-nées-Orientales où sont aménagés les Laboratoires d'hydrobiologie médicale, dont il devient le directeur fondateur. L'objectif de ces laboratoires est la transposition de ses découvertes vers la thérapeutique, notamment en dermatologie. De ces recherches naît, en 1952, la gamme Biotherm pour Biologie thermale.
En une décennie seulement, Jos Jullien a énoncé une théorie fondamentale donnant une explication sur la globalité des propriétés thérapeutiques des eaux thermales, ouvert la voie d'une nouvelle discipline et participé à la création d'une gamme de cosmétiques, toujours présente sur le marché plus de 65 ans après sa création. Toute sa vie, Jos Jullien a été animé d'un profond désir de comprendre le monde qui l'entoure. Il a exploré les domaines les plus récents de la médecine et a souvent été précurseur dans ses champs de compétences. La majorité de ses découvertes a été réalisée en Ardèche, à Joyeuse, plaçant pour un temps la petite ville au cur d'une recherche médicale de pointe. Il s'éteint le 22 mai 1956 à Joyeuse, à 79 ans.
______________________________
1 Stéphane Rochette, Jos Jullien, une vie gravée en Vivarais, Archives départ.Ardèche, 2010. 2 Odette Gros et André-Charles Gros, " Un pionnier oublié de la préhistoire ardéchoise le docteur Jos Jullien ", Ardèche Archéologie, n°22, p. 50-54, 2005. 3 Jos Jullien, " Préhistoire de l'Ardèche ", L'Histoire du Vivarais, p.75-147, 1914.4 Laurent Jullien, " Le médecin ardéchois Jos Jullien (1877-1956), un savant à la carrière hors norme ", Revue d'Histoire de la Pharmacie, no 403, p.381-398, septembre 2019. 5 Laurent Jullien, " Le pansement de campagne aseptique Mesclon, premier pansement ardéchois ", Revue d'Histoire Pharmacie, n° 405, septembre 2020.6 Laurent Jullien, " Le conformateur manuel Jullien-Souel, un nouvel outil d'anthropométrie médico-légale pour l'identification d'un individu par ses mains ", Clystère, n°71, juin 2020. 7 Laurent Jullien, " Le spiroscope à eau du médecin-artiste Jos Jullien, de la médecine au bien-être ", La nouvelle cigale Uzégeoise, n°12, Lucie éditions, 2015.8 Laurent Jullien, " Le SPIRO du docteur Jos Jullien ", Clystère, n° 51, p. 29-46, juin 2016.
TREMBLEMENT DE TERRE
Le Teil, 11 novembre 2019
Cette date restera dans toutes les mémoires, la terre a tremblé au Teil à à 11h52. On a mesuré 5,4 sur l'échelle de Richter. Tous les habitants de la vallée du Rhône ont ressenti ce séis-me. Le 23 novembre, une réplique de magnitude 2,8 a été ressenti en Ardèche dans la nuit de samedi à dimanche. Elle s'est produite vers 23h15, à trois kilomètres du Teil et à six kilomètres de Montélimar, précise le Réseau national de surveillance sismique de Strasbourg.
Le séisme du 11 novembre a provoqué beaucoup de dégâts et neuf communes, cinq en Ardèche et quatre dans la Drôme, ont été reconnues en état de catastrophe naturelle par un décret publié au Journal officiel.
Dans ces villes (Le Teil, Alba-la-Romaine, Rochemaure, Saint-Thomé, Viviers, Châteauneuf-du-Rhône, Mont-bou-cher-sur-Jabron, Montélimar et Puy-giron), les victimes du séisme ont eu jusqu'au 3 décembre pour déclarer leurs dégâts à l'assurance, en vue d'une prise en charge du règlement du sinistre.
La France a connu récemment plusieurs épisodes sismiques, dans la chaîne des Pyrénées (3,8), près de Pau (magnitude 3,8), à Strasbourg (3,1), dans les Deux-Sèvres (3,7) ou dans le Puy-de-Dôme (3,7).
Les lecteurs de l'almanach étaient au courrant depuis de nombreuses années que nous dormions sur des plaques sismiques puisque nous avions données à de nombreuses reprises des extraits du fameux livre Daniel Ratz : Tremblements de terre en Drôme Ardèche. Voir d'ailleurs des extraits dans cet almanach.
Chose curieuse, cet article aurait dû paraître dans l'almanach 2020, en pendant du papier sur les volcans de l'Ardèche qui posait la question de savoir si l'homme de la grotte Chauvet aurait pu voir des volcans en éruption. Le manque de place ne nous avait pas permis de le sortir.
En effet, au temps géologique, 1000 ans correspondent à une fraction de seconde ! Donc nos hommes des cavernes ardécho-drômois ont vu des volcans en éruption ! Eh oui !
Quelles conclusions peut-on en tirer ? C'est très simple, l'homme (et la femme, soyons équitable) a la mémoire d'un poisson rouge. Mais me direz-vous, les livres d'histoire, ça existe. Oui mais enfin, c'est pas très rigolo de connaître le passé.
D'ailleurs, nos grands spécialistes, ingénieurs et autres énarques qui doivent savoir lire n'ont-ils pas voulu que la centrale de Cruas soit posée en plein sur une faille sismique. Depuis 457, les historiens ont parlé de tremblements de terre dans notre bonne vieille Drôme-Ardèche.
Redisons encore et encore qu'Aroun Tazieff était venu au Teil pour mettre en garde contre les tremblements de terre ! C'était il y a 30 ans, l'époque des... dinosaures. Et il y en a plein d'autres qui s'arrachaient les cheveux et étaient pourtant traités de gros débile. Mais les faits sont têtus !
Aujourd'hui, ces forts en thème ont pris leur retraite (eh oui et pas à 65 ans, je vous l'assure), et sont grassement récompensés. Ils nous ont laissé les problèmes, sans parler des 23 000 ans de confinement des déchets du plutonium !
Après consultations de grands nouveaux spécialistes et de nombreux lecteurs de l'almanach, j'ai entendu beaucoup de " oui mais..."
Trop facile après la catastrophe d'essayer de la justifier. Oui mais, le nuage de Tchernobyl est passé à côté de... Oui mais, à Fukushima, les japonais spécialistes mondiaux des tremblements de terre n'avaient pas pensé à... Oui mais nous on avait tout prévu au niveau sismique en France. Oui mais...
N'a-t-on pas d'ailleurs essayé d'embrouiller le Drômardéchois avec les chiffres et les causes. Lorsqu'il qu'on a annoncé qu'il y a eu 5,4 sur l'échelle de Richter alors que nos spécialistes n'avaient prévu qu'un 5,2 pour la construction de la centrale de Cruas, oui mais, on nous a raconté que le phénomène était situé à 2 kms dessous la centrale donc que le ressenti était plus petit... Oui mais, que ce serait une mine de la carrière de Lafarge qui aurait déclenché le tremblement de terre !
Oui mais, les spécialistes de la Bouquinerie affirment, quant à eux, que c'est le Père Noël qui préparant les fêtes et les livraisons, est passé trop vite avec son traîneau... déclenchant ainsi le tremblement ! Oui mais... alors, que fait la police ? Ne faut-il pas verbaliser l'illustre barbu ?
Ajoutons que, selon nos informations, quelques dizaines de secousses imperceptibles par l'homme auraient été enregistrées depuis le 11 novembre. Donc tout va bien !
Les pauvres commerçants et habitants sinistrés ne peuvent que pleurer les larmes de leurs corps. Les pertes sont énormes dans les commerces. 80% sont sinistrés. Oui mais, une subvention pour les commerçants sinistrés de quelques... 8000 euros ! a été attribué par la mairie.
Et que dire des habitants qui n'auront que leur yeux pour pleurer car les assurances savent faire ce qu'il faut pour distribuer quelques poignées de raviolis. " Auriez vous la facture de votre crépis d'il y a 80 ans ? " " Votre cheminée a été ébranlée, donnez-mois les factures des 20 dernières années de ramonage ".
Comme le disait un de mes lecteurs, je suis un peu radical et mauvaise langue mais, une chose certaine pour moi, je tremble d'avance pour les pauvres miraculés qui ne se sont pas pris leur maison sur la tête.
Je pleure même d'avance car je sais qu'ils feront les frais de ce sinistre.
De plus, j'affirme tout de go que si le séisme avait été de 6 sur l'échelle de Richter soit 0,6 de plus que 5,4, la puissance du tremblement de terre aurait été 30 fois supérieure ! Je dis bien 30 FOIS PLUS. Si un tel évènement se produisait, tout aurait été détruit et au raz du sol ! Malheureusement l'histoire nous a montré que cela est arrivé en Drôme-Ardèche il y a moins de 400 ans, un clin d'il à l'aulne du temps géologique.
Réjouissons nous, une faille de 8 cm a été localisée : " Le radar de la mis--sion Sentinelle 1 du programme Copernicus vient de permettre aux scientifiques de localiser la faille à l'origine du tremblement de terre survenu le 11 novembre en Ardèche et qui a été ressenti dans une grande partie de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Elle se situe précisément " à l'ouest du Teil ", apprend-on dans une note publiée le 18 novembre par l'agen-ce spatiale européenne (connue sous l'acronyme anglais ESA)." Si nos satellites veillent sur nous, tout va bien. Il ne vous reste plus qu'à allumer quelques cierges ! Réjouissez vous, cher(e)s ami(e)s, vous êtes vivant(e)s !
René AdjémianLA PESTE
ET LE CHOLERA
VS COVID 19
EN DROMARDECHE
2020 a été marqué par un fléau tout à fait inédit qui frappa l'humanité entière : le Covid 19 ou Corona virus. Une épidémie terrifiante qui paralysa en quelques semaines la planète, tuant des milliers de personnes.
Nous devons rappeler ici que la peste sévit autrefois durement dans notre région et allons faire un petit historique de ce fléau.
100 000 morts à Marseille
Notes du curé de Sablières, pour les années 1720, 1721 et 1722 : " Cette année 1720, la Provence a été affligée du fléau terrible de la peste, dans trois mois qui sont septembre, octobre et novembre elle a emporté dans la seule ville de Marseille plus de cent mille personnes ; la ville d'Aix a été aussi considérablement endommagée et la crainte de ce mal contagieux a donné l'allarme (sic) dans tout le royaume et fait prendre de grandes précautions partout. Dans les villes on fait garde exacte n'y recevant aucuns étrangers s'ils n'ont de certificat de santé, ce qui a interrompu le commerce. Le Rhône est si exactement gardé qu'on espère par la garantir le Vivarès (sic) la suite fera voir si dieu aura eu égard à toutes ces précautions n'etant pas exempts de péché nous ne meritons pas d'être exemps des fleaux de sa Justice " Source : AD 07, page 172 du registre BMS 1708-1735.
Comme tout le monde le sait la peste n'était pas une nouvelle maladie puisque les chroniques nous la décrivent depuis plus de 1500 ans. Sans faire un inventaire exhaustif qui occuperait tout l'almanach, nous vous proposons de faire un petit historique.
La peste a tué entre 1346 et 1352 près de 25 millions de personnes soit un tiers de la population européenne. C'est à cette époque qu'on a créé pour la première fois le confinement et la mise en quarantaine avec le port des fameux mas-ques à bec qui sont rentrés dans l'histoire.
Le décameron
Giovanni Boccaccio, dit Boccace (1313-1375), l'un des grands auteurs du trecento, écrivit son fameux Décaméron entre 1349 et 1353. Ne nous y trompons pas, c'est un hymne à l'amour qui est chanté par l'auteur. Le Décaméron (qui signifie en grec ancien le " Livre des dix journées ") revient sur l'épidémie de peste à laquelle a survécu son auteur à Florence qui fut touchée " au printemps ". L'épidémie dura jusqu'en " octobre-novembre " dans une ville déjà en proie à une profonde crise économique et politique.
Boccace nous y raconte dans une suite de 100 nouvelles les 10 jours vécus par 7 jeunes filles et 3 garçons réfugiés dans la campagne pour échapper à la pandémie.
Chapitre après chapitre, le Toscan dessine un itinéraire idéal d'accomplissement personnel, inauguré par la réprobation des vices et achevé par une célébration de la vertu et de la magnanimité, seules voies d'accession à la fortune, à l'amour et à l'esprit.
Nous serions tenté de faire une corrélation entre notre situation actuelle avec le Covid 19 et le tableau dantesque du chaos qui régnait à Florence.
Voici quelques-unes des citations de ce bel ouvrage, beaucoup relu pendant les 2 mois que dura notre confinement (du 13 mars au 10 mai 2020).
" Ce qui donna encore plus de force à cette peste, ce fut qu'elle se communiquait des malades aux personnes saines, de la même façon que le feu quand on l'approche d'une gran-de quantité de matières sèches ou ointes. "
" Le feu gagne plus vite ce qui est léger et gracieux que les objets durs et lourds ".
" Bouche baisée ne perd pas sa fortune, elle renaît à neuf comme la lune ".
" Plus étroits que ceux du sang et de la famille sont les liens de l'amitié ".
" Rien n'est plus naturel à tout ce qui respire que de chercher à défendre et à conserver sa vie autant qu'il le peut. Ce sentiment est si légitime, qu'il est souvent arrivé que, par ce motif, on a tué des hommes, sans avoir été jugés criminels, ou du moins dignes de châti-ment ". Et : " Toute chose en ce monde a une fin ".
Les croix de la peste
Les grandes épidémies comme la peste ont donné lieu à l'érection de croix pour remercier le ciel d'avoir épargné un village, une famille, les fameuses " croix et colonnes de peste " qui sont des monuments érigés en Europe, du Moyen Âge jusqu'au XVIIIeme siècle, par les populations chrétiennes, en ex-voto ou en commémoration d'une épidémie de peste. Certaines croix portent des signes distinctifs de leur fonction : une inscription, des bubons ou des statues de saints protecteurs de ce fléau comme saint Roch qui est le saint le plus invoqué, dès le Moyen Âge. saint Sébastien, saint Isidore le Laboureur et la Vierge ont pu être invoqués.
Pour le Corona Virus, le 19 mars 2020, le Souverain pontife a adressé une prière à saint Joseph, se recueillant devant une icône représentant la visite faite par l'Ange Gabriel au " gar-dien " de la Sainte Famille.
La Grande croix de peste de Satillieu avec ses bubons et personnages en granit (1525) a été mise à l'abri dans l'église. Une copie est à la place initiale.
La croix du Crestet présente des bubons bien évidents.
La croix des morts à Ailhon avec ses extrémités boulées pour-rait être une croix de la peste.
À Saint-Alban-d'Ay, la croix de peste à personnages (16 ème siècle) est au centre du village, elle est inscrite à l'inventaire des monuments historiques.
À Vesseaux, la Croix des " Dou-ces ", (les douces étant des sources), est une croix votive, biface, de style roman. Elle fut érigée en 1726 au moment de la peste, ce qui explique les " bubons " au bout de chaque bras de la croix et sur son sommet. La face côté chemin représente le Christ en croix. Sur l'autre face, côté jardin, la Vierge porte un enfant emmailloté (enfant ou âme des morts de la pes-te).
Autres lieux signalant une croix de la Peste : Saint-Symphorien-de-Ma-hun, Préaux, le Crestet, Montpezat-sous-Bauzon (À côté du château, sur la petite place, aire à battre au fléau utilisée jusque vers 1960, une croix de la peste avec ses bubons sculptés sur le pied droit).
La peste dévasta le Vivarais en 590. Viviers eut beaucoup à en souffrir en l'an 1000 ainsi qu'en 1033 mais aussi de 1348 à 1349, pour revenir en 1361, en 1374, 1549, 1580, 1586, 1606, 1626 et 1627. Elle atteindra son point crucial en 1629 dans la région proche, pour continuer sporadiquement jusqu'en 1633 et apparaître de nouveau en 1640, 1643, 1694, 1720, 1722 durant huit interminables mois.
et... le choléra
Il ne faut pas oublier de parler de cette autre calmité qui frappa notre région : le choléra.
La première vague de Choléra touche la France en mars 1832. L'étude de Paillard, publiée en août 1832, nous permet de dessiner une première esquisse de la propagation de l'épidémie.
D'après lui, le choléra apparaît à la fin du mois de Mars dans le département de la Seine puis, juste après dans la Seine-et-Oise, la Seine-et-Marne et l'Oise, en fait, grosso modo dans le cur du Bassin Parisien. Le Pas-de-Calais est ensuite touché à son tour.
L'épidémie de choléra se poursuivit en 1833 et 1834 sans que l'on sache très bien si la souche des vibrions de ces vagues secondaires était la même que celle des vibrions de 1832... Ces derniers survécurent sans doute en Vallée du Rhône (choléra signalé en Ardèche en 1833) mais les historiens envisagent également une " re-con-tamination " en provenance de la Méditerranée (épidémie de choléra à Oran en octobre 1834, puis à Marseille en décembre). Le choléra parvint en Vivarais en 1832 où il apparaît pour la première fois, puis en 1854 et enfin en 1884 et 1885 où il entraînera de nombreux décès y compris dans la commune. Cette date marquera la première grande épidémie vieille d'à peine plus d'un siècle.
... épidémies...
La mairie de Labaume a fait un bel historique de toutes les calamités ardéchoises sous le titre : " Les épidémies à Labeaume ".
" Les épidémies furent très nombreuses au cours des siècles passés. De nombreux facteurs ont favorisé cette expansion. Le manque absolu d'hygiène et de propreté s'accentuait avec les catastrophes naturelles. De terribles gelées ou inondations, mais aussi de grosses sécheresses ont entraîné inévitablement un manque de nourriture, causant la disette. Les soldats de retour des armées se trouvent être contaminés. L'hébergement forcé de troupes royales, de passage dans la région, accentuent la contagion.
Calamités et Cie
Mais il ne faut pas oublier, la lèpre, aggravée par le retour des croisades, qui perdura durant tout le XIVème, une partie du XVème et XVIème siècle. Quelques dates bien marquantes en 1432, 1455, 1461, 1465, 1472, 1477, 1478, 1495, 1522, 1527, 1531.
La coqueluche fit des ravages en Vivarais en 1583, 1586, 1587.
La variole fit également mourir beaucoup de personnes en 1759, 1771, 1746, 1870, 1873, 1874 et 1886 mais bien mois spectaculairement car le vaccin fut découvert vers 1776.
La tuberculose fit aussi beaucoup de victime notamment en 1850 et 1920. Il ne faut pas oublier la typhoïde et la grippe espagnole qui sévirent en 1918.
Le docteur Francus (Albin Mazon) dans son Voyage le long de la rivière d'Ardèche, au chapitre de l'abbaye de la Villedieu donne les renseignements suivants : " La commune de la Villedieu a été très éprouvée par le choléra en 1884. Le fléau y a fait soixante-une victimes en deux mois (du 21 juillet au 21 septembre). Nous avons déjà signalé la belle conduite du curé, M. l'abbé Terrasse. "
Bibliographie : Notre ami, Jean Cheyron, publia un bel article dans la Revue du Vivarais de 1977 : Le Choléra de 1854 dans l'Ardèche . On a aussi L'épidémie de choléra à Voguë en août-septembre 1854 dans Revue de la Société des Enfants et Amis de Villeneuve-de-Berg : N°65 de l'année 2009.
La Peste dans la Drôme
La Drôme a bien évidemment été touchée et la peste de Romans a été bien chroniquée.
(Source Romans historique avec : Sources : Archives municipales de Romans-sur-Isère - Ulysse Chevalier, Études sur les pestes de Romans, 1879). " La peste s'est montrée à Romans-sur-Isère dès les temps les plus reculés. La première qui nous soit connue est celle de 1348. Elle avait été précédée d'une horrible famine : aussi, quoiqu'elle durât peu, fit-elle de grands ravages. Elle fut le prétexte qui fit différer le mariage du dauphin Humbert II avec Jeanne de Bourbon.
Dans l'assemblée capitulaire tenue le 2 août 1361, Hugues de Clairvaux, sacristain de l'église de Saint-Barnard, représenta que l'épidémie régnante causait une grande mortalité parmi les malades de l'hôpital de Sainte-Foy; qu'il était urgent de pourvoir cet établissement des choses dont il manquait et de désigner un chanoine pour surveiller le service dans la ville. La mortalité était si grande que, au dire des chroniques, " chaque maison étoit devenue un cimetière ".
Les épidémies de 1381, 1442 et 1466 sont simplement mentionnées.
Le 2 juin 1494, les consuls de la ville obtinrent du chapitre la permission de faire mettre une traille et un bac au-dessous du pont, vers le confluent du torrent de la Savasse, pour faire passer les étrangers venant du Midi. Ils donnaient pour motif de cette mesure que le mal contagieux étant répandu dans le Comtat-Venaissin et aux environs, les gens de ces pays-là désertaient : il en passait beaucoup sur le pont. En traversant la ville plusieurs s'arrêtaient pour boire et pour converser avec les habitants, en sorte que cette communication pouvait être dangereuse.
La peste faisant des ravages, il est permis à M. Dalmacieu, le 18 juin 1494, d'administrer les malades. Les chanoines et les prêtres habitués sont autorisés à s'absenter sans perdre leur prébende : ceux qui demeureront en ville jouiront de la double livre.
Comme on le voit, l'histoire se répète : les courageux fuient et se mettent à l'abri mais veulent être payés. Les autres restés sur place, risquant leur vie auront une paye double.
600 ans plus tard, ce sont toujours les mêmes qui partiront télétravailler dans leurs maisons de campagne (" les héros" !), et les autres continueront à être sur le terrain sans masque mais pas avec une double paie !
30 à 50% de morts dans la population en Europe
Mais Romans possède un document exceptionnel : un manuscrit inti-tulé : " Rolle des décédés de contagion habitant en la ville de Romans, depuis le premier jour du moys de septembre 1585, fini au dernier jour du moys de novembre 1586, suivant la suite et description quy a été faiete par moy, Ennemond Chorin, commis par Monsieur M. Antoine Guérin, escuyer et juge royal du dit Romans, et Messieurs les consuls."
Dans ce document, contenant 38 feuillets, la ville est divisée en sept quartiers. Les ménages qui ont fourni des victimes sont au nombre de 1 336, plus deux hôpitaux et un couvent. Les chefs de famille sont seuls désignés par leurs noms et prénoms. Les autres personnes le sont par leurs qualités de femme, de veuve, de mère, d'enfant, de neveu, de gendre, de serviteur et de chambrière. Le nombre des morts par ménage varie de 1 à 13, soit en moyenne 3 1/5. Enfin, le total des décès se serait élevé à 4 198, savoir : 984 hom-mes, dont 7 religieux Cordeliers; 1 104 femmes, dont 2 religieuses de Saint-Just, et 2 110 enfants, plus 30 personnes dans les hôpitaux, sans désignation de sexe ; total général 4 228. "
On estime que la peste noire a tué rien que pendant l'épidémie de 1347 à 1352 près de 30 à 50 % de la population européenne !
On note pour le dernier cas de peste, le 5 octobre 1722, que l'intendant écrivit au conseil de santé pour l'informer que le cordon sanitaire était levé, l'épuisante quarantaine supprimée et la circulation rétablie.
En guise de conclusion
Notre Covid 2019 n'est pas la peste noire même s'il est à déplorer 130 morts pour la Drôme et 117 morts pour l'Ardèche depuis janvier 2020 (au 15 septembre 2020). Ce fléau a mis en quelques jours nos pays dits civilisés sur les genoux. Près de deux mois pour avoir des masques qui habituellement sont fabriqués en Chine. La mondialisation exacerbée à mis en évidence le colosse au pied d'argile que nous sommes en ne produisant que très peu de choses chez nous.
Tout le monde disait que rien ne serait plus comme avant après ce covid 19 qui a ravagé nos foyers et démoli notre économie pour plus d'une décennie. Mais l'histoire nous montre que, si nous ne tirons pas souvent les leçons du passé et même si les faits sont têtus, la bêtise est incommensurable. Comme disait Einstein : " Seules deux choses sont infinies : l'univers et la bêtise humaine, en ce qui concerne l'univers, je n'en ai pas acquis la certitude absolue. "
Mais l'humanité ne s'est-elle pas toujours relevée ? Regardons bien les chiffres donnés par l'Insee en se rappelant qu'il meurt 1671 personnes par jour en France.
Écrit le 28 avril 2020, à 13 jours de la fin du confinement !
René Saint Alban
Au même moment notre maison d'édition préparait ce livre qui est sorti le jour de la fin du confinement : Chronique du Confinement
en Ardèche
par Christian Chapus (Voir page 131)Ci dessous les chiffres des mots mensuel en Frace fournis par l'Insee. En graos les mois à plus de 60 000 morts
Année Mois Valeur
2020 Juillet 46 600
2020 Juin 46 100
2020 Mai 49 100
2020 Avril 66 800
2020 Mars 62 800
2020 Février 51 300
2020 Janvier 57 000
2019 Décembre 55 000
2019 Novembre 51 900
2019 Octobre 50 400
2019 Septembre 46 200
2019 Août 47 000
2019 Juillet 48 100
2019 Juin 46 500
2019 Mai 49 100
2019 Avril 49 200
2019 Mars 53 700
2019 Février 55 900
2019 Janvier 60 400
2018 Décembre 52 985
2018 Novembre 49 736
2018 Octobre 49 993
2018 Septembre 45 803
2018 Août 47 176
2018 Juillet 48 331
2018 Juin 45 027
2018 Mai 47 841
2018 Avril 50 416
2018 Mars 60 391
2018 Février 52 175
2018 Janvier 59 774
2017 Décembre 56 937
2017 Novembre 50 011
2017 Octobre 49 452
2017 Septembre 46 144
2017 Août 46 640
2017 Juillet 46 349
2017 Juin 44 393
2017 Mai 48 389
2017 Avril 47 025
2017 Mars 50 251
2017 Février 52 538
2017 Janvier 68 145
Quelques données de lInsee
« 610 000 personnes sont décédées en France en 2018, dont la moitié dans le département où
elles sont nées », Insee Focus, n° 163, octobre 2019. « 606 000 personnes sont décédées en France
en 2017, la moitié avait plus de 83 ans », Insee Focus, n° 128, octobre 2018.
Entre le 1er mai et le 7 septembre 2020, 200 594 décès sont enregistrés en France à la date du 18
septembre, soit le même niveau quen 2019 et 1 % de plus quen 2018.
Sinon regardez bien ce tableau des chiffres des morts en France mois par mois de 2017 à
2020, Certains chiffres pouvant être révisables, voire retouchés. On pourrait remonter
jusquen 1994.
exemple : 1997 Janvier 60 001
(Almanach 2021 pour 12 euros expédition franco chez vous)
ions et Régions. La Bouquinerie - 77 avenue des Baumes - 26000 Valence - France
Tel : ++33 (0) 6.88.08.35.96 - Mail : contact@labouquinerie.com
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Dernière mise-à-jour : 2020 Last update :