paru en mai 2017
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Le journal d'une femme atteinte d'un cancer du sein Ce journal raconte pas à
pas les étapes pour vaincre le cancer du sein depuis la
découverte dune tumeur de façon fortuite
jusquà la reprise du travail après les différentes
phases de traitement : opération, chimiothérapie,
radiothérapie, rééducation, hormonothérapie.
Née en 1967 à Lille, Christel Babut transmet ici son journal qui fut avant tout un exutoire lui permettant de surmonter chaque épreuve de la maladie. Par cette publication, elle veut transmettre tout son courage et son dynamisme aux malades et aux aidants. Elle sengage à reverser les bénéfices de la vente du livre à la Ligue contre le cancer. UN TÉMOIGNAGE À LA FOIS SIMPLE ET POIGNANT QUI DONNE LESPOIR ! RENÉ SAINT-ALBAN. EAN : 978 284794 1661.
rajouter 7 euros pour frais de port et d'emballage et vous recevrez le livre chez vous n'importa où dans le monde |
Prologue
En France, 48 000 cancers du sein sont détectés
chaque année. Nous sommes donc nombreuses à souffrir
de cette maladie. Si plus de 70 % des femmes atteintes d'un cancer
du sein parviennent à s'en sortir, il n'en demeure pas
moins que cette maladie nécessite encore des traitements
lourds et qu'une épée de Damoclès continue
de planer sur chacune des victimes.
J'ai eu envie de raconter mon histoire au jour le jour puis de
la partager notamment avec toutes les femmes concernées
et leur entourage. Le moral est un facteur de guérison
important dans toutes les maladies et le cancer du sein n'y échappe
pas. C'est souvent dans la relation avec les autres, le partage
d'informations, le soutien, l'accompagnement que l'on trouve le
réconfort et la force de mener le combat jusqu'au bout.
Pourquoi moi ? C'est la question récurrente qu'on est amené
à se poser tout au long de la maladie. Il n'y a pas de
véritable réponse car aujourd'hui encore même
si certains facteurs ont pu être identifiés comme
facteurs à risques, il n'en demeure pas moins que cela
reste une sorte de loterie avec une grosse part d'aléatoire.
Il convient surtout d'accepter cette situation comme un obstacle
de la vie en se donnant tous les moyens de le combattre.
La prévention reste aussi le meilleur moyen de lutter contre
la maladie et les campagnes de prévention initiées
en 1993 au travers d'Octobre rose sont autant de messages qui
doivent sensibiliser les femmes à se faire dépister
parce qu'une femme sur huit sera concernée au cours de
sa vie.
Le grand jour
Vendredi 16 septembre 2016, c'est le grand jour. On em-ploie souvent
ce terme pour un événement positif comme le ma-ria-ge
mais pour moi le grand jour signifie le premier jour de chimiothérapie.
Je me sens angoissée, le ventre noueux dans l'attente de
l'am--bulance qui doit venir me chercher à 9h45 pour m'em-mener
à la clinique où aura lieu mon traitement.
J'ai pris un petit déjeuner ni trop copieux ni trop léger
comme indiqué par l'oncologue et j'ai suivi les conseils
de la diététicienne : jus de fruits, biscottes avec
confiture, thé. J'ai aussi pris tous les compléments
qui m'ont été suggérés pour nettoyer
mon foie ou plutôt dans un premier temps le purifier car
il va être soumis à rude épreuve.
Comment en suis-je arrivée là ? Depuis le 29 juin,
le temps s'est accéléré et les semaines sont
passées avec régulièrement les mêmes
questions : Pourquoi moi ? Comment est-ce possible ? Mais surtout
: Suis-je vraiment malade ? C'est une vraie question car depuis
que le diagnostic a été fait, j'ai subi opérations
et examens divers qui le confirment, mais moi je ne me sens pas
du tout malade, aucun symptôme, pas de fatigue particulière,
pas de douleur, rien. Alors, pourquoi ce matin suis-je là
à attendre un VSL qui va m'emmener à la clinique
pour trois heures de chimiothérapie qui, c'est inéluctable,
vont me rendre malade ? Pourquoi doit-on subir un traitement avec
des effets secondaires quand, en apparence, tout va bien ?
L'oncologue a été franche, je vais être fatiguée,
je vais avoir des nausées et je vais perdre mes cheveux.
Je vais donc être malade et cela va se voir ! Depuis plusieurs
jours je m'y prépare, moralement et surtout physiquement.
J'ai coupé mes cheveux courts et j'ai commandé une
perruque. Cela faisait 4 ans que j'avais décidé
de me laisser pousser les cheveux, j'avais atteint une bonne longueur
permettant de faire des coiffures variées et, clic clic,
cette semaine je les ai fait couper, retrouvant ma coiffure d'antan
et surtout celle de la perruque que j'ai choisie. Tout le monde
me dit que cela me va super bien, mon mari trouve même que
je parais plus jeune et lui aussi par la même occasion mais
pour autant ce n'est pour moi pas un acte choisi mais un acte
subi et ce n'est qu'une étape pour préparer la chute
des cheveux qui devrait intervenir dans quelques jours, dix à
vingt selon les statistiques.
Alors comment en suis-je arrivée là ?
La découverte
Mercredi 29 juin 2016 est une date facile à retenir pour
moi car c'est l'anniversaire de ma sur cadette, Sandrine.
Aujour-d'hui elle a 44 ans, moi j'en ai 4 de plus ou comme précise-raient
les enfants, 4 et demi de plus !
Je suis dans le TGV de retour à Valence après une
réunion à Lyon. Ce trajet est très fréquent
pour moi, en tant que DRH d'une entreprise mutualiste je suis
amenée à me déplacer souvent à Lyon
et à Paris. Le TGV c'est presque mon quoti-dien. La plupart
du temps j'y installe mon ordinateur et je travaille.
Je suis là devant mon ordinateur, un peu énervée
parce que le TGV a du retard. J'ai informé mon directeur
général que je l'appellerai vers 19 heures mais
je ne pourrai tenir cet engagement du fait du retard, je ne serai
pas encore arrivée à 19 heures. Ce n'est pas grave
mais moi, ce retard m'agace, je déteste les contre temps,
les retards, les changements de plan-ning, les imprévus
Il fait chaud, plus de 35 degrés à l'extérieur
et presque autant dans le train qui est bondé de monde.
J'ai mis une robe d'été noire avec des motifs colorés.
Je passe machinalement ma main dans l'encolure évasée
de ma robe et d'un coup mes pensées s'arrêtent nettes.
C'est quoi ce truc ? Je passe et repasse ma main sur le haut de
ma poitrine. Je distingue très nettement une boule dure.
J'ai l'impression d'avoir une petite balle de ping-pong sous la
peau. La panique me prend. Pourtant je me soucie rarement de ma
santé, je suis du genre à toujours me dire lorsque
s'installe une quelconque douleur : ce n'est pas grave, ça
va passer ! Mais là, comme par instinct je suis convaincue
que c'est grave. Je ne parviens plus à me concentrer sur
mon travail. Je palpe et repalpe cette boursouflure sur ma poitrine,
le haut de mon sein droit pour être précis. Les minutes
qui restent du trajet me paraissent interminables, je suis pressée
de rentrer chez moi et de pouvoir examiner la boule de plus près.
- Nous arrivons en gare de Valence TGV.
À cette annonce je range mes affaires, je suis dans les
starting-blocks, je veux descendre la première du TGV,
courir à ma voiture, foncer à la maison
pourquoi
? Je ne sais pas mais je suis mon instinct. Mon cerveau est en
ébullition, je suis en mode panique, tout se bouscule dans
ma tête. Ma raison me dit de me calmer, que c'est ridicule
mais je ne l'écoute pas.
J'arrive chez moi en même temps que mon mari qui rentre
aussi du travail. Mon visage trahit mon état, il me dit
:
- Ça ne va pas ?
- Non, regarde, j'ai une grosse boule dans le sein, je suis sûre
c'est grave. Ma voix se casse, les larmes montent aux yeux et
roulent sur mes joues rouges de colère.
- Hier tu as fait une course, tu as forcé, c'est sûrement
une contracture musculaire, me répond mon mari.
- Depuis quand courir provoque des boules dans le sein ? Je te
dis que j'ai quelque chose de grave !
Je lui réponds sur le ton de la colère. J'ai l'impression
qu'il se moque de moi, qu'il s'en fiche et ça me contrarie
davantage encore. Lui qui a une tendance hypocondriaque à
s'inquiéter pour pas grand-chose, comment peut-il ne pas
prendre au sérieux ce que je lui dis ?
- Va voir le médecin, poursuit-il.
- Je dois d'abord appeler mon chef, je réponds.
Je prends le téléphone et je compose le numéro
de mon directeur général.
Dès mon " Allo ? " il sent que ma voix n'est
pas comme d'habitude et me dit :
- Ça va ?
Je lui réponds oui mais la conviction n'y est pas, il le
sent et insiste. Je coupe nette ses questions pour savoir ce qui
ne va pas et nous enchaînons sur les sujets liés
au travail.
Je raccroche, il est 19h45. Je saisis mes clés de voiture
et je pars en trombe chez mon médecin traitant. Le cabinet
est à trois minutes en voiture de la maison. Je pense que
je suis deve-nue folle ou surtout obsédée par cette
boule. Je suis con-vaincue que mon médecin ne sera pas
là car il est déjà tard, je risque de trouver
porte clause mais tant pis, il faut que je tente le coup.
La porte du cabinet n'est pas fermée, j'entre dans la salle
d'attente. Elle est vide et j'entends que le médecin est
bien en consultation dans son cabinet. Ouf !
Mon mari arrive à son tour dans la salle d'attente, il
m'a suivie avec son véhicule, cette fois son visage montre
qu'il partage mon inquiétude. Je suis contente de sa démarche,
j'ai peur.
Depuis quelques temps ma fille cadette Orane, 16 ans, en pleine
crise d'adolescence, me pose souci. J'ai l'impression qu'elle
n'écoute pas ce que je lui dis, qu'elle se fiche de moi
en permanence dans une volonté de faire le contraire de
mes recommandations. Le temps où on a envie de faire plaisir
à ses parents semble ne plus être de son actualité.
J'ai eu le malheur de penser : faut-il que je sois malade pour
qu'elle ait envie de me faire plaisir ?
Dans la salle d'attente je me dis donc que je suis punie, voilà,
je suis malade, c'est ce que j'ai souhaité pour que ma
fille me témoigne plus d'amour.
Le médecin arrive, il ouvre la porte de la salle d'attente
et hausse les sourcils en nous voyant.
- Je sais, dis-je, je n'ai pas rendez-vous mais c'est urgent.
- Je suis pressée, je dois partir me dit le médecin,
gêné.
- Je suis désolée mais je vous promets ça
ne sera pas long c'est important.
Il me fait signe de le suivre dans le cabinet. Je marche vite
suivie de mon mari.
Je commence à lui expliquer la raison de ma venue avant
même de franchir la porte du cabinet. Je ne veux pas lui
faire perdre son temps ni le retarder mais j'ai besoin qu'il me
rassure. Je lui raconte que je viens (il n'y a même pas
deux heures d'écoulées depuis l'épisode du
TGV) de découvrir que j'ai une boule dans le sein.
- Et bien sûr vous vous êtes dit que vous aviez un
cancer, que c'était la fin
me dit-il avec humour
pour conclure mon histoire.
- Non
enfin
oui
je ne sais pas
peut-être,
je bafouille.
Je me rends compte que j'ai agi sur une impulsion folle, sûrement
irraisonnée et totalement inédite pour moi. Je me
sens ridicule et pour autant je suis convaincue qu'il fallait
que je vienne tout de suite chez le médecin. À nouveau
je suis pleine de contradictions.
- On va regarder ça me dit-il en m'indiquant d'un geste
la table d'auscultation pour que je m'y installe.
- C'est là, lui dis-je en mettant mon doigt sur la boule.
Il palpe à son tour.
- Il y a effectivement une boule dit-il. Plutôt volumineuse,
je dirai presque trois centimètres de diamètre mais
elle est facilement palpable, bien délimitée. Je
ne pense pas que ce soit sérieux mais il faut vérifier
et donc je vais vous faire faire une échographie et une
mammographie.
Je me calme progressivement car il m'a prise au sérieux.
- Je m'occupe de prendre le rendez-vous dès demain, quelles
sont vos disponibilités ?
- Demain ce n'est pas possible, je suis en déplacement
professionnel, mais vendredi je peux me libérer.
- OK je vous appelle demain et j'essaye de vous trouver une place
pour vendredi.
- Merci beaucoup, je suis vraiment désolée d'avoir
débarqué comme ça, à une heure tardive,
dans votre cabinet mais je suis inquiète et pour moi ça
ne pouvait attendre.
- Vous avez bien fait me dit-il. Je vois que vous êtes inquiète
mais ce n'est sûrement pas grand-chose.
- Encore merci.
Il nous raccompagne à la porte et me serre la main chaleureusement.
Je suis apaisée
pour quelques heures du moins.