La Bouquinerie

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Une réédition tant attendue ! Immédiatement disponible

PIERRE CHARRIÉ
Le folklore de l’Ardèche
Coutumes & Traditions


Pierre Charrié nous donne ici une synthèse considérablement augmentée de ses deux fameux livres : « Folklore du Haut-Vivarais » et « Folklore du Bas-Vivarais » parus au siècle dernier et qui sont restés les ouvrages de référence sur la vie et les mœurs de l’Ardèche.
Cette nouvelle réédition, illustrée de nombreux dessins originaux, comblera les amoureux du Vivarais par une foule de détails précis et vivants sur notre culture ardéchoise.
À travers les nombreux chapitres thématiques de cet ouvrage, vous retrouverez toutes les phases de la vie quotidienne de nos parents : la naissance, l’enfance, l’âge adulte, le mariage, le travail et la mort. Des points aussi divers que le baptême, les rondes et les jeux, les chansons de conscrits, la condition de la femme, la contraception, les vêtements... sont traités tout au long d’une vaste période s’étendant parfois du moyen-âge jusqu’à nos jours. Retrouvez des traditions, aujourd’hui perdues, aussi sympathiques et originales que le charivari, le bœuf gras, la récolte des herbes, la fête des bergers, les rogations, les saints protecteurs, les fêtes corporatives, les farces et reboules... qui émaillaient la dure existence de ces fiers Ardéchois et courageuses Ardéchoises.

« L’Ardèche au fil du temps » ou Folklore de l’Ardèche restitue les plus belles pages sur l’histoire, les mœurs, les coutumes... et finalement sur la
vie de ce charmant pays. Un livre incontournable à lire, relire et à offrir.
RENÉ SAINT-ALBAN

Couverture à rabats. 400 pages. Nombreuses gravures. 25 euros +8 euros de frais de port

30 euros franco jusq'au 25 novembre 2019.

 

 

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au prix de 30 euros franco pièce jusqu'au 20 novembre 2019 sinon 25 + 8 euros après le 20 novembre 2019
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EDITIONS DE LA BOUQUINERIE,
encaissé à l'expédition.
Commande à adresser à : EDITIONS DE LA BOUQUINERIE.., 77 av. des Baumes, 26 000 VALENCE

Extraits

 

Note de l'éditeur :

Tous les dessins sont des originaux de M. Henri Armagnat, à l'exception des illustrations des pages 145 et 261.

Note pour la présente édition : Il est des livres qui sont de vrais livres et qui brilleront dans toute bonne bibliothèque ardéchoise pendant des siècles. Celui-ci est une des plus belles perles publiées parmi nos 430 titres depuis plus de 40 ans par notre maison d'édition.

Ren de passat que non tòrne
Rien de passé qui ne revienne

AVERTISSEMENT
Avec l'Ardèche au fil du temps , nous avons recherché la cons-cience et la pensée de la société traditionnelle ardéchoise. C'est donc essentiellement une incursion dans le domaine des coutumes et des croyances. Pour mieux cerner celui-ci, nous avons partagé notre propos selon quatre temps.
D'abord, le temps de naître et d'aimer, c'est-à-dire les âges de la vie de la naissance au mariage y compris les rites religieux ou civils comme le baptême ou la conscription, véritables passages d'un individu ou d'une génération dans une classe déterminée. Puis, le temps du divertissement et de la prière qui rassemble les usages de l'année calendaire où se côtoient fêtes laïques, histori-ques, mystiques, dévotions, rites du travail. Ensuite, vient le temps du merveilleux, de l'empirique avec ses légendes qui ont marqué la culture profonde des gens de ce pays. Enfin, le dernier temps reste celui de la peine et de la mort.
À travers les coutumes qui peuvent paraître cocasses ou absur-des, nous avons cherché à dégager les instincts cachés qui les commandent. Par de multiples démarches intimes ou collectives, on découvre l'organisation d'une société traditionnelle où sacré et profane, rituel et coutumier sont souvent liés.
Aujourd'hui, l'art de vivre classique est largement battu en brè-che. Pourtant, par certains de ses aspects, il demeure vivant. On peut citer le succès des astrologues, des marabouts, la résurrection des fêtes de carnaval. On note l'arrivée de nouveaux usages : Fête des mères, banalisation du père Noël et de la télévision, des faits majeurs de société comme la " manif ", le délire du supporter sportif, la sanctification de la vedette, etc. Tout ceci montre la per-sistance d'une vie coutumière.
Nous avons bien sûr repris l'essentiel paru dans nos ouvrages le Folklore du Bas-Vivarais et le Folklore du Haut-Vivarais. Nous y avons toutefois ajouté de nombreux compléments et nous avons surtout essayé d'étendre nos informations valables pour le 19e siè-cle et la première moitié du 20e siècle, jusqu'à des périodes beau-coup plus anciennes. Les documents retenus, en particulier pour le Moyen Âge, bien que limités et souvent mal localisés, restent néan-moins précieux pour les traditions du berceau à la tombe, beaucoup de faits généraux étant applicables à notre province.
Nous nous sommes efforcés de donner le maximum d'infor-mations propres à chaque village. Le plus souvent, les propos rap-portés sont limités ou répétitifs, mais nous jugeons essentiel d'essayer de dégager des données par trop générales, tout ce qui peut distinguer la vie particulière d'une communauté d'habitants. La France et spécifiquement l'Ardèche se signale par un nombre considérable de communes en proportion de la population. L'individualisation n'est pas née d'hier. C'est parfois un défaut, mais en ce qui nous concerne c'est aussi la satisfaction de décou-vrir le propre de nos anciens, de retrouver leurs raisons de vivre à travers une foule d'événements qui constituent le fil du temps.
Ce travail n'aurait pu se réaliser sans nos précieux informateurs, que nous remercions à nouveau chaleureusement. Voici la liste que nous espérons complète :
Abel (Mars) - Melle Abrial (Lalevade) - Abbé André (Privas) - d'Ambly (Saint-Romain-d'Ay) - Abbé Arnaud (Valvignères) - E. Arnaud (Saint-Andéol-de-Fourchades) - Bastide (Saint-Mélany) - Ed. Béaux (Charmes) - P. Bellin (Charmes) - Mme Benoît d'Entrevaux (Saint-Priest) - Blanc (Les Vans) - L. Boissonet (Ser-rières) - Abbé Chanal (Préaux) - Abbé Chareyre (Chalencon) - Chareyre (Chomérac) - Chazalette (Gravières) - L. de Chazotte (Arlebosc) - Mme Chomel (Félines) - Ph. Clape (Vernoux) - Doc-teur Coront (Vanosc) - L. Coste (Le Cheylard) - Mme Coste (Saint-Julien-Vocance) - Cros (Etables) - M. le curé du Béage - L. De-lolme (Burzet) - Abbé Desbos (Quintenas) - Mme Deschanel (Les Vans) - Mme Descours (Sainte-Eulalie) - Abbé Devidal (Saint-Cirgues) - Melle Dumas (Saint-Jeure-d'Ay) - Chanoine Dumont (Saint-Symphorien-de-Mahun) - Abbé Duny (Dornas) - Estéoule (Ajoux) - R. Evesque (Les Vans) - Faure (Mézilhac) - Mme Ferra-tier-Tourenc (Le Cheylard) - Abbé Forestier (Saint-André-en-Vivarais) - Forot (Saint-Félicien) - X. Frachon (Davézieux) - Frap-pa (Annonay) - G. Froment (Les Vans) - M. Froment (Les Vans) - Gineys (Lachamp-Raphaël) - Cl. Giraud (Chanéac) - Gleyze (Lou-baresse) - Abbé Goudard (Saint-Barthélémy-le-Pin) - Abbé Hervé (Ardoix) - Hilaire (Arcens) - Hours (Sablières) - Abbé Jouffre (Saint-Martial) - Abbé Junique (Gilhoc) - Labalme (Gravières) - Labrot (Saint-Martin-Supérieur) - de Lachasserie (Vion) - de La Roque (Eclassan) - Lebre (Saint-Sernin) - Levaillant (Thorrenc) - Abbé Malosse (Saint-Vincent-de-Barrès) - R. Manhaudier (Le Cheylard) - Mme Martel (Tournon) - Martin (Gravières) - Abbé Ma-rijon (Albon) - Marc (Malarce) - Mercier (Aubenas) - Mercier (Saint-Pierreville) - Messié (Bourg-Saint-Andéol) - Abbé Mialon (Saint-Jean-Roure) - Noël (Sainte-Marguerite) - Abbé Ollier (Saint-Julien-Boutières) - Pansier (Saint-Pierre-le-Déchausselat) - Melle Pansier (Chambonas) - Abbé Paquet (Saint-Martin d'Ardèche) - Mme Philibert-Blaizac (Saint-Martin-de-Valamas) - J. Prat (Sablières) - Raynaud (Les Salelles) - Ressayre (Lachamp-Raphaël) - Docteur Richard (Les Vans) - Robert (Lamastre) - Roustain (Baix) - Saumade (Mercuer) - Abbé Seurel (Limony) - Melle Salgon (Les Vans) - Mme Serret (Grospierres) - Serusclat (Saint-Lager-Bressac) - Seuzaret (Le Pouzin) - Mme Seveyrac (La-blachère) - Soulerin (Saint-Paul-le-Jeune) - Mme Tadary (Lalou-vecs) - J. Thibon (Les Vans) - G. Thoulouze (Saint-André-de-Cruzières) - Mme de la Tourette (Saint-Victor) - Abbé Tourette (La-villedieu) - X. Vallat (Annonay) - Mme Vincent (Sablières) - Vivion (Sarras)
et les anonymes de Alissas, Beaulieu, Devesset, Joyeuse, Mont-pezat, Rochepaule, Roiffieux, Saint-André-de-Cruzières, Saint-Julien-du-Gua, Villefort, Villeneuve-de-Berg.
Depuis les années 1965/1975 beaucoup de ces personnes nous ont malheureusement quittés. Nous tenons à rappeler leur souvenir, leurs témoignages ont évité l'oubli. Transmettre la flamme de la connaissance pour en garder souvenance, c'est ce que nous avons tenté de réaliser dans cet ultime ouvrage.
Note de l'éditeur : Selon la provenance de l'information, du document, les textes occitans sont transcrits soit en graphie classique occitane (ò = [o], ó et o = [ou], iá = [iô], a en fin de mot = [o], lh = ll, nh = gn, etc.), soit en une graphie phonétique. Cette dernière est souvent signalée par des guillemets.

Première partie
Le temps de naître et d'aimer

LORSQUE L'ENFANT PARAIT


L'arrivée d'un enfant dans la famille traditionnelle est un évé-nement attendu et heureux. Jadis, la famille nombreuse était de rè-gle, les enfants constituant une sorte d'investissement. Le refus ab-solu de procréer était très rare et le statut d'une jeune mariée consistait à attendre rapidement une grossesse. En conséquence, la stérilité était un drame dans la famille et pour conjurer ce malheur, la femme inféconde devait recourir à un grand nombre de prati-ques. Le mari n'en était pas exempt, car il devait toujours se méfier du " noueur d'aiguillette ". Cette ferveur n'était pas sans ombre, car enfanter comportait de nombreux risques et pour la mère et pour l'enfant. Ici encore des invocations, des précautions, des priè-res pouvaient éviter le pire. Cet enfant tant désiré va être entouré de prévisions, puis, lors de l'accouchement, de pratiques magico-religieuses avec une participation active du voisinage féminin. Il sera l'objet d'une sollicitude accrue dans l'attente du baptême qui interviendra rapidement.


COMMENT AVOIR UN ENFANT


Au Moyen Âge, la procréation était d'abord une nécessité. Se-lon Saint-Augustin, elle faisait partie des biens du mariage, elle en était la justification. Un époux impuissant était une cause de nulli-té. Ne pas oublier que pour l'Église seul le désir de procréer justi-fie entièrement l'acte sexuel. La majorité des unions était féconde, mais dans bien des cas on pensait qu'il serait bon d'aider la nature. On disposait de deux moyens : certaines eaux bienfaisantes, cer-tains pèlerinages, principalement à la Vierge Marie.
Les jeunes mariés de Villeneuve-de-Berg, après le repas de noce, se rendaient souvent à la fontaine de Tournes. Il était conve-nu que si la nòvia buvait de cette eau le jour du mariage, son pre-mier enfant serait un garçon. Les enfants profitaient de l'aubaine pour aller au-devant du couple avec des seaux remplis et ils avaient des dragées en récompense. Habitude longtemps suivie où l'homme et la femme buvaient chacun dans le même verre que l'on brisait sur place. L'eau de la source de Bois Lantal, commune de Chanéac, donnait aussi la fécondité.
La fontaine la Marie, à Vals, était déjà célèbre au 17e siècle, certaines dames stériles de Burzet s'y rendaient, il n'y a pas si longtemps. La fontaine de Saint-François Régis à Lalouvesc a le même pouvoir. Selon La Laurencie, des couples sans enfants ve-naient s'agenouiller et, après une prière, la femme remplissait un verre d'eau et le versait dans le dos de son époux et l'on peut pen-ser que c'était ici la stérilité de l'homme qui était en cause. D'autres personnes se contentaient de boire. On cite encore la source du Lignon à Chaudeyrolle près du Mézenc, celles de Saint-Georges-les-Bains. À Satillieu et Quintenas, on allait en pèlerinage à Notre-Dame d'Ay ou à Lourdes (Saint-Montan, Beaumont) et jusqu'à Notre-Dame de la Garde à Marseille (Jaujac). Il y avait aussi des pratiques plutôt païennes, reliquats d'un très ancien culte fécondateur des pierres dites à empreintes. Ainsi des femmes en mal d'enfant s'agenouillaient sur la banquette du " lit de saint Ré-gis ", sanctification tardive d'une pierre creuse reproduisant va-guement une forme humaine (Saint-Félicien). Autre coutume contée par Francus avec le rendez-vous de couples le jour de leurs noces à la " piada de madama Vierna ", sorte de cavité dans les bois du Laoul en forme de sabot. Par contre, nous n'avons trouvé aucune trace en Ardèche d'un quelconque culte phallique. Dernière pratique assez aberrante notée à Vocance où il était recommandé de nouer d'une seule main des genêts en marchant le long des chemins. Nous ne savons si cela rendait prolifique, par contre, pour l'agilité des doigts, le système était parfait...
La femme enfin enceinte va rester sensible aux influences mali-gnes car elle était supposée impure jusqu'à la messe de relevailles. Autour du fruit qu'elle porte on va se livrer à une série de divina-tions et à un nombre important de tabous à respecter. L'anxiété de connaître le sexe de l'enfant à naître restait profonde. Pour cela, l'aspect du visage et du corps de la femme était considéré comme le symbole inconscient de l'enfant à venir. D'abord le " masque ". Bien accentué, c'était l'indice d'un garçon à Gravières, mais c'était l'inverse à Grospierres et à Privas. L'adage habituel était : Ventre pointu : garçon ; ventre rond : fille (Gravières). Même chose à peu près à Arcens : si la mère est très forte des hanches depuis le début ce sera un garçon, si toute sa grossesse est portée sur le ventre et si par ailleurs elle n'a pas grossi, il faut compter sur une fille.
À Malbosc, si les battements de cœur du fœtus sont forts, c'est un garçon. À Saint-Andéol-de-Fourchades, si la mère a le teint plus coloré, le sein droit plus gros, si en se levant elle ressent une légère douleur du côté droit, c'est un garçon. Voilà un énoncé un peu complexe, mais d'habitude les stigmates sont plus simples.
Beaucoup de présages s'établissaient sur les phases de la lune avec, et cela n'a rien d'étonnant, des contradictions d'un village à l'autre. Au Cheylard, si l'accouchement se fait en lune croissante : garçon ; en lune décroissante : fille. C'est l'inverse à Saint-Andéol-de-Fourchades. À Saint-Agrève, on précise que si l'enfant est conçu en lune vieille, ce sera un mâle. À Silhac, c'est une fille seulement à la pleine lune. Parfois les choses se compliquaient. Ainsi si la lune devient nouvelle dans les trois jours qui suivent l'accouchement, l'enfant suivant est d'un sexe différent (Accons), ou bien le second enfant sera d'un sexe différent si la lune tourne dans les trois jours qui suivent la naissance du premier (Eclassan). Ailleurs, pour une seconde naissance et les suivantes, on se base sur le quartier de la lune, une naissance se produisant dans le pre-mier ou deuxième quartier laisse la place à un garçon, dans le troi-sième ou quatrième quartier, c'est une fille (Le Cheylard).
On avait aussi recours à la radiesthésie comme à Saint-Lager-Bressac en faisant tourner une alliance pendue à un fil au-dessus du ventre de la future mère. Du comportement de ce pendule, on en déduisait le sexe. Autre moyen plus vulgaire à Chanéac où certains disaient que si la mère n'aimait pas le vin, l'enfant serait une fille. À noter la tendance courante à dévaluer le sexe faible. Exemples : au Cheylard et à Saint-Victor avec l'idée que si la mère restait fraî-che et alerte, ce serait un garçon ; si elle paraissait déprimée, ce se-rait une fille car celle-ci emporte la beauté de la mère. À Arcens, on cite ce dicton : Un garçon remonta sa maire, una filha la contra (un garçon fortifie sa mère, une fille la déprime). Se rappeler la lo-cution populaire lors de la naissance d'une fille : Una filha... podiá pas faire mens !
Le chapitre des interdictions est copieux et autrefois la pauvre femme grosse n'avait pas le droit à l'erreur. En compensation, son entourage, ses voisins devaient satisfaire toutes ses envies. Cette importance accordée aux désirs de la mère est significative, car c'est sans doute l'un des rares moments de la vie des femmes d'autrefois où l'on va leur accorder des libertés et des gâteries. À Burzet, il faut s'employer à répondre favorablement aux envies des femmes enceintes sinon elles risquent de marquer le visage de l'enfant d'une tache, l'enveia. D'une façon générale, on pensait que la marque serait fixée sur le corps du bébé là où la mère s'était touchée au moment de son désir. À Saint-Martin-d'Ardèche, il était rapporté qu'un orgelet venait en punition à ceux qui avaient refusé quelque chose à une femme grosse.
Une règle à ne pas transgresser était de ne pas acheter à l'avance le berceau, ni de préparer la layette. À Saint-Agrève, on ne devait pas ouvrir le lange noué aux quatre coins du trousseau, cela pouvait porter malheur. Encore après la dernière guerre, il était traditionnel de ne rentrer le landau dans la maison qu'après la naissance (Les Vans).
Dans un ordre purement pratique, il y avait des gestes à ne pas faire. Ainsi la future maman ne doit pas :
· Se peigner dans un courant d'air (Saint-Maurice-en-Chalencon).
· Penser à des choses désagréables afin que son enfant soit réjoui (Le Cheylard).
· Monter sur une échelle, lever les bras (Charmes, Saint-Priest).
· Manger du persil, sinon son lait sera mauvais (Privas).
· Manger des carottes (Vernoux).
D'autres interdits ont trait à des événements extérieurs qui ris-quent de marquer l'enfant :
· Assister aux enterrements, entrer dans une magnanerie ou dans un endroit où l'on fait le beurre (Saint-Agrève).
· Se faire photographier (Saint-Agrève).
· Regarder les bêtes d'un cirque, aller au théâtre (Tournon).
· Rencontrer un être difforme ou même un aveugle car l'enfant pourrait devenir bossu ou aveugle (Les Vans).

· Se peser (Grospierres).
· Se moquer des autres, sinon l'enfant sera infirme (Silhac).
· Éviter de marcher sur un reptile, l'enfant pourrait être muet (Le Cheylard). Mettre du fil en écheveau.
Pendant au moins les derniers mois, la femme enceinte était vé-ritablement confinée dans sa maison afin d'échapper aux influen-ces dangereuses. Magie et hygiène étaient ainsi mêlées.


L'ACCOUCHEMENT


Le jour où l'on est en gésine n'est pas indifférent. Aux Vans et ailleurs, un enfant né le dimanche sera paresseux. Vers Largentière, les présages s'attachent aux mois et aux jours de la semaine et an-noncent le caractère fondamental du futur adulte :
Janvier : soupe au lait. Février : pas tombé de la dernière pluie. Mars : joyeux le matin, bourru le soir. Avril : fera bien de ne pas se marier ce jour-là. Mai : caractère en or. Juin : fera fortune. Juillet : malheureux en ménage. Août : aimera la gloire et l'honneur. Sep-tembre : généreux. Octobre : toutes qualités. Novembre : qui s'y frotte s'y pique. Décembre : ceux qui ont été laissés pour compte par les autres mois.
Lundi : bien brave, un poil à la main. Mardi : un peu vif, mais vaillant. Mercredi : vif comme la foudre. Jeudi : faux comme un jeton. Vendredi : complaisant mais peureux. Samedi : panier percé.
À souligner les dons exceptionnels accordés à ceux nés un jour particulier. Ainsi celui né un Vendredi Saint peut guérir la fièvre. Celui né le jour des Morts peut communiquer avec les âmes : ce sont les armatièrs. Jadis en Ardèche, le maximum de naissances avait lieu en février/mars.
Aujourd'hui rien n'est vraiment changé, mais nous passons par l'office de Mme Soleil...
L'accouchement était le domaine réservé de femmes spécialis-tes, mais familières. Plus tard, la sage-femme diplômée leur succé-dait, puis vers les années 1930, le médecin de famille qui opérait toujours à domicile. L'accouchement en maternité est relativement récent. Le rôle du père a évolué d'une façon parallèle. Souvent pré-sent et utile lors de l'accouchement à domicile, ensuite éliminé dans la maternité et finalement de nos jours réaccepté en spectateur discret.
Il y avait deux préoccupations principales : faciliter l'accou-che-ment pour limiter la souffrance, assurer la survie de la mère et de l'enfant.
La préparation de bonnes couches demandait des actes précis, surtout d'ordre religieux. Ainsi les femmes portaient une ceinture bénite ayant touché la Sainte Ceinture de la Vierge de Nieigles ou la statue de Notre-Dame du Puy. Elles priaient devant les nombreu-ses images de Marie en particulier celle de Notre-Dame de Déli-vrance à Chapias, commune de Labeaume, oratoire élevé en 1814 par les abbés Sevenier. Un pèlerinage s'effectuait le lundi de Pâ-ques avec participation des pénitents de Laurac, Uzer, Montréal. Invocations également à la chapelle de Notre-Dame de Délivrance à Laulagnier, commune de Jaujac, à la statue de Notre-Dame de Délivrance à l'église de Naves, à la vierge noire de Sablières. Jus-qu'à la Révolution se déroulait un pèlerinage à la chapelle de No-tre-Dame de Délivrance du château de Tournon. Une légende s'y rattache : Just de Beaumont, seigneur valeureux devant quitter son épouse Jeanne pour partir en guerre, son valet la Franchise, mau-vais scélérat, essaye de séduire la dame qui attend un enfant. Ne pouvant parvenir à ses fins, il est chassé. Pour se venger, le traître fait courir le bruit que le père n'est sans doute pas le seigneur Just. Le maître circonvenu, la pauvre femme est jetée en prison. Sur le point d'accoucher, elle implore une statue de la Vierge : " Notre Dame de Délivrance, prenez pitié de moi ! ". La statue s'anime, touche Jeanne au front. Just revient de son erreur car l'enfant dit : " Je m'appelle Just, comme mon père ". La dame de Tournon fit construire la chapelle en y plaçant la statue miraculeuse.
À Chanéac, on priait saint Gérard, à Jaujac sainte Catherine. Beaucoup de dévotions à sainte Marguerite, tandis que pour calmer les douleurs on utilisait l'eau de la fontaine de Saint-Martin-de-Galezas, commune de Saint-Sylvestre.
Au Moyen Âge, il était bon de porter un agnus dei, médaille or-née de l'agneau et de la croix ou bien un collier de corail rouge. Il était courant de faire brûler un cierge de la Chandeleur devant la Vierge. On pratiquait encore des actes magiques, tels le carré qui au 13e siècle constituait une amulette recommandée lors des cou-ches, même chose pour les sachets garnis de reliques.
À côté de ces recours spirituels ou non, il y avait des disposi-tions matérielles. Dans nos campagnes, on faisait rarement appel au médecin. On s'adressait à une sage-femme : la releveuse à An-nonay, la levandièira aux Vans, la cantonièira à Burzet. Fréquem-ment, c'était une grand-mère ou une simple voisine d'âge mûr ayant quelque pratique. L'accouchement dans l'ancien temps était une période hautement critique. L'expérience des femmes, la pré-sence du mari avaient un effet tranquillisant excellent auprès de la parturiente. Les méthodes employées étaient cependant parfois dé-plorables. Outre l'absence d'hygiène, il était ordinaire de façonner le crâne du bébé au risque de meurtrir le cerveau ou encore de couper le frein de la langue avec les ongles. La sage-femme diplô-mée, connue en ville au siècle dernier, n'est devenue familière dans les milieux ruraux qu'après la guerre de 1914 lors des créa-tions- de maternités dans les centres rapprochés. On la nommait sage-femme jurée, comme le montre une enseigne en bois au nom de Mme Aubert aux Vans. Les hommes n'étaient pas présents à l'opération et si par hasard un mari voulait rendre visite à son épouse, on lui disait : " ... vos jitarem dins la tina ! "
Les premières sages-femmes ou matrones sont signalées dans les villes au 13e siècle comme Toulouse. Elles sont nombreuses fin 14e bien que souvent accusées de sorcellerie. Elles sont contrôlées par l'Église et en cas de nécessité elles doivent savoir ondoyer l'enfant mort-né. Elles brûlent ou enterrent le placenta afin d'éloigner le mauvais sort. Conséquence d'une pratique pieuse, certaines femmes accouchent volontairement dans une étable à l'imitation de Marie.
Le danger de l'accouchement était alors important et les fem-mes au terme de leur grossesse devaient obligatoirement se confes-ser. En cas d'évolution mortelle, en l'absence de prêtre, elles pou-vaient se confier à un laïc, même à une femme. Le curé pouvait après le décès donner l'absolution à cause de la foi au sacrement ainsi manifestée (conciles de Cahors et Rodez, 14e siècle). Nous avons peu d'indications sur les soins apportés par la matrone. On sait par un commentaire du 16e siècle qu'elle frictionnait le ventre de la femme, coupait le cordon de la longueur de quatre doigts et le nouait, lavait l'enfant, le frottait avec du sel et du miel afin de le sécher et de conforter ses membres. À noter l'importance à cette époque du cordon, la vedilha. Il est gardé, et plus tard les filles le donneront, séché, réduit en poudre, à manger ou à boire à l'homme qu'elles désirent séduire. Croyance confirmée à Montaillou chez les cathares où le cordon est non seulement un philtre d'amour mais aussi une aide pour gagner les procès.
Au début de ce siècle, les moyens pour soutenir ou aider l'accouchée restaient simples : bouillon de poule (Tournon), fumi-gations de mélisse (Vocance, Vanosc), café et huile de noix (Ar-cens), infusion de mélisse (Chanéac), vapeurs de plantes aromati-ques, romarin, thym, exhalées entre les jambes de la patiente pour activer les contractions (Saint-Just), eau-de-vie pour soutenir les efforts (Tanargue). À Salavas, on préconisait une tisane de peaux séchées de serpent, également à Sablières en avalant l'escòrça de sèrp dans du vin blanc. Selon Mme Riou, de Brahic, ce bouillon de serpent décapité, pelé et salé était donné après la délivrance car il facilitait la venue du placenta. À Saint-Agrève, on faisait rôtir sept noix sous la cendre, on en tirait une boisson que la femme devait absorber. À Lachamp-Raphaël, en cas d'hémorragie, on se contentait d'attacher les membres tandis qu'à Ardoix, vers 1925, pour faciliter le travail, on disposait sous le drap une chemise d'homme très sale... Côté magie, selon Vaschalde, certaines famil-les ardéchoises usaient d'une pierre verte tachée noire et blanche dite " clupé " que l'on plaçait sur le ventre de la parturiente pour calmer la souffrance.
Encore au début du siècle, dans les fermes isolées, on déclarait les naissances à la mairie avec beaucoup de retard, facilement trois mois après. Autre point significatif : sitôt accouchée, la femme ne reste guère au lit, on n'a pas les moyens de se reposer, cela a au moins l'avantage de lui éviter la phlébite !


NOURRIR ET HABILLER L'ENFANT


Mère et enfant bien vivants, c'est une bénédiction du ciel ! À partir du 18e siècle, on assiste à une prise de conscience, à une vo-lonté de lutter contre la mort. Cette volonté peut aller jusqu'à la préservation de la vie lors d'un accouchement désespéré. Ainsi en 1786 les registres paroissiaux de Villefort mentionnent une césa-rienne en ces termes : " Enfant ondoyé par le chirurgien après avoir été tiré vivant du corps de sa mère décédée ".
En ce temps-là, la mortalité infantile était considérable, de l'ordre de 120 à 140 pour 1 000. Un enfant sur quatre meurt dans la première année, un enfant sur deux meurt avant d'avoir 20 ans. Il y a aussi une surmortalité féminine entre 20 et 40 ans, beaucoup de jeunes femmes décèdent en couches.
L'enfant qui vient de naître est lo fresquelet (Saint-Sauveur-de-Cruzières). Le dernier est lo curanís (Les Vans, Villlefort), " lo cocoiro " (Meyras), " lou cocoliou " (Saint-Cirgues-en-Montagne), lo caganís (Bourg-Saint-Andéol), lo cagairòu (Laurac), " lo raboso " (Saint-Martin-de-Valamas, Saint-Romain-de-Lerps). Une fille, c'est lo bofa-fuòc ; le bâtard : l'enfant de luna ; celui né d'une césarienne : " lo nonnat ".
L'enfant restait très vulnérable bien que soumis à une médecine pratique. En Ardèche, l'été était la saison pendant laquelle la mor-talité infantile était la plus forte. C'était l'époque où les femmes étaient le plus occupées en dehors de la maison, absorbées par les travaux des champs. La santé des enfants allaités était ainsi mena-cée, la vigilance relâchée. Comme l'on craignait de voir le bébé conserver sa position de fœtus et d'avoir les jambes croches, on pratiquait un emmaillotage très serré pour maintenir le corps allon-gé. La couche, lo drapèl, était en toile de lin ou coton ; le lange de drap ou de laine, pièce carrée de 80 cm environ, la flaçada (" flossado ") (Chirols), la borrassa (Laurac), lo lani (Roche-paule). Il constitue une sorte de sac blanc ou brun n'ayant d'autres ouvertures qu'à la tête et aux bras. L'ensemble se nomme la saia ou la dreiça. Un vieux dicton déclare : Avant de portar la braia, fau aver portar la saia. Couche et lange étaient maintenus par des bandelettes blanches, brunes, parfois rouges. Quelquefois, pour contrer le mauvais œil, on plaçait les bandelettes en croix. Aux jeunes bébés on ajuste le lange en pointe sur le devant et noué der-rière afin de soutenir la tête (Les Vans). Vers 1880, les enfants avaient encore la saia à Malarce, Thines, Malons. Pour prémunir le bébé des maladies ou malheurs, on achetait du tissu bleu clair afin de confectionner une sorte de robe dite du deuil de la sainte Vierge. Souvent ce vêtement de mérinos bleu à cordelière blanche était remis par la marraine, coutume maintenue jusque vers 1920. On le portait un ou deux ans. Du même ordre d'idée, dans la vallée du Chassezac, des enfants étaient " promis " à Notre-Dame de Thines.
Il était reconnu comme important de faire tenir l'enfant debout très vite et on n'appréciait pas à ce qu'il marche à quatre pattes " comme un animal ". Ce procédé aujourd'hui condamné avait ce-pendant l'avantage de défendre l'enfant contre les animaux do-mestiques qui vivaient ordinairement avec les gens. Protection aus-si contre les courants d'air, contre le feu de la cheminée. Les jeunes circulaient dans des cadres en bois à roulettes, la caminada, ou avec lo pargue, cercle de bois monté sur quatre pieds tournants. L'enfant délivré du maillot recevait sa première robe le jour de la Purification, le jour de la Saint-Joseph ou encore le Jeudi Saint, d'où l'expression " li donarem lei pès ".
Le berceau, lo brèç, était fabriqué par le menuisier du village. On y fixait un arquet en châtaignier courbé, parfois orné d'une croix pour soutenir une mousseline garantissant l'enfant du froid et des mouches (canton des Vans, Tanargue). Ce berceau était posé sur un support stable ou oscillant dit branlaire (" bronlaïré ") (Chi-rols), breçòla (Laurac). Il était garni d'une paillasse remplie de paille de seigle ou de feuilles de noyer et recouvert d'une petite couverture piquée, la baneta. Vers La Figère, Sainte-Marguerite, on trouvait des brèçs appareillés avec une corde passée sur une poulie fixée au mur que le père pouvait tirer de son lit. Sur le plateau ar-déchois, le berceau était en frêne, lo branlet (Usclades), lo crusèl (Marcols). À Saint-Martin-de-Valamas, il était doté de quatre pieds ; à Rochepaule, la branlièira ressemblait à une sorte de ha-mac muni de deux piquets, l'un au pied, l'autre à la tête, avec cro-chet de suspension.
L'enfant, sauf exception, était nourri au sein de la mère jusqu'à l'âge de deux ans. En conséquence, on rencontrait à nouveau des prescriptions pour que le lait soit bon et abondant. Ainsi la mère ne devait pas manger de salade sinon son rejeton sera méchant (Beaumont). Pas de fraises sauvages (Aubenas) ni céleri (Saint-Barthélémy-le-Meil) ni blette (Gluiras) qui coupent le lait. La mère devait cacher son sein par décence mais aussi en raison d'un dan-ger si le mauvais œil la regarde. Pour faire monter le lait, certaines accrochaient à leur cou une pierre genre agate dite lo pater de lach (Tanargue). Autre interdit : ne pas manger de persil (Privas), éviter l'infusion de mélisse (Saint-Agrève). Prendre régulièrement des bouillons de poule assaisonnés de thym et de vin sucré (Boutières). En cas de maladie des seins, il fallait prier sainte Agathe. Vers Burzet, il existait un tetaire au hameau de Lavalette. Il avait le don de faire venir le lait. Comme il était âgé et pénitent, les maris ne trouvaient rien à redire. Il faisait de même pour les chèvres... Autre remède à Sainte-Eulalie où une fontaine donnait le lait aux nourri-ces. Ces dernières s'employaient à éviter le " perel " (retrait du lait causé par le mauvais œil), pour cela elles portaient au cou une pierre percée, la garda. Outre le régime lacté, dès l'âge de un an, la nourriture pouvait être complétée avec des châtaignes sèches.
L'OBLIGATOIRE ET L'INTERDIT
Les tâches liées à la santé et à l'éducation des très jeunes en-fants sont destinées à la femme par nature. Elles sont le prolonge-ment de sa maternité et de sa féminité. C'est toujours à la femme que sont dévolus les soins aux enfants en bas âge, la mère étant remplacée parfois par une grand-mère, une fille aînée, une ser-vante. L'ensemble de ces thérapeutiques est appuyé par l'expérience et les conseils de la communauté féminine. La forte mortalité explique peut-être les actes médico-religieux de préven-tion et de traitement. L'essentiel des médecines empiriques se pra-tique dans le cadre familial mère/grand-mère. Les maux sont dia-gnostiqués avec en correspondance un catalogue de remèdes transmis de génération en génération. Lorsque l'élevage fait peu à peu place à l'éducation, le père intervient graduellement emmenant les fils avec lui pour l'initiation au travail des champs et à la sur-veillance des troupeaux. La fille reste avec la mère afin de se conformer au modèle féminin traditionnel par imitation.
On redoutait surtout les jambes torses, les convulsions, les cris, les pleurs. La percée des dents, origine de nuits blanches, était mal acceptée. Autre calamité appréhendée : les vers jugés responsables de la méningite. Les parents éplorés accordaient une grande confiance à Dieu et à ses saints d'où un nombre considérable de dévotions et de petits pèlerinages dont quelques-uns ont perduré jusqu'en 1940. Les procédés de soins faisaient appel au symbo-lisme comme par exemple l'importance du nom du saint attaché à une propre thérapie. La prière n'était pas toujours primordiale, s'y ajoutaient les attouchements, les ablutions, les déambulations au-tour d'une pierre ou d'un autel, etc.


LES SAINTS MEDECINS ET PROTECTEURS


L'inquiétude la plus constante était le problème des enfants longs à marcher, infirmes, plus ou moins estropiés, ce que l'on nommait les enfants noués.
À Lavilledieu, les enfants en difficulté allaient faire quelques pas sur l'autel de Saint-Joseph le 19 mars à l'église.
À l'église de Joannas, on priait à la chapelle Saint-Eutrope dite Sent Estròpi chaque 30 avril avec offrande de blé ou d'argent.
À Labastide de Virac, on amenait à la chapelle Saint-Romain maintenant ruinée les bambins ayant du mal à marcher.
À l'église de Ailhon, petit pèlerinage à la chapelle Saint-Médard invoqué par ceux ne pouvant se déplacer.
À Notre-Dame de Chalon, commune de Bourg-Saint-Andéol, on engageait des promesses en faveurs des noués.
À l'ancienne chapelle des Carmes de Tournon, à l'autel de Saint-Eutrope, on venait avec les 'stropiats (estropiats). Toujours à Tournon, on faisait marcher les marmots sur la tombe de saint Julien.
Saint Maurice était l'un des grands guérisseurs. On l'invoquait à Mazan, à Saint-Maurice d'Ardèche le 22 septembre avec pèleri-nage pour les petits infirmes et six jours étaient consacrés à des dé-votions. Pratique semblable à l'église de Saint-Maurice-d'Ibie. À Loubaresse, on amenait les enfants aux jambes arquées dans des cor-beilles à dos de mulets. Cette activité s'est maintenue jusqu'en 1910.
La fontaine de Prat Perrier près de N.-D. d'Ay guérissait les petits impotents. C'était le rappel d'une légende avec les trois bel-les dames N.-D. du Puy, N.-D. de Fourvières et leur cousine N.-D. d'Ay qui se retrouvent chaque 8 septembre pour s'y rafraîchir. À l'origine, ces trois dames devaient concerner quelques fées ou nymphes.
On faisait appel aussi à de saintes personnalités religieuses de-venues saintes par la rumeur populaire. Ainsi on se rendait au tom-beau du père Rouville à Privas. Le curé Vidal de Préaux au 18e siè-cle, devenu saint Vidal, a sa croix près de Chanalosc, commune de Préaux. C'était un lieu de rassemblement pour les enfants noués. Démarche identique auprès du tombeau de saint Vigne, prêtre fon-dateur de l'ordre des sœurs de Saint-Sacrement à Boucieu-le-Roi.
· Des personnes de Vanosc et de Vinizieux amenaient les petits malades à Vienne auprès d'une fontaine. On y trempait leurs che-mises qu'ils devaient remettre mouillées.
· Autre lieu privilégié, la Pierre de Saint-Maurice située dans les bois de la Griesseyre, commune de Saint-Arcons-de-Barge, canton de Pradelles. C'est un bloc de granit déposé selon la légende par le saint. Dans une cavité de ce rocher, on plaçait les petits infirmes ayant un pied ou un bras contrefait. Après les prières, on laissait une offrande que le premier passant, souvent berger du voisinage, devait prendre après avoir prié à son tour. On gravait également une croix sur les pins à proximité.
· Dans l'église de Lachamp-Raphaël, il y avait une dalle noire, genre lauze, sous le marchepied de la table de communion (main-tenant disparue). On l'attribuait à saint Julien. on y exposait les enfants aux jambes faibles tandis que le prêtre lisait l'évangile. S'il y urinait c'était bon signe, la guérison était proche. Cette pierre était peut-être un vestige païen supprimé par un curé qui considé-rait cette pratique comme superstitieuse.
· À Mercuer, dans un petit oratoire coule la fontaine de Saint-Loup, probablement ancienne fontaine sacrée romaine. Elle avait la réputation de rendre l'usage des jambes aux gamins incapables de marcher. On baignait les petits patients. Une banquette et une cuvette subsistent. Il y avait dépôt de bonnets en ex-voto. L'usage s'est perdu vers les années 1950. Cette source dite de Sainte-Reine avait encore des visiteurs en 1948. Au-dessus se trouve une statue récente de saint Nicolas.
· À Saint-Maurice-d'Ibie, la fontaine de Barbus avait le même pouvoir.
L'autre grand tracas concernait les pleureurs, les grognons, au-trement dits les renaires ou iretges. Cette crainte pose problème. Nous pensons que pour les gens de la campagne habitués à une vie dure et sans concession, pleurer sans cesse était une anomalie ca-chant un mal obscur dont il fallait se délivrer.
· À Burzet, à l'église le jour de la Saint-Jean-Baptiste, on lisait les évangiles aux enfants grognons. Habitude pareille à Rochepaule.
· Un pèlerinage s'est longtemps déroulé à la chapelle Saint-Julien au rocher de Soutron, commune d'Arcens, le dernier jeudi de juin ou le 1er jeudi de juillet. Un notable allait chercher le curé d'Arcens et tenait la bride de son cheval. Après l'office les enfants défilaient autour d'un trou ayant servi de foyer à saint Julien et ceux retardés ou pleurards mis dans ledit trou.
· Saint Julien est encore imploré à la chapelle romane de la Renne à Trignan, commune de Saint-Marcel-d'Ardèche. À la gauche du portail de l'édifice existe une cavité creusée dans la pierre à 1 mè-tre du sol, de 17 cm de diamètre sur 7 cm de profondeur, c'est le creux de Saint-Julien. Le 28 août, les renaires y venaient. Après la messe, on approchait chaque " malade " du creux en lui adminis-trant une bonne fessée... Il fallait en effet que l'enfant pleure à ce moment-là pour qu'il cesse de le faire ensuite ; puis on lui rentrait la tête dans le trou salvateur...
· Chaque 13 septembre, les petits larmoyants étaient conduits à N.-D. de Thines. Pèlerinage abandonné sous la Révolution, repris fin 19e siècle.
· Dans un but identique on se rassemblait le 1er mai à la chapelle Saint-Jacques et Saint-Philippe-aux-Baumes, commune de Saint-Jean-Chazorne (Lozère).
· Les iretges étaient emmenés à la chapelle Saint-Eugène, com-mune de Chassagnes. Chapelle datant de 1652 fondée par Izard de Montjeu et habitée par divers ermites. Pèlerinage le 15 novembre.
· On donnait à boire l'eau de la font de la Rena à tous ceux ayant eu la grogne. Cette source est située à côté d'une chapelle Saint-Just, commune d'Arlebosc. Dans ce petit sanctuaire se trouve le tableau du saint évêque protégeant deux enfants émergeant d'une cuve. La légende locale dit que saint Just aurait sauvé à cet endroit deux enfants prêts à être sacrifiés par les païens. Le lundi de Pente-côte on y célèbre une messe.
· Autre pèlerinage, celui à Saint-Gineis-en-Coiron auprès d'une vierge à l'enfant en merisier de style naïf réalisée par un berger. Cette statue a d'abord été placée dans la chapelle des Balmes de Montbrun. Elle est connue sous le nom de Sainte-Raine. L'origine de cette croyance est inconnue, mais on lui fait confiance depuis longtemps. On allumait un cierge et on ouvrait le médaillon en forme de cœur que cette vierge porte au cou, on dépliait le papier qu'il renferme et on ajoutait un nom à une longue liste de garne-ments récalcitrants. Le dernier rassemblement date du 23 mai 1943. Dans le médaillon, la liste comporte une soixantaine de noms.
· À Chauzon il y a une autre statue attribuée à sainte Raine. Il s'agit d'un personnage monté sur un âne. Le renaire devait em-brasser cette sculpture.
· À Pradelles, également une font de Sainte-Reine fréquentée par les gens de Coucouron.
· En Empurany au lieu dit Haute Mandonne se situe un rocher ayant une excavation avec rainure et un triple bassin, le cros de la Raine, on y plongeait la tête des bébés pleureurs.
· À Largentière, au col de Sainte-Foy, il y a le Trou de Sainte-Raine. On y trouvait autrefois des petits bonnets en ex-voto.
D'autres cérémonies concernaient un mal dont la définition reste vague : convulsions, frayeurs, faiblesse, nervosité.
· Tel ce pèlerinage contre la peur à la chapelle de Saint-Jean Porte Latine à Montségur-sur-Lauzon (Vaucluse), le 7 mai, suivi par des croyants de Saint-Marcel-d'Ardèche et Saint-Just. Le nom popu-laire est Sent Joan porta la tina (Saint Jean qui porte la cuve). En-core en vigueur, la procession est animée par des tambours, banniè-res, jeunes filles voilées de tulle portant la vierge entourée de fleurs, " aiguillados " blanches et roses, puis statue du saint dans sa bassine d'huile bouillante. Pour vaincre la peur, les mamans avec leurs bambins passent et repassent sous le dais supportant le saint.
· Le 5 août, on accourait de toute la Basse-Ardèche à la chapelle de Saint-Venance près de Soyons pour la guérison des enfants ner-veux, et ceci jusque vers 1920.
· Le 24 juin à la chapelle Saint-Jean-Baptiste à Ardoix, pèlerinage pour les chétifs ou craintifs. Le curé, après lecture de l'évangile, fait défiler les enfants sous la très ancienne statue. On laissait en remerciement des toisons d'agneaux, parfois des agnelets.
· La fonction est identique pour la fontaine Saint-Roch dite font bénite au cimetière de Saint-Alban-d'Ay. On y trempait les vêtements.
· À l'église de Comps on priait jadis un saint de circonstance, saint Souffre dont l'ancêtre doit être saint Chaffre. C'était bien évidem-ment pour les souffreteux.
· À Saint-André-Lachamp le pèlerinage du 30 novembre en l'honneur de saint André était certainement parmi les plus pittores-ques. Les grandes personnes s'y rendaient pour les estorrís mais aussi les jeunes malingres ou anémiques. Après lecture des orai-sons, on déposait une poule blanche tenue par une fillette et un coq blanc porté par un garçon pour le compte du curé. La présence des volailles était obligatoire et pour les pauvres le prêtre leur faisait un prêt. La cérémonie se terminait en embrassant la statue du saint.
· C'est aussi pour les enfants déficients que se déroulait le pèleri-nage à la bonne font de Saint-Martin, à Peyraud. Pratiqué durant le mois de mai, il s'est maintenu jusque vers 1935 et depuis l'eau semble tarie. Cette eau très calcaire était favorable pour les mala-dies osseuses. On y laissait en ex-voto langes et sous-vêtements. Une légende est attachée à cette source : Saint Martin allant à Rome passe par Peyraud et brusquement son cheval fait une chute. À cet endroit la fontaine jaillit.
· La fontaine Notre-Dame à Thines, qui coule près de l'église, pos-sède un caractère sacré et guérit les convulsions.
D'autres lieux de culte sont spécialisés pour diverses autres maladies infantiles : eczéma, croup, coliques, incontinence.
· La source Saint-Roch à Mercuer était réputée pour guérir la rage et la font salada de Beaumont pour guérir le mal au ventre.
· À Meyras, une fontaine passait pour préserver de l'eczéma la peau des jeunes enfants. Les mères y venaient faire leurs lessives.
· À Davézieux, on vénérait les reliques de sainte Marguerite dans l'espoir de se rétablir du croup. À cet effet, on oignait le cou des petits malades avec l'huile de la lampe du Saint-Sacrement.
· Au début du 19e siècle, on se rendait dans une petite grotte près de Saint-Pierre-la-Roche qui avait servi de refuge à une fille en-ceinte chassée par ses parents. Baptisée sainte Calixte par la lé-gende populaire, on l'implorait pour les coliques et l'incontinence. Culte interdit par l'Église en 1845.
· À la fontaine de Saint-Martin-de-Galezas, près de Saint-Sylvestre, on menait les jeunes atteints de gourmes.
· À Usclades, le 3 février, fête de la Saint-Blaise, on venait à l'église pour les enfants scrofuleux ou boutonneux. C'est aussi contre les maladies de la peau qu'il y avait réunion le lundi de Pâ-ques à la chapelle Saint-Saturnin à Boisson (Gard). On lavait les plaies avec l'eau d'une citerne voisine. On laissait un chausson ou un bavoir. Même opération à la source de Sainte-Folie au quartier d'Aunas, à Alba, jusque vers 1925, car elle a ensuite disparue lors de l'exploitation des basaltes.
· Avant 1914, des personnes de Saint-Laurent-les-Bains allaient prier saint Justin à Langogne pour soulager les enfants teigneux, tandis que celles de la Basse-Ardèche fréquentaient la vierge de Roussigne, au nom révélateur, à Carsan dans le Gard.
· À signaler aussi un petit pèlerinage classique à la chapelle des pénitents bleus de Chassiers pour prier saint Benoît afin de contrer le " mal de Saint-Benoît ", désignation régionale des croûtes de lait. Comme d'habitude, le curé lisait l'évangile de Saint-Jean, puis l'enfant passait sous une petite voûte située sous l'autel de pierre.
· À Lalevade, les nourrissons faisant pipi au lit étaient promis au calvaire de Prades.

 

· Pour tous les enfants malades, beaucoup de familles des Cruziè-res et d'Orgnac rejoignaient le 2 septembre la chapelle de Saint-Marcel à Saint-Geniés-de-Malgoirès (Gard).
Nous terminerons avec une pratique originale pour une " maladie " surprenante, celle des enfants trop gloutons. Le remède se situait à l'église de Sainte-Eulalie, plus précisément sur sa fa-çade. On y voit encastré un bloc de lave taillé représentant la gueule d'un loup. Suivant P. Besson, après bénédiction, les enfants étaient groupés sous cette gargouille. Le clocheron montait sur une échelle, versait un peu d'eau qui coulait par la gueule ouverte. Cette eau était reçue sur la tête des petits voraces...
Cette énumération est longue, un peu lassante, mais certaine-ment pas exhaustive, tant ces " voyages " sont recherchés. Nous avons vu que l'enfant doit souvent y participer ce qui, pour certai-nes affections, avait des chances d'aggraver son état.
Il y avait toutefois des " arrangements ". Sous certaines condi-tions, le malade pouvait se faire remplacer par une vieille femme ou un mendiant contre une aumône. Il faut comprendre qu'autrefois le médecin coûtait très cher (10 francs minimum pour une consultation fin 19e) et que ses connaissances étaient limitées. La confiance se tournait vers le ciel en y ajoutant beaucoup de su-perstitions que l'Église s'emploiera à combattre.


LA PREVENTION DU MAL


La prévention du mal existe dans l'ancienne société même si elle est très différente, voire contraire à celle actuelle. Elle se si-gnale par un apprentissage gestuel et corporel. Une efficacité sym-bolique supplante une thérapeutique quasi nulle. C'est ainsi que le façonnage du corps par le maillot donne à l'enfant une rigidité voulue afin d'éviter les déformations. On néglige l'origine des pleurs, mais on s'inquiète de ses conséquences, essentiellement les convulsions. Plus tard, on va cultiver l'endurance par de longues stations debout, puis l'apprentissage de la parole avec des échanges entre mère et enfant par les formulettes, autrement dit découverte de l'élocution, du souffle, du mouvement des mains.
Voici quelques règles générales observées :
· Il ne faut pas couper les cheveux à un bébé sinon il deviendra muet (Saint-Paul-le-Jeune) ou bien voleur (Arcens).
La première fois, la mère doit couper les ongles de son enfant avec ses dents et non avec des ciseaux sinon il sera voleur (Aube-nas). En fait, il faut laisser les ongles se casser. À Arcens, on ne coupait pas les ongles avant un an et un jour.
· Il ne faut pas enjamber un enfant sinon il ne grandira plus, mais si on l'enjambe à rebours, il grandira encore (Les Vans).
· Il ne faut pas montrer à un jeune enfant son image dans un miroir car cela porte malheur, il faut au moins attendre le baptême (Les Vans).
· Si un bébé se regarde dans une glace, cela lui donnera des vers (Rosières).
· Il ne faut pas toucher aux croûtes sur la tête, sinon le bébé de-viendra idiot (Les Vans, Gravières).
· Il faut laisser la tereta (Laurac), la " crapodura " (Rochepaule), la " morina " (Saint-Martin-de-Valamas).
Si un nourrisson est précoce pour ses dents, c'est le présage d'une prochaine naissance. On dit : " Quau denteja lo bate-ja " (Chambonas). Mais il risque des ennuis si les dents commen-cent à la mâchoire supérieure (Saint-Montan, Arcens). Les dents de lait, les ratons, sont mises dans un trou à rats afin que les nouvelles dents soient solides comme celles des rats (Saint-Paul-le-Jeune).
Le corail et les dents de loup ont la réputation de faciliter la ve-nue des dents. On place autour du cou des bébés un petit collier de perles d'os de forme allongée.
Il faut redoubler de prudence pour les enfants nés en mai.
D'une façon générale il faut se méfier des animaux : le chien donne des vers, le chat couché sur l'enfant l'étouffe.
On considère qu'il n'est pas bon de trop embrasser les bébés, cela les empêche de profiter.
Pour protéger des bosses les enfants apprenant à marcher, on leur mettait une coiffure en osier fin rembourrée à l'intérieur, lo para-banas ou banardon.


LES VISITES


À Aubignas, en 1306, il y avait obligation de visiter la Dame d'Aps lorsqu'elle était en couches pour lui offrir des pains ou autre chose.
Les femmes du voisinage se doivent de rendre visite à l'accou-chée. À Villeneuve-de-Berg, elles venaient offrir la bresca daurada, sorte de gâteau fait avec de larges tranches de pain blanc dans une pâte d'œufs, lait, et sucre, cuites ensemble à la poêle. Vers Bourg-Saint-Andéol, on donnait un petit panier contenant une miche, un œuf, symbole de fécondité et du sel, symbole de longé-vité. Vers le Teil, les femmes mariées, surtout celles enceintes, ap-portaient un pain blanc de deux livres ou bien du sucre. À Louba-resse, toutes les femmes faisaient visite avec un petit cadeau : pain, lard, une tasse de café, une aiga bolida. On disait à Saint-Montan qu'il faut toujours offrir un cadeau à une jeune mère, cela porte bonheur. En Boutières, on présentait une boîte de sucre, du choco-lat, des petits beurres, des pastilles au miel, une fiole d'eau de coing.
Pour la naissance d'un premier garçon, à Chalencon, on invitait les amis à boire et ceux-ci en guise de remerciement lançaient des pétards. Également autour de Saint-Agrève, les voisins, pour la ve-nue d'un garçon, tiraient des coups de fusil près de la maison en signe de joie et de félicitation. Là aussi tournées à boire de rigueur. La coutume des coups de feu pour la naissance d'un mâle semble avoir été générale dans le Haut-Vivarais. À noter une information donnée par le journal la Croix de l'Ardèche sans localisation : à la naissance, on fabriquait un petit meuble ou un mortier à sel, una salièra, avec son pestèl portant gravés le prénom et la date.


LA CONTRACEPTION


Au Moyen Âge, la contraception n'existe pratiquement pas. Elle est très limitée dans les classes dirigeantes. L'Église impose certai-nes périodes d'abstinence : 20 jours avant Noël, le dimanche, les jours de fête, la période des règles. Toutefois on connaît les herbes favorisant les menstrues comme la ruda, la tisane de persil, la bé-toine, le sénéçon, la fumée de galbanum, la fougère. La sabine, va-riété de genévrier, est reconnue comme une herbe aux propriétés abortives, l'armoise ou arsenisa également. La centaurée, qui " fait sortir du ventre l'enfant mort ". Il existe en secret des procédés plus ou moins magiques (voir le curé Clergue de Montaillou). La femme qui s'avorte passe devant le tribunal, mais l'affaire peut s'étouffer moyennant un versement d'argent pour " accomodat ", somme importante de l'ordre de 200 florins à Avignon, au 15e siè-cle. Le crime était plus dans le fait de tuer l'enfant sans baptême que l'acte par lui-même. À la fin de l'Ancien Régime, le Langue-doc en général, le Vivarais en particulier, apparaissent comme des provinces très prolifiques. Les " funestes secrets " quelque peu ré-pandus déjà dans certaines régions de France ne sont pratiqués qu'à un degré infime dans le Midi languedocien. Pour saisir les choses, il faut rappeler que c'est à Caen, en 1782, que le père Fé-line publie le Catéchisme des gens mariés dénonçant avec fureur le crime de l'infâme Onan, fils de Judas, qui refuse d'avoir un enfant de sa femme. Les pratiques contraceptives du 17e siècle ne sont expérimentées que par des groupes d'avant-garde : haute société, couples adultérins, prostituées. Les couples mariés, dans leur im-mense majorité, ne pratique aucun planning familial. Les épouses fécondes portent régulièrement un enfant tous les deux ans, soit une moyenne de huit par famille, natalité corrigée tragiquement par une mortalité dévorante. À la fin du 17e siècle la situation évolue très lentement, du moins dans les classes dominantes et nous voyons ainsi Mme de Sévigné sermonner sa fille et lui indiquer des " restringeants ". Cette persistance nataliste semble correspondre à des faits sociologiques bien précis. D'abord à la situation diminuée des femmes, l'analphabétisme féminin en Languedoc, au 18e siè-cle, atteint des taux énormes. Par ailleurs, la femme languedo-cienne est vouée sans contestation majeure de sa part au métier de faire des enfants. La position commence à changer avec la Révolu-tion et l'Empire. Les " funestes secrets " pénètrent assez large-ment, probablement en raison de la conscription et des brassages d'idées et de mœurs dus à vingt ans de guerre aux quatre coins de l'Europe. En 1830, il y a un renversement puisque le taux de nata-lité dans le Languedoc devient inférieur à la moyenne nationale.
Sur la question des règles, les femmes doivent se conformer à un certain nombre d'interdictions et de dispositions. Ainsi elles ne doivent pas prendre de bains durant cette période (Lussas, Domp-nac), elles doivent même éviter de se mouiller les pieds (Saint-Jean-le-Centenier). L'interdiction va jusqu'à ne pas changer de linge (Laurac). Lorsque la femme a " ses fleurs " elle ne doit pas faire la lessive (Dompnac), ne pas se peigner, ni toucher certaines plantes (Lamastre). On doit enterrer le sang pour que personne ne puisse le voir (Dunières). Il ne faut pas entrer dans les caves, dans les magnaneries, ni venir à la tuada (" tuado ") du porc. La femme est considérée comme impure et comme en dehors de la société. On a honte de la salissure du sang menstruel et avoir ses règles en pleine lune porte malheur (Brahic).
Pour clore cet aspect bien négatif, il faut toutefois ajouter que sous l'Ancien Régime une fille-mère devait faire une déclaration de sa grossesse devant un juge. Une action était menée contre le père dénoncé en vue d'une transaction. La bourgeoisie du 19e n'a pas maintenu cette disposition.


LE BAPTEME
UN NOUVEAU PETIT CHRETIEN
Dans la société traditionnelle, le baptême est obligatoire. Seul il peut effacer le péché originel. C'est un acte d'exorcisme par l'eau et le sel purificateur suivi d'une agrégation dans la société chré-tienne. Le baptême de jadis peut se décomposer ainsi :
· Introduction à l'église avec station à la porte.
· Prières.
· Insalivation.
· Dénudation.
· Renonciation au démon.
· Vœu.
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TABLE DES MATIERES
Avertissement 7
Le temps de naître et d'aimer 11
Lorsque l'enfant paraît 13
Le baptême 36
Les étapes de la jeunesse 49
La société enfantine 70
Le mariage 102
Le temps de rire et de prier 151
Le calendrier des fêtes 153
Carême et carnaval 167
Les rameaux 185
La semaine sainte 190
Le mois de mai 200
La Saint-Jean 214
La Fête-Dieu 223
L'Assomption 225
La Toussaint 225
Rites de protection agricole et pastorale 226
Comment se distraire 237
Le temps du Merveilleux 263
La découverte du ciel 265
La nature magique 272
La sorcellerie 277
Le diable et son cortège 279
Les jeteurs de sorts, le mauvais œil 284
La conjuration du mal 286
Les fées 289
La trèva 293
Les lutins 295
Les animaux diaboliques 298
Les croque-mitaines 299
Le chasseur de la nuit 302
Les géants 303
Le langage des pierres 306
Les trésors 311
Le temps de souffrir et de mourir 315
Maladies et médecins 317
Plantes et talismans 320
Rhabilleurs et rebouteux 328
Saints guérisseurs et eaux sacrées 332
Les eaux sacrées 341
La fin de la vie 344
Conclusion 367
Bibliographie 373
Tables 379
TABLE DES ILLUSTRATIONS
Enfant au maillot 17
Le " creux de St Julien " à Trignan, commune de St-Marcel-d'Ardèche 31
Le loup de l'église de Ste Eulalie 37
Statue de Notre-Dame de Délivrance à l'église de Naves 43
St Just protecteur des enfants à l'église d'Arlebosc 51
Fontaine de St Martin de Galezas 59
Acte de remplacement en 1813. Période de haut risque d'où le prix considérable de 4 600 F. 67
L'offre de " la chichole " aux jeunes mariés 77
L'arc de triomphe dressé devant la maison de la mariée 87
Conscrits de 1927 à Lamastre 92
Les enchères pour la jarretière de la mariée 95
Les mariés devant le " fogau " 105
Le charivari 115
Le gâteau du Père Janvier 123
Les " Brassadous " des Rameaux 133
Le carnaval de Joyeuse. L'exécution de Pierre. 143
Charivari au Moyen Âge 145
Le carnaval de Joyeuse. Le jugement 155
Le carnaval de Joyeuse. Les " quèlis " 165
Le Christ du Vendredi Saint à Burzet 175
Véronique du Vendredi Saint à Burzet 181
Le Bœuf pascal 191
La crécelle du Jeudi-Saint 199
Les " raspans " du dimanche des Rameaux 209
Le chant des " maïaires " 221
Les feux de la St Jean 231
Statue de St Nicolas à St-Martin-d'Ardèche 241
Bannière de la confrérie de St Vincent de Bourg-St-Andéol 251
Les " fachilhièras " 261
Le pied de Notre-Dame à Naves 275
Facture du chirurgien Paradis en 1792 à Bourg-St-Andéol 287
Frais d'enterrement de Me de Bonot en 1792 à Bourg-St-Andéol pour l'église et le prêtre, le marguillier, la femme qui ensevelit, le creusement de la tombe, la loca-tion des manteaux de deuil, le linceul. En bas : frais de cierges pour M. de Villevrain 301
Mayres, " lou Ron Trooutcha " 323
La chichole pour les jeunes mariés 335
Sainte Véronique, à Burzet 355
Les " raspans " des Rameaux 371

 

 

 

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