Pierre Charrié nous donne ici une synthèse considérablement
augmentée de ses deux fameux livres : « Folklore
du Haut-Vivarais » et « Folklore du Bas-Vivarais »
parus au siècle dernier et qui sont restés les ouvrages
de référence sur la vie et les murs de lArdèche.
Cette nouvelle réédition, illustrée de nombreux
dessins originaux, comblera les amoureux du Vivarais par une foule
de détails précis et vivants sur notre culture ardéchoise.
À travers les nombreux chapitres thématiques de
cet ouvrage, vous retrouverez toutes les phases de la vie quotidienne
de nos parents : la naissance, lenfance, lâge
adulte, le mariage, le travail et la mort. Des points aussi divers
que le baptême, les rondes et les jeux, les chansons de
conscrits, la condition de la femme, la contraception, les vêtements...
sont traités tout au long dune vaste période
sétendant parfois du moyen-âge jusquà
nos jours. Retrouvez des traditions, aujourdhui perdues,
aussi sympathiques et originales que le charivari, le buf
gras, la récolte des herbes, la fête des bergers,
les rogations, les saints protecteurs, les fêtes corporatives,
les farces et reboules... qui émaillaient la dure existence
de ces fiers Ardéchois et courageuses Ardéchoises.
« LArdèche au fil du temps » ou
Folklore de lArdèche restitue les plus belles pages
sur lhistoire, les murs, les coutumes... et finalement
sur la
vie de ce charmant pays. Un livre incontournable à lire,
relire et à offrir.
RENÉ SAINT-ALBAN
Couverture à rabats. 400 pages. Nombreuses gravures. 25 euros +8 euros de frais de port
30 euros franco jusq'au 25 novembre 2019.
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ARDECHE de Pierre Charrié
au prix de 30 euros franco pièce jusqu'au 20 novembre 2019
sinon 25 + 8 euros après le 20 novembre 2019
Soit un chèque de .......... euros, à l'ordre des
EDITIONS DE LA BOUQUINERIE,
encaissé à l'expédition.
Commande à adresser à : EDITIONS DE LA BOUQUINERIE..,
77 av. des Baumes, 26 000 VALENCE
Extraits
Note de l'éditeur :
Tous les dessins sont des originaux de M. Henri Armagnat, à l'exception des illustrations des pages 145 et 261.
Note pour la présente
édition : Il est des livres qui sont de vrais livres et
qui brilleront dans toute bonne bibliothèque ardéchoise
pendant des siècles. Celui-ci est une des plus belles perles
publiées parmi nos 430 titres depuis plus de 40 ans par
notre maison d'édition.
Ren de passat que non tòrne
Rien de passé qui ne revienne
AVERTISSEMENT
Avec l'Ardèche au fil du temps , nous avons recherché
la cons-cience et la pensée de la société
traditionnelle ardéchoise. C'est donc essentiellement une
incursion dans le domaine des coutumes et des croyances. Pour
mieux cerner celui-ci, nous avons partagé notre propos
selon quatre temps.
D'abord, le temps de naître et d'aimer, c'est-à-dire
les âges de la vie de la naissance au mariage y compris
les rites religieux ou civils comme le baptême ou la conscription,
véritables passages d'un individu ou d'une génération
dans une classe déterminée. Puis, le temps du divertissement
et de la prière qui rassemble les usages de l'année
calendaire où se côtoient fêtes laïques,
histori-ques, mystiques, dévotions, rites du travail. Ensuite,
vient le temps du merveilleux, de l'empirique avec ses légendes
qui ont marqué la culture profonde des gens de ce pays.
Enfin, le dernier temps reste celui de la peine et de la mort.
À travers les coutumes qui peuvent paraître cocasses
ou absur-des, nous avons cherché à dégager
les instincts cachés qui les commandent. Par de multiples
démarches intimes ou collectives, on découvre l'organisation
d'une société traditionnelle où sacré
et profane, rituel et coutumier sont souvent liés.
Aujourd'hui, l'art de vivre classique est largement battu en brè-che.
Pourtant, par certains de ses aspects, il demeure vivant. On peut
citer le succès des astrologues, des marabouts, la résurrection
des fêtes de carnaval. On note l'arrivée de nouveaux
usages : Fête des mères, banalisation du père
Noël et de la télévision, des faits majeurs
de société comme la " manif ", le délire
du supporter sportif, la sanctification de la vedette, etc. Tout
ceci montre la per-sistance d'une vie coutumière.
Nous avons bien sûr repris l'essentiel paru dans nos ouvrages
le Folklore du Bas-Vivarais et le Folklore du Haut-Vivarais. Nous
y avons toutefois ajouté de nombreux compléments
et nous avons surtout essayé d'étendre nos informations
valables pour le 19e siè-cle et la première moitié
du 20e siècle, jusqu'à des périodes beau-coup
plus anciennes. Les documents retenus, en particulier pour le
Moyen Âge, bien que limités et souvent mal localisés,
restent néan-moins précieux pour les traditions
du berceau à la tombe, beaucoup de faits généraux
étant applicables à notre province.
Nous nous sommes efforcés de donner le maximum d'infor-mations
propres à chaque village. Le plus souvent, les propos rap-portés
sont limités ou répétitifs, mais nous jugeons
essentiel d'essayer de dégager des données par trop
générales, tout ce qui peut distinguer la vie particulière
d'une communauté d'habitants. La France et spécifiquement
l'Ardèche se signale par un nombre considérable
de communes en proportion de la population. L'individualisation
n'est pas née d'hier. C'est parfois un défaut, mais
en ce qui nous concerne c'est aussi la satisfaction de décou-vrir
le propre de nos anciens, de retrouver leurs raisons de vivre
à travers une foule d'événements qui constituent
le fil du temps.
Ce travail n'aurait pu se réaliser sans nos précieux
informateurs, que nous remercions à nouveau chaleureusement.
Voici la liste que nous espérons complète :
Abel (Mars) - Melle Abrial (Lalevade) - Abbé André
(Privas) - d'Ambly (Saint-Romain-d'Ay) - Abbé Arnaud (Valvignères)
- E. Arnaud (Saint-Andéol-de-Fourchades) - Bastide (Saint-Mélany)
- Ed. Béaux (Charmes) - P. Bellin (Charmes) - Mme Benoît
d'Entrevaux (Saint-Priest) - Blanc (Les Vans) - L. Boissonet (Ser-rières)
- Abbé Chanal (Préaux) - Abbé Chareyre (Chalencon)
- Chareyre (Chomérac) - Chazalette (Gravières) -
L. de Chazotte (Arlebosc) - Mme Chomel (Félines) - Ph.
Clape (Vernoux) - Doc-teur Coront (Vanosc) - L. Coste (Le Cheylard)
- Mme Coste (Saint-Julien-Vocance) - Cros (Etables) - M. le curé
du Béage - L. De-lolme (Burzet) - Abbé Desbos (Quintenas)
- Mme Deschanel (Les Vans) - Mme Descours (Sainte-Eulalie) - Abbé
Devidal (Saint-Cirgues) - Melle Dumas (Saint-Jeure-d'Ay) - Chanoine
Dumont (Saint-Symphorien-de-Mahun) - Abbé Duny (Dornas)
- Estéoule (Ajoux) - R. Evesque (Les Vans) - Faure (Mézilhac)
- Mme Ferra-tier-Tourenc (Le Cheylard) - Abbé Forestier
(Saint-André-en-Vivarais) - Forot (Saint-Félicien)
- X. Frachon (Davézieux) - Frap-pa (Annonay) - G. Froment
(Les Vans) - M. Froment (Les Vans) - Gineys (Lachamp-Raphaël)
- Cl. Giraud (Chanéac) - Gleyze (Lou-baresse) - Abbé
Goudard (Saint-Barthélémy-le-Pin) - Abbé
Hervé (Ardoix) - Hilaire (Arcens) - Hours (Sablières)
- Abbé Jouffre (Saint-Martial) - Abbé Junique (Gilhoc)
- Labalme (Gravières) - Labrot (Saint-Martin-Supérieur)
- de Lachasserie (Vion) - de La Roque (Eclassan) - Lebre (Saint-Sernin)
- Levaillant (Thorrenc) - Abbé Malosse (Saint-Vincent-de-Barrès)
- R. Manhaudier (Le Cheylard) - Mme Martel (Tournon) - Martin
(Gravières) - Abbé Ma-rijon (Albon) - Marc (Malarce)
- Mercier (Aubenas) - Mercier (Saint-Pierreville) - Messié
(Bourg-Saint-Andéol) - Abbé Mialon (Saint-Jean-Roure)
- Noël (Sainte-Marguerite) - Abbé Ollier (Saint-Julien-Boutières)
- Pansier (Saint-Pierre-le-Déchausselat) - Melle Pansier
(Chambonas) - Abbé Paquet (Saint-Martin d'Ardèche)
- Mme Philibert-Blaizac (Saint-Martin-de-Valamas) - J. Prat (Sablières)
- Raynaud (Les Salelles) - Ressayre (Lachamp-Raphaël) - Docteur
Richard (Les Vans) - Robert (Lamastre) - Roustain (Baix) - Saumade
(Mercuer) - Abbé Seurel (Limony) - Melle Salgon (Les Vans)
- Mme Serret (Grospierres) - Serusclat (Saint-Lager-Bressac) -
Seuzaret (Le Pouzin) - Mme Seveyrac (La-blachère) - Soulerin
(Saint-Paul-le-Jeune) - Mme Tadary (Lalou-vecs) - J. Thibon (Les
Vans) - G. Thoulouze (Saint-André-de-Cruzières)
- Mme de la Tourette (Saint-Victor) - Abbé Tourette (La-villedieu)
- X. Vallat (Annonay) - Mme Vincent (Sablières) - Vivion
(Sarras)
et les anonymes de Alissas, Beaulieu, Devesset, Joyeuse, Mont-pezat,
Rochepaule, Roiffieux, Saint-André-de-Cruzières,
Saint-Julien-du-Gua, Villefort, Villeneuve-de-Berg.
Depuis les années 1965/1975 beaucoup de ces personnes nous
ont malheureusement quittés. Nous tenons à rappeler
leur souvenir, leurs témoignages ont évité
l'oubli. Transmettre la flamme de la connaissance pour en garder
souvenance, c'est ce que nous avons tenté de réaliser
dans cet ultime ouvrage.
Note de l'éditeur : Selon la provenance de l'information,
du document, les textes occitans sont transcrits soit en graphie
classique occitane (ò = [o], ó et o = [ou], iá
= [iô], a en fin de mot = [o], lh = ll, nh = gn, etc.),
soit en une graphie phonétique. Cette dernière est
souvent signalée par des guillemets.
Première partie
Le temps de naître et d'aimer
LORSQUE L'ENFANT PARAIT
L'arrivée d'un enfant dans la famille traditionnelle est
un évé-nement attendu et heureux. Jadis, la famille
nombreuse était de rè-gle, les enfants constituant
une sorte d'investissement. Le refus ab-solu de procréer
était très rare et le statut d'une jeune mariée
consistait à attendre rapidement une grossesse. En conséquence,
la stérilité était un drame dans la famille
et pour conjurer ce malheur, la femme inféconde devait
recourir à un grand nombre de prati-ques. Le mari n'en
était pas exempt, car il devait toujours se méfier
du " noueur d'aiguillette ". Cette ferveur n'était
pas sans ombre, car enfanter comportait de nombreux risques et
pour la mère et pour l'enfant. Ici encore des invocations,
des précautions, des priè-res pouvaient éviter
le pire. Cet enfant tant désiré va être entouré
de prévisions, puis, lors de l'accouchement, de pratiques
magico-religieuses avec une participation active du voisinage
féminin. Il sera l'objet d'une sollicitude accrue dans
l'attente du baptême qui interviendra rapidement.
COMMENT AVOIR UN ENFANT
Au Moyen Âge, la procréation était d'abord
une nécessité. Se-lon Saint-Augustin, elle faisait
partie des biens du mariage, elle en était la justification.
Un époux impuissant était une cause de nulli-té.
Ne pas oublier que pour l'Église seul le désir de
procréer justi-fie entièrement l'acte sexuel. La
majorité des unions était féconde, mais dans
bien des cas on pensait qu'il serait bon d'aider la nature. On
disposait de deux moyens : certaines eaux bienfaisantes, cer-tains
pèlerinages, principalement à la Vierge Marie.
Les jeunes mariés de Villeneuve-de-Berg, après le
repas de noce, se rendaient souvent à la fontaine de Tournes.
Il était conve-nu que si la nòvia buvait de cette
eau le jour du mariage, son pre-mier enfant serait un garçon.
Les enfants profitaient de l'aubaine pour aller au-devant du couple
avec des seaux remplis et ils avaient des dragées en récompense.
Habitude longtemps suivie où l'homme et la femme buvaient
chacun dans le même verre que l'on brisait sur place. L'eau
de la source de Bois Lantal, commune de Chanéac, donnait
aussi la fécondité.
La fontaine la Marie, à Vals, était déjà
célèbre au 17e siècle, certaines dames stériles
de Burzet s'y rendaient, il n'y a pas si longtemps. La fontaine
de Saint-François Régis à Lalouvesc a le
même pouvoir. Selon La Laurencie, des couples sans enfants
ve-naient s'agenouiller et, après une prière, la
femme remplissait un verre d'eau et le versait dans le dos de
son époux et l'on peut pen-ser que c'était ici la
stérilité de l'homme qui était en cause.
D'autres personnes se contentaient de boire. On cite encore la
source du Lignon à Chaudeyrolle près du Mézenc,
celles de Saint-Georges-les-Bains. À Satillieu et Quintenas,
on allait en pèlerinage à Notre-Dame d'Ay ou à
Lourdes (Saint-Montan, Beaumont) et jusqu'à Notre-Dame
de la Garde à Marseille (Jaujac). Il y avait aussi des
pratiques plutôt païennes, reliquats d'un très
ancien culte fécondateur des pierres dites à empreintes.
Ainsi des femmes en mal d'enfant s'agenouillaient sur la banquette
du " lit de saint Ré-gis ", sanctification tardive
d'une pierre creuse reproduisant va-guement une forme humaine
(Saint-Félicien). Autre coutume contée par Francus
avec le rendez-vous de couples le jour de leurs noces à
la " piada de madama Vierna ", sorte de cavité
dans les bois du Laoul en forme de sabot. Par contre, nous n'avons
trouvé aucune trace en Ardèche d'un quelconque culte
phallique. Dernière pratique assez aberrante notée
à Vocance où il était recommandé de
nouer d'une seule main des genêts en marchant le long des
chemins. Nous ne savons si cela rendait prolifique, par contre,
pour l'agilité des doigts, le système était
parfait...
La femme enfin enceinte va rester sensible aux influences mali-gnes
car elle était supposée impure jusqu'à la
messe de relevailles. Autour du fruit qu'elle porte on va se livrer
à une série de divina-tions et à un nombre
important de tabous à respecter. L'anxiété
de connaître le sexe de l'enfant à naître restait
profonde. Pour cela, l'aspect du visage et du corps de la femme
était considéré comme le symbole inconscient
de l'enfant à venir. D'abord le " masque ". Bien
accentué, c'était l'indice d'un garçon à
Gravières, mais c'était l'inverse à Grospierres
et à Privas. L'adage habituel était : Ventre pointu
: garçon ; ventre rond : fille (Gravières). Même
chose à peu près à Arcens : si la mère
est très forte des hanches depuis le début ce sera
un garçon, si toute sa grossesse est portée sur
le ventre et si par ailleurs elle n'a pas grossi, il faut compter
sur une fille.
À Malbosc, si les battements de cur du ftus
sont forts, c'est un garçon. À Saint-Andéol-de-Fourchades,
si la mère a le teint plus coloré, le sein droit
plus gros, si en se levant elle ressent une légère
douleur du côté droit, c'est un garçon. Voilà
un énoncé un peu complexe, mais d'habitude les stigmates
sont plus simples.
Beaucoup de présages s'établissaient sur les phases
de la lune avec, et cela n'a rien d'étonnant, des contradictions
d'un village à l'autre. Au Cheylard, si l'accouchement
se fait en lune croissante : garçon ; en lune décroissante
: fille. C'est l'inverse à Saint-Andéol-de-Fourchades.
À Saint-Agrève, on précise que si l'enfant
est conçu en lune vieille, ce sera un mâle. À
Silhac, c'est une fille seulement à la pleine lune. Parfois
les choses se compliquaient. Ainsi si la lune devient nouvelle
dans les trois jours qui suivent l'accouchement, l'enfant suivant
est d'un sexe différent (Accons), ou bien le second enfant
sera d'un sexe différent si la lune tourne dans les trois
jours qui suivent la naissance du premier (Eclassan). Ailleurs,
pour une seconde naissance et les suivantes, on se base sur le
quartier de la lune, une naissance se produisant dans le pre-mier
ou deuxième quartier laisse la place à un garçon,
dans le troi-sième ou quatrième quartier, c'est
une fille (Le Cheylard).
On avait aussi recours à la radiesthésie comme à
Saint-Lager-Bressac en faisant tourner une alliance pendue à
un fil au-dessus du ventre de la future mère. Du comportement
de ce pendule, on en déduisait le sexe. Autre moyen plus
vulgaire à Chanéac où certains disaient que
si la mère n'aimait pas le vin, l'enfant serait une fille.
À noter la tendance courante à dévaluer le
sexe faible. Exemples : au Cheylard et à Saint-Victor avec
l'idée que si la mère restait fraî-che et
alerte, ce serait un garçon ; si elle paraissait déprimée,
ce se-rait une fille car celle-ci emporte la beauté de
la mère. À Arcens, on cite ce dicton : Un garçon
remonta sa maire, una filha la contra (un garçon fortifie
sa mère, une fille la déprime). Se rappeler la lo-cution
populaire lors de la naissance d'une fille : Una filha... podiá
pas faire mens !
Le chapitre des interdictions est copieux et autrefois la pauvre
femme grosse n'avait pas le droit à l'erreur. En compensation,
son entourage, ses voisins devaient satisfaire toutes ses envies.
Cette importance accordée aux désirs de la mère
est significative, car c'est sans doute l'un des rares moments
de la vie des femmes d'autrefois où l'on va leur accorder
des libertés et des gâteries. À Burzet, il
faut s'employer à répondre favorablement aux envies
des femmes enceintes sinon elles risquent de marquer le visage
de l'enfant d'une tache, l'enveia. D'une façon générale,
on pensait que la marque serait fixée sur le corps du bébé
là où la mère s'était touchée
au moment de son désir. À Saint-Martin-d'Ardèche,
il était rapporté qu'un orgelet venait en punition
à ceux qui avaient refusé quelque chose à
une femme grosse.
Une règle à ne pas transgresser était de
ne pas acheter à l'avance le berceau, ni de préparer
la layette. À Saint-Agrève, on ne devait pas ouvrir
le lange noué aux quatre coins du trousseau, cela pouvait
porter malheur. Encore après la dernière guerre,
il était traditionnel de ne rentrer le landau dans la maison
qu'après la naissance (Les Vans).
Dans un ordre purement pratique, il y avait des gestes à
ne pas faire. Ainsi la future maman ne doit pas :
· Se peigner dans un courant d'air (Saint-Maurice-en-Chalencon).
· Penser à des choses désagréables
afin que son enfant soit réjoui (Le Cheylard).
· Monter sur une échelle, lever les bras (Charmes,
Saint-Priest).
· Manger du persil, sinon son lait sera mauvais (Privas).
· Manger des carottes (Vernoux).
D'autres interdits ont trait à des événements
extérieurs qui ris-quent de marquer l'enfant :
· Assister aux enterrements, entrer dans une magnanerie
ou dans un endroit où l'on fait le beurre (Saint-Agrève).
· Se faire photographier (Saint-Agrève).
· Regarder les bêtes d'un cirque, aller au théâtre
(Tournon).
· Rencontrer un être difforme ou même un aveugle
car l'enfant pourrait devenir bossu ou aveugle (Les Vans).
· Se peser (Grospierres).
· Se moquer des autres, sinon l'enfant sera infirme (Silhac).
· Éviter de marcher sur un reptile, l'enfant pourrait
être muet (Le Cheylard). Mettre du fil en écheveau.
Pendant au moins les derniers mois, la femme enceinte était
vé-ritablement confinée dans sa maison afin d'échapper
aux influen-ces dangereuses. Magie et hygiène étaient
ainsi mêlées.
L'ACCOUCHEMENT
Le jour où l'on est en gésine n'est pas indifférent.
Aux Vans et ailleurs, un enfant né le dimanche sera paresseux.
Vers Largentière, les présages s'attachent aux mois
et aux jours de la semaine et an-noncent le caractère fondamental
du futur adulte :
Janvier : soupe au lait. Février : pas tombé de
la dernière pluie. Mars : joyeux le matin, bourru le soir.
Avril : fera bien de ne pas se marier ce jour-là. Mai :
caractère en or. Juin : fera fortune. Juillet : malheureux
en ménage. Août : aimera la gloire et l'honneur.
Sep-tembre : généreux. Octobre : toutes qualités.
Novembre : qui s'y frotte s'y pique. Décembre : ceux qui
ont été laissés pour compte par les autres
mois.
Lundi : bien brave, un poil à la main. Mardi : un peu vif,
mais vaillant. Mercredi : vif comme la foudre. Jeudi : faux comme
un jeton. Vendredi : complaisant mais peureux. Samedi : panier
percé.
À souligner les dons exceptionnels accordés à
ceux nés un jour particulier. Ainsi celui né un
Vendredi Saint peut guérir la fièvre. Celui né
le jour des Morts peut communiquer avec les âmes : ce sont
les armatièrs. Jadis en Ardèche, le maximum de naissances
avait lieu en février/mars.
Aujourd'hui rien n'est vraiment changé, mais nous passons
par l'office de Mme Soleil...
L'accouchement était le domaine réservé de
femmes spécialis-tes, mais familières. Plus tard,
la sage-femme diplômée leur succé-dait, puis
vers les années 1930, le médecin de famille qui
opérait toujours à domicile. L'accouchement en maternité
est relativement récent. Le rôle du père a
évolué d'une façon parallèle. Souvent
pré-sent et utile lors de l'accouchement à domicile,
ensuite éliminé dans la maternité et finalement
de nos jours réaccepté en spectateur discret.
Il y avait deux préoccupations principales : faciliter
l'accou-che-ment pour limiter la souffrance, assurer la survie
de la mère et de l'enfant.
La préparation de bonnes couches demandait des actes précis,
surtout d'ordre religieux. Ainsi les femmes portaient une ceinture
bénite ayant touché la Sainte Ceinture de la Vierge
de Nieigles ou la statue de Notre-Dame du Puy. Elles priaient
devant les nombreu-ses images de Marie en particulier celle de
Notre-Dame de Déli-vrance à Chapias, commune de
Labeaume, oratoire élevé en 1814 par les abbés
Sevenier. Un pèlerinage s'effectuait le lundi de Pâ-ques
avec participation des pénitents de Laurac, Uzer, Montréal.
Invocations également à la chapelle de Notre-Dame
de Délivrance à Laulagnier, commune de Jaujac, à
la statue de Notre-Dame de Délivrance à l'église
de Naves, à la vierge noire de Sablières. Jus-qu'à
la Révolution se déroulait un pèlerinage
à la chapelle de No-tre-Dame de Délivrance du château
de Tournon. Une légende s'y rattache : Just de Beaumont,
seigneur valeureux devant quitter son épouse Jeanne pour
partir en guerre, son valet la Franchise, mau-vais scélérat,
essaye de séduire la dame qui attend un enfant. Ne pouvant
parvenir à ses fins, il est chassé. Pour se venger,
le traître fait courir le bruit que le père n'est
sans doute pas le seigneur Just. Le maître circonvenu, la
pauvre femme est jetée en prison. Sur le point d'accoucher,
elle implore une statue de la Vierge : " Notre Dame de Délivrance,
prenez pitié de moi ! ". La statue s'anime, touche
Jeanne au front. Just revient de son erreur car l'enfant dit :
" Je m'appelle Just, comme mon père ". La dame
de Tournon fit construire la chapelle en y plaçant la statue
miraculeuse.
À Chanéac, on priait saint Gérard, à
Jaujac sainte Catherine. Beaucoup de dévotions à
sainte Marguerite, tandis que pour calmer les douleurs on utilisait
l'eau de la fontaine de Saint-Martin-de-Galezas, commune de Saint-Sylvestre.
Au Moyen Âge, il était bon de porter un agnus dei,
médaille or-née de l'agneau et de la croix ou bien
un collier de corail rouge. Il était courant de faire brûler
un cierge de la Chandeleur devant la Vierge. On pratiquait encore
des actes magiques, tels le carré qui au 13e siècle
constituait une amulette recommandée lors des cou-ches,
même chose pour les sachets garnis de reliques.
À côté de ces recours spirituels ou non, il
y avait des disposi-tions matérielles. Dans nos campagnes,
on faisait rarement appel au médecin. On s'adressait à
une sage-femme : la releveuse à An-nonay, la levandièira
aux Vans, la cantonièira à Burzet. Fréquem-ment,
c'était une grand-mère ou une simple voisine d'âge
mûr ayant quelque pratique. L'accouchement dans l'ancien
temps était une période hautement critique. L'expérience
des femmes, la pré-sence du mari avaient un effet tranquillisant
excellent auprès de la parturiente. Les méthodes
employées étaient cependant parfois dé-plorables.
Outre l'absence d'hygiène, il était ordinaire de
façonner le crâne du bébé au risque
de meurtrir le cerveau ou encore de couper le frein de la langue
avec les ongles. La sage-femme diplô-mée, connue
en ville au siècle dernier, n'est devenue familière
dans les milieux ruraux qu'après la guerre de 1914 lors
des créa-tions- de maternités dans les centres rapprochés.
On la nommait sage-femme jurée, comme le montre une enseigne
en bois au nom de Mme Aubert aux Vans. Les hommes n'étaient
pas présents à l'opération et si par hasard
un mari voulait rendre visite à son épouse, on lui
disait : " ... vos jitarem dins la tina ! "
Les premières sages-femmes ou matrones sont signalées
dans les villes au 13e siècle comme Toulouse. Elles sont
nombreuses fin 14e bien que souvent accusées de sorcellerie.
Elles sont contrôlées par l'Église et en cas
de nécessité elles doivent savoir ondoyer l'enfant
mort-né. Elles brûlent ou enterrent le placenta afin
d'éloigner le mauvais sort. Conséquence d'une pratique
pieuse, certaines femmes accouchent volontairement dans une étable
à l'imitation de Marie.
Le danger de l'accouchement était alors important et les
fem-mes au terme de leur grossesse devaient obligatoirement se
confes-ser. En cas d'évolution mortelle, en l'absence de
prêtre, elles pou-vaient se confier à un laïc,
même à une femme. Le curé pouvait après
le décès donner l'absolution à cause de la
foi au sacrement ainsi manifestée (conciles de Cahors et
Rodez, 14e siècle). Nous avons peu d'indications sur les
soins apportés par la matrone. On sait par un commentaire
du 16e siècle qu'elle frictionnait le ventre de la femme,
coupait le cordon de la longueur de quatre doigts et le nouait,
lavait l'enfant, le frottait avec du sel et du miel afin de le
sécher et de conforter ses membres. À noter l'importance
à cette époque du cordon, la vedilha. Il est gardé,
et plus tard les filles le donneront, séché, réduit
en poudre, à manger ou à boire à l'homme
qu'elles désirent séduire. Croyance confirmée
à Montaillou chez les cathares où le cordon est
non seulement un philtre d'amour mais aussi une aide pour gagner
les procès.
Au début de ce siècle, les moyens pour soutenir
ou aider l'accouchée restaient simples : bouillon de poule
(Tournon), fumi-gations de mélisse (Vocance, Vanosc), café
et huile de noix (Ar-cens), infusion de mélisse (Chanéac),
vapeurs de plantes aromati-ques, romarin, thym, exhalées
entre les jambes de la patiente pour activer les contractions
(Saint-Just), eau-de-vie pour soutenir les efforts (Tanargue).
À Salavas, on préconisait une tisane de peaux séchées
de serpent, également à Sablières en avalant
l'escòrça de sèrp dans du vin blanc. Selon
Mme Riou, de Brahic, ce bouillon de serpent décapité,
pelé et salé était donné après
la délivrance car il facilitait la venue du placenta. À
Saint-Agrève, on faisait rôtir sept noix sous la
cendre, on en tirait une boisson que la femme devait absorber.
À Lachamp-Raphaël, en cas d'hémorragie, on
se contentait d'attacher les membres tandis qu'à Ardoix,
vers 1925, pour faciliter le travail, on disposait sous le drap
une chemise d'homme très sale... Côté magie,
selon Vaschalde, certaines famil-les ardéchoises usaient
d'une pierre verte tachée noire et blanche dite "
clupé " que l'on plaçait sur le ventre de la
parturiente pour calmer la souffrance.
Encore au début du siècle, dans les fermes isolées,
on déclarait les naissances à la mairie avec beaucoup
de retard, facilement trois mois après. Autre point significatif
: sitôt accouchée, la femme ne reste guère
au lit, on n'a pas les moyens de se reposer, cela a au moins l'avantage
de lui éviter la phlébite !
NOURRIR ET HABILLER L'ENFANT
Mère et enfant bien vivants, c'est une bénédiction
du ciel ! À partir du 18e siècle, on assiste à
une prise de conscience, à une vo-lonté de lutter
contre la mort. Cette volonté peut aller jusqu'à
la préservation de la vie lors d'un accouchement désespéré.
Ainsi en 1786 les registres paroissiaux de Villefort mentionnent
une césa-rienne en ces termes : " Enfant ondoyé
par le chirurgien après avoir été tiré
vivant du corps de sa mère décédée
".
En ce temps-là, la mortalité infantile était
considérable, de l'ordre de 120 à 140 pour 1 000.
Un enfant sur quatre meurt dans la première année,
un enfant sur deux meurt avant d'avoir 20 ans. Il y a aussi une
surmortalité féminine entre 20 et 40 ans, beaucoup
de jeunes femmes décèdent en couches.
L'enfant qui vient de naître est lo fresquelet (Saint-Sauveur-de-Cruzières).
Le dernier est lo curanís (Les Vans, Villlefort), "
lo cocoiro " (Meyras), " lou cocoliou " (Saint-Cirgues-en-Montagne),
lo caganís (Bourg-Saint-Andéol), lo cagairòu
(Laurac), " lo raboso " (Saint-Martin-de-Valamas, Saint-Romain-de-Lerps).
Une fille, c'est lo bofa-fuòc ; le bâtard : l'enfant
de luna ; celui né d'une césarienne : " lo
nonnat ".
L'enfant restait très vulnérable bien que soumis
à une médecine pratique. En Ardèche, l'été
était la saison pendant laquelle la mor-talité infantile
était la plus forte. C'était l'époque où
les femmes étaient le plus occupées en dehors de
la maison, absorbées par les travaux des champs. La santé
des enfants allaités était ainsi mena-cée,
la vigilance relâchée. Comme l'on craignait de voir
le bébé conserver sa position de ftus et d'avoir
les jambes croches, on pratiquait un emmaillotage très
serré pour maintenir le corps allon-gé. La couche,
lo drapèl, était en toile de lin ou coton ; le lange
de drap ou de laine, pièce carrée de 80 cm environ,
la flaçada (" flossado ") (Chirols), la borrassa
(Laurac), lo lani (Roche-paule). Il constitue une sorte de sac
blanc ou brun n'ayant d'autres ouvertures qu'à la tête
et aux bras. L'ensemble se nomme la saia ou la dreiça.
Un vieux dicton déclare : Avant de portar la braia, fau
aver portar la saia. Couche et lange étaient maintenus
par des bandelettes blanches, brunes, parfois rouges. Quelquefois,
pour contrer le mauvais il, on plaçait les bandelettes
en croix. Aux jeunes bébés on ajuste le lange en
pointe sur le devant et noué der-rière afin de soutenir
la tête (Les Vans). Vers 1880, les enfants avaient encore
la saia à Malarce, Thines, Malons. Pour prémunir
le bébé des maladies ou malheurs, on achetait du
tissu bleu clair afin de confectionner une sorte de robe dite
du deuil de la sainte Vierge. Souvent ce vêtement de mérinos
bleu à cordelière blanche était remis par
la marraine, coutume maintenue jusque vers 1920. On le portait
un ou deux ans. Du même ordre d'idée, dans la vallée
du Chassezac, des enfants étaient " promis "
à Notre-Dame de Thines.
Il était reconnu comme important de faire tenir l'enfant
debout très vite et on n'appréciait pas à
ce qu'il marche à quatre pattes " comme un animal
". Ce procédé aujourd'hui condamné avait
ce-pendant l'avantage de défendre l'enfant contre les animaux
do-mestiques qui vivaient ordinairement avec les gens. Protection
aus-si contre les courants d'air, contre le feu de la cheminée.
Les jeunes circulaient dans des cadres en bois à roulettes,
la caminada, ou avec lo pargue, cercle de bois monté sur
quatre pieds tournants. L'enfant délivré du maillot
recevait sa première robe le jour de la Purification, le
jour de la Saint-Joseph ou encore le Jeudi Saint, d'où
l'expression " li donarem lei pès ".
Le berceau, lo brèç, était fabriqué
par le menuisier du village. On y fixait un arquet en châtaignier
courbé, parfois orné d'une croix pour soutenir une
mousseline garantissant l'enfant du froid et des mouches (canton
des Vans, Tanargue). Ce berceau était posé sur un
support stable ou oscillant dit branlaire (" bronlaïré
") (Chi-rols), breçòla (Laurac). Il était
garni d'une paillasse remplie de paille de seigle ou de feuilles
de noyer et recouvert d'une petite couverture piquée, la
baneta. Vers La Figère, Sainte-Marguerite, on trouvait
des brèçs appareillés avec une corde passée
sur une poulie fixée au mur que le père pouvait
tirer de son lit. Sur le plateau ar-déchois, le berceau
était en frêne, lo branlet (Usclades), lo crusèl
(Marcols). À Saint-Martin-de-Valamas, il était doté
de quatre pieds ; à Rochepaule, la branlièira ressemblait
à une sorte de ha-mac muni de deux piquets, l'un au pied,
l'autre à la tête, avec cro-chet de suspension.
L'enfant, sauf exception, était nourri au sein de la mère
jusqu'à l'âge de deux ans. En conséquence,
on rencontrait à nouveau des prescriptions pour que le
lait soit bon et abondant. Ainsi la mère ne devait pas
manger de salade sinon son rejeton sera méchant (Beaumont).
Pas de fraises sauvages (Aubenas) ni céleri (Saint-Barthélémy-le-Meil)
ni blette (Gluiras) qui coupent le lait. La mère devait
cacher son sein par décence mais aussi en raison d'un dan-ger
si le mauvais il la regarde. Pour faire monter le lait,
certaines accrochaient à leur cou une pierre genre agate
dite lo pater de lach (Tanargue). Autre interdit : ne pas manger
de persil (Privas), éviter l'infusion de mélisse
(Saint-Agrève). Prendre régulièrement des
bouillons de poule assaisonnés de thym et de vin sucré
(Boutières). En cas de maladie des seins, il fallait prier
sainte Agathe. Vers Burzet, il existait un tetaire au hameau de
Lavalette. Il avait le don de faire venir le lait. Comme il était
âgé et pénitent, les maris ne trouvaient rien
à redire. Il faisait de même pour les chèvres...
Autre remède à Sainte-Eulalie où une fontaine
donnait le lait aux nourri-ces. Ces dernières s'employaient
à éviter le " perel " (retrait du lait
causé par le mauvais il), pour cela elles portaient
au cou une pierre percée, la garda. Outre le régime
lacté, dès l'âge de un an, la nourriture pouvait
être complétée avec des châtaignes sèches.
L'OBLIGATOIRE ET L'INTERDIT
Les tâches liées à la santé et à
l'éducation des très jeunes en-fants sont destinées
à la femme par nature. Elles sont le prolonge-ment de sa
maternité et de sa féminité. C'est toujours
à la femme que sont dévolus les soins aux enfants
en bas âge, la mère étant remplacée
parfois par une grand-mère, une fille aînée,
une ser-vante. L'ensemble de ces thérapeutiques est appuyé
par l'expérience et les conseils de la communauté
féminine. La forte mortalité explique peut-être
les actes médico-religieux de préven-tion et de
traitement. L'essentiel des médecines empiriques se pra-tique
dans le cadre familial mère/grand-mère. Les maux
sont dia-gnostiqués avec en correspondance un catalogue
de remèdes transmis de génération en génération.
Lorsque l'élevage fait peu à peu place à
l'éducation, le père intervient graduellement emmenant
les fils avec lui pour l'initiation au travail des champs et à
la sur-veillance des troupeaux. La fille reste avec la mère
afin de se conformer au modèle féminin traditionnel
par imitation.
On redoutait surtout les jambes torses, les convulsions, les cris,
les pleurs. La percée des dents, origine de nuits blanches,
était mal acceptée. Autre calamité appréhendée
: les vers jugés responsables de la méningite. Les
parents éplorés accordaient une grande confiance
à Dieu et à ses saints d'où un nombre considérable
de dévotions et de petits pèlerinages dont quelques-uns
ont perduré jusqu'en 1940. Les procédés de
soins faisaient appel au symbo-lisme comme par exemple l'importance
du nom du saint attaché à une propre thérapie.
La prière n'était pas toujours primordiale, s'y
ajoutaient les attouchements, les ablutions, les déambulations
au-tour d'une pierre ou d'un autel, etc.
LES SAINTS MEDECINS ET PROTECTEURS
L'inquiétude la plus constante était le problème
des enfants longs à marcher, infirmes, plus ou moins estropiés,
ce que l'on nommait les enfants noués.
À Lavilledieu, les enfants en difficulté allaient
faire quelques pas sur l'autel de Saint-Joseph le 19 mars à
l'église.
À l'église de Joannas, on priait à la chapelle
Saint-Eutrope dite Sent Estròpi chaque 30 avril avec offrande
de blé ou d'argent.
À Labastide de Virac, on amenait à la chapelle Saint-Romain
maintenant ruinée les bambins ayant du mal à marcher.
À l'église de Ailhon, petit pèlerinage à
la chapelle Saint-Médard invoqué par ceux ne pouvant
se déplacer.
À Notre-Dame de Chalon, commune de Bourg-Saint-Andéol,
on engageait des promesses en faveurs des noués.
À l'ancienne chapelle des Carmes de Tournon, à l'autel
de Saint-Eutrope, on venait avec les 'stropiats (estropiats).
Toujours à Tournon, on faisait marcher les marmots sur
la tombe de saint Julien.
Saint Maurice était l'un des grands guérisseurs.
On l'invoquait à Mazan, à Saint-Maurice d'Ardèche
le 22 septembre avec pèleri-nage pour les petits infirmes
et six jours étaient consacrés à des dé-votions.
Pratique semblable à l'église de Saint-Maurice-d'Ibie.
À Loubaresse, on amenait les enfants aux jambes arquées
dans des cor-beilles à dos de mulets. Cette activité
s'est maintenue jusqu'en 1910.
La fontaine de Prat Perrier près de N.-D. d'Ay guérissait
les petits impotents. C'était le rappel d'une légende
avec les trois bel-les dames N.-D. du Puy, N.-D. de Fourvières
et leur cousine N.-D. d'Ay qui se retrouvent chaque 8 septembre
pour s'y rafraîchir. À l'origine, ces trois dames
devaient concerner quelques fées ou nymphes.
On faisait appel aussi à de saintes personnalités
religieuses de-venues saintes par la rumeur populaire. Ainsi on
se rendait au tom-beau du père Rouville à Privas.
Le curé Vidal de Préaux au 18e siè-cle, devenu
saint Vidal, a sa croix près de Chanalosc, commune de Préaux.
C'était un lieu de rassemblement pour les enfants noués.
Démarche identique auprès du tombeau de saint Vigne,
prêtre fon-dateur de l'ordre des surs de Saint-Sacrement
à Boucieu-le-Roi.
· Des personnes de Vanosc et de Vinizieux amenaient les
petits malades à Vienne auprès d'une fontaine. On
y trempait leurs che-mises qu'ils devaient remettre mouillées.
· Autre lieu privilégié, la Pierre de Saint-Maurice
située dans les bois de la Griesseyre, commune de Saint-Arcons-de-Barge,
canton de Pradelles. C'est un bloc de granit déposé
selon la légende par le saint. Dans une cavité de
ce rocher, on plaçait les petits infirmes ayant un pied
ou un bras contrefait. Après les prières, on laissait
une offrande que le premier passant, souvent berger du voisinage,
devait prendre après avoir prié à son tour.
On gravait également une croix sur les pins à proximité.
· Dans l'église de Lachamp-Raphaël, il y avait
une dalle noire, genre lauze, sous le marchepied de la table de
communion (main-tenant disparue). On l'attribuait à saint
Julien. on y exposait les enfants aux jambes faibles tandis que
le prêtre lisait l'évangile. S'il y urinait c'était
bon signe, la guérison était proche. Cette pierre
était peut-être un vestige païen supprimé
par un curé qui considé-rait cette pratique comme
superstitieuse.
· À Mercuer, dans un petit oratoire coule la fontaine
de Saint-Loup, probablement ancienne fontaine sacrée romaine.
Elle avait la réputation de rendre l'usage des jambes aux
gamins incapables de marcher. On baignait les petits patients.
Une banquette et une cuvette subsistent. Il y avait dépôt
de bonnets en ex-voto. L'usage s'est perdu vers les années
1950. Cette source dite de Sainte-Reine avait encore des visiteurs
en 1948. Au-dessus se trouve une statue récente de saint
Nicolas.
· À Saint-Maurice-d'Ibie, la fontaine de Barbus
avait le même pouvoir.
L'autre grand tracas concernait les pleureurs, les grognons, au-trement
dits les renaires ou iretges. Cette crainte pose problème.
Nous pensons que pour les gens de la campagne habitués
à une vie dure et sans concession, pleurer sans cesse était
une anomalie ca-chant un mal obscur dont il fallait se délivrer.
· À Burzet, à l'église le jour de
la Saint-Jean-Baptiste, on lisait les évangiles aux enfants
grognons. Habitude pareille à Rochepaule.
· Un pèlerinage s'est longtemps déroulé
à la chapelle Saint-Julien au rocher de Soutron, commune
d'Arcens, le dernier jeudi de juin ou le 1er jeudi de juillet.
Un notable allait chercher le curé d'Arcens et tenait la
bride de son cheval. Après l'office les enfants défilaient
autour d'un trou ayant servi de foyer à saint Julien et
ceux retardés ou pleurards mis dans ledit trou.
· Saint Julien est encore imploré à la chapelle
romane de la Renne à Trignan, commune de Saint-Marcel-d'Ardèche.
À la gauche du portail de l'édifice existe une cavité
creusée dans la pierre à 1 mè-tre du sol,
de 17 cm de diamètre sur 7 cm de profondeur, c'est le creux
de Saint-Julien. Le 28 août, les renaires y venaient. Après
la messe, on approchait chaque " malade " du creux en
lui adminis-trant une bonne fessée... Il fallait en effet
que l'enfant pleure à ce moment-là pour qu'il cesse
de le faire ensuite ; puis on lui rentrait la tête dans
le trou salvateur...
· Chaque 13 septembre, les petits larmoyants étaient
conduits à N.-D. de Thines. Pèlerinage abandonné
sous la Révolution, repris fin 19e siècle.
· Dans un but identique on se rassemblait le 1er mai à
la chapelle Saint-Jacques et Saint-Philippe-aux-Baumes, commune
de Saint-Jean-Chazorne (Lozère).
· Les iretges étaient emmenés à la
chapelle Saint-Eugène, com-mune de Chassagnes. Chapelle
datant de 1652 fondée par Izard de Montjeu et habitée
par divers ermites. Pèlerinage le 15 novembre.
· On donnait à boire l'eau de la font de la Rena
à tous ceux ayant eu la grogne. Cette source est située
à côté d'une chapelle Saint-Just, commune
d'Arlebosc. Dans ce petit sanctuaire se trouve le tableau du saint
évêque protégeant deux enfants émergeant
d'une cuve. La légende locale dit que saint Just aurait
sauvé à cet endroit deux enfants prêts à
être sacrifiés par les païens. Le lundi de Pente-côte
on y célèbre une messe.
· Autre pèlerinage, celui à Saint-Gineis-en-Coiron
auprès d'une vierge à l'enfant en merisier de style
naïf réalisée par un berger. Cette statue a
d'abord été placée dans la chapelle des Balmes
de Montbrun. Elle est connue sous le nom de Sainte-Raine. L'origine
de cette croyance est inconnue, mais on lui fait confiance depuis
longtemps. On allumait un cierge et on ouvrait le médaillon
en forme de cur que cette vierge porte au cou, on dépliait
le papier qu'il renferme et on ajoutait un nom à une longue
liste de garne-ments récalcitrants. Le dernier rassemblement
date du 23 mai 1943. Dans le médaillon, la liste comporte
une soixantaine de noms.
· À Chauzon il y a une autre statue attribuée
à sainte Raine. Il s'agit d'un personnage monté
sur un âne. Le renaire devait em-brasser cette sculpture.
· À Pradelles, également une font de Sainte-Reine
fréquentée par les gens de Coucouron.
· En Empurany au lieu dit Haute Mandonne se situe un rocher
ayant une excavation avec rainure et un triple bassin, le cros
de la Raine, on y plongeait la tête des bébés
pleureurs.
· À Largentière, au col de Sainte-Foy, il
y a le Trou de Sainte-Raine. On y trouvait autrefois des petits
bonnets en ex-voto.
D'autres cérémonies concernaient un mal dont la
définition reste vague : convulsions, frayeurs, faiblesse,
nervosité.
· Tel ce pèlerinage contre la peur à la chapelle
de Saint-Jean Porte Latine à Montségur-sur-Lauzon
(Vaucluse), le 7 mai, suivi par des croyants de Saint-Marcel-d'Ardèche
et Saint-Just. Le nom popu-laire est Sent Joan porta la tina (Saint
Jean qui porte la cuve). En-core en vigueur, la procession est
animée par des tambours, banniè-res, jeunes filles
voilées de tulle portant la vierge entourée de fleurs,
" aiguillados " blanches et roses, puis statue du saint
dans sa bassine d'huile bouillante. Pour vaincre la peur, les
mamans avec leurs bambins passent et repassent sous le dais supportant
le saint.
· Le 5 août, on accourait de toute la Basse-Ardèche
à la chapelle de Saint-Venance près de Soyons pour
la guérison des enfants ner-veux, et ceci jusque vers 1920.
· Le 24 juin à la chapelle Saint-Jean-Baptiste à
Ardoix, pèlerinage pour les chétifs ou craintifs.
Le curé, après lecture de l'évangile, fait
défiler les enfants sous la très ancienne statue.
On laissait en remerciement des toisons d'agneaux, parfois des
agnelets.
· La fonction est identique pour la fontaine Saint-Roch
dite font bénite au cimetière de Saint-Alban-d'Ay.
On y trempait les vêtements.
· À l'église de Comps on priait jadis un
saint de circonstance, saint Souffre dont l'ancêtre doit
être saint Chaffre. C'était bien évidem-ment
pour les souffreteux.
· À Saint-André-Lachamp le pèlerinage
du 30 novembre en l'honneur de saint André était
certainement parmi les plus pittores-ques. Les grandes personnes
s'y rendaient pour les estorrís mais aussi les jeunes malingres
ou anémiques. Après lecture des orai-sons, on déposait
une poule blanche tenue par une fillette et un coq blanc porté
par un garçon pour le compte du curé. La présence
des volailles était obligatoire et pour les pauvres le
prêtre leur faisait un prêt. La cérémonie
se terminait en embrassant la statue du saint.
· C'est aussi pour les enfants déficients que se
déroulait le pèleri-nage à la bonne font
de Saint-Martin, à Peyraud. Pratiqué durant le mois
de mai, il s'est maintenu jusque vers 1935 et depuis l'eau semble
tarie. Cette eau très calcaire était favorable pour
les mala-dies osseuses. On y laissait en ex-voto langes et sous-vêtements.
Une légende est attachée à cette source :
Saint Martin allant à Rome passe par Peyraud et brusquement
son cheval fait une chute. À cet endroit la fontaine jaillit.
· La fontaine Notre-Dame à Thines, qui coule près
de l'église, pos-sède un caractère sacré
et guérit les convulsions.
D'autres lieux de culte sont spécialisés pour diverses
autres maladies infantiles : eczéma, croup, coliques, incontinence.
· La source Saint-Roch à Mercuer était réputée
pour guérir la rage et la font salada de Beaumont pour
guérir le mal au ventre.
· À Meyras, une fontaine passait pour préserver
de l'eczéma la peau des jeunes enfants. Les mères
y venaient faire leurs lessives.
· À Davézieux, on vénérait
les reliques de sainte Marguerite dans l'espoir de se rétablir
du croup. À cet effet, on oignait le cou des petits malades
avec l'huile de la lampe du Saint-Sacrement.
· Au début du 19e siècle, on se rendait dans
une petite grotte près de Saint-Pierre-la-Roche qui avait
servi de refuge à une fille en-ceinte chassée par
ses parents. Baptisée sainte Calixte par la lé-gende
populaire, on l'implorait pour les coliques et l'incontinence.
Culte interdit par l'Église en 1845.
· À la fontaine de Saint-Martin-de-Galezas, près
de Saint-Sylvestre, on menait les jeunes atteints de gourmes.
· À Usclades, le 3 février, fête de
la Saint-Blaise, on venait à l'église pour les enfants
scrofuleux ou boutonneux. C'est aussi contre les maladies de la
peau qu'il y avait réunion le lundi de Pâ-ques à
la chapelle Saint-Saturnin à Boisson (Gard). On lavait
les plaies avec l'eau d'une citerne voisine. On laissait un chausson
ou un bavoir. Même opération à la source de
Sainte-Folie au quartier d'Aunas, à Alba, jusque vers 1925,
car elle a ensuite disparue lors de l'exploitation des basaltes.
· Avant 1914, des personnes de Saint-Laurent-les-Bains
allaient prier saint Justin à Langogne pour soulager les
enfants teigneux, tandis que celles de la Basse-Ardèche
fréquentaient la vierge de Roussigne, au nom révélateur,
à Carsan dans le Gard.
· À signaler aussi un petit pèlerinage classique
à la chapelle des pénitents bleus de Chassiers pour
prier saint Benoît afin de contrer le " mal de Saint-Benoît
", désignation régionale des croûtes
de lait. Comme d'habitude, le curé lisait l'évangile
de Saint-Jean, puis l'enfant passait sous une petite voûte
située sous l'autel de pierre.
· À Lalevade, les nourrissons faisant pipi au lit
étaient promis au calvaire de Prades.
· Pour tous les enfants malades, beaucoup de familles
des Cruziè-res et d'Orgnac rejoignaient le 2 septembre
la chapelle de Saint-Marcel à Saint-Geniés-de-Malgoirès
(Gard).
Nous terminerons avec une pratique originale pour une " maladie
" surprenante, celle des enfants trop gloutons. Le remède
se situait à l'église de Sainte-Eulalie, plus précisément
sur sa fa-çade. On y voit encastré un bloc de lave
taillé représentant la gueule d'un loup. Suivant
P. Besson, après bénédiction, les enfants
étaient groupés sous cette gargouille. Le clocheron
montait sur une échelle, versait un peu d'eau qui coulait
par la gueule ouverte. Cette eau était reçue sur
la tête des petits voraces...
Cette énumération est longue, un peu lassante, mais
certaine-ment pas exhaustive, tant ces " voyages " sont
recherchés. Nous avons vu que l'enfant doit souvent y participer
ce qui, pour certai-nes affections, avait des chances d'aggraver
son état.
Il y avait toutefois des " arrangements ". Sous certaines
condi-tions, le malade pouvait se faire remplacer par une vieille
femme ou un mendiant contre une aumône. Il faut comprendre
qu'autrefois le médecin coûtait très cher
(10 francs minimum pour une consultation fin 19e) et que ses connaissances
étaient limitées. La confiance se tournait vers
le ciel en y ajoutant beaucoup de su-perstitions que l'Église
s'emploiera à combattre.
LA PREVENTION DU MAL
La prévention du mal existe dans l'ancienne société
même si elle est très différente, voire contraire
à celle actuelle. Elle se si-gnale par un apprentissage
gestuel et corporel. Une efficacité sym-bolique supplante
une thérapeutique quasi nulle. C'est ainsi que le façonnage
du corps par le maillot donne à l'enfant une rigidité
voulue afin d'éviter les déformations. On néglige
l'origine des pleurs, mais on s'inquiète de ses conséquences,
essentiellement les convulsions. Plus tard, on va cultiver l'endurance
par de longues stations debout, puis l'apprentissage de la parole
avec des échanges entre mère et enfant par les formulettes,
autrement dit découverte de l'élocution, du souffle,
du mouvement des mains.
Voici quelques règles générales observées
:
· Il ne faut pas couper les cheveux à un bébé
sinon il deviendra muet (Saint-Paul-le-Jeune) ou bien voleur (Arcens).
La première fois, la mère doit couper les ongles
de son enfant avec ses dents et non avec des ciseaux sinon il
sera voleur (Aube-nas). En fait, il faut laisser les ongles se
casser. À Arcens, on ne coupait pas les ongles avant un
an et un jour.
· Il ne faut pas enjamber un enfant sinon il ne grandira
plus, mais si on l'enjambe à rebours, il grandira encore
(Les Vans).
· Il ne faut pas montrer à un jeune enfant son image
dans un miroir car cela porte malheur, il faut au moins attendre
le baptême (Les Vans).
· Si un bébé se regarde dans une glace, cela
lui donnera des vers (Rosières).
· Il ne faut pas toucher aux croûtes sur la tête,
sinon le bébé de-viendra idiot (Les Vans, Gravières).
· Il faut laisser la tereta (Laurac), la " crapodura
" (Rochepaule), la " morina " (Saint-Martin-de-Valamas).
Si un nourrisson est précoce pour ses dents, c'est le présage
d'une prochaine naissance. On dit : " Quau denteja lo bate-ja
" (Chambonas). Mais il risque des ennuis si les dents commen-cent
à la mâchoire supérieure (Saint-Montan, Arcens).
Les dents de lait, les ratons, sont mises dans un trou à
rats afin que les nouvelles dents soient solides comme celles
des rats (Saint-Paul-le-Jeune).
Le corail et les dents de loup ont la réputation de faciliter
la ve-nue des dents. On place autour du cou des bébés
un petit collier de perles d'os de forme allongée.
Il faut redoubler de prudence pour les enfants nés en mai.
D'une façon générale il faut se méfier
des animaux : le chien donne des vers, le chat couché sur
l'enfant l'étouffe.
On considère qu'il n'est pas bon de trop embrasser les
bébés, cela les empêche de profiter.
Pour protéger des bosses les enfants apprenant à
marcher, on leur mettait une coiffure en osier fin rembourrée
à l'intérieur, lo para-banas ou banardon.
LES VISITES
À Aubignas, en 1306, il y avait obligation de visiter la
Dame d'Aps lorsqu'elle était en couches pour lui offrir
des pains ou autre chose.
Les femmes du voisinage se doivent de rendre visite à l'accou-chée.
À Villeneuve-de-Berg, elles venaient offrir la bresca daurada,
sorte de gâteau fait avec de larges tranches de pain blanc
dans une pâte d'ufs, lait, et sucre, cuites ensemble
à la poêle. Vers Bourg-Saint-Andéol, on donnait
un petit panier contenant une miche, un uf, symbole de fécondité
et du sel, symbole de longé-vité. Vers le Teil,
les femmes mariées, surtout celles enceintes, ap-portaient
un pain blanc de deux livres ou bien du sucre. À Louba-resse,
toutes les femmes faisaient visite avec un petit cadeau : pain,
lard, une tasse de café, une aiga bolida. On disait à
Saint-Montan qu'il faut toujours offrir un cadeau à une
jeune mère, cela porte bonheur. En Boutières, on
présentait une boîte de sucre, du choco-lat, des
petits beurres, des pastilles au miel, une fiole d'eau de coing.
Pour la naissance d'un premier garçon, à Chalencon,
on invitait les amis à boire et ceux-ci en guise de remerciement
lançaient des pétards. Également autour de
Saint-Agrève, les voisins, pour la ve-nue d'un garçon,
tiraient des coups de fusil près de la maison en signe
de joie et de félicitation. Là aussi tournées
à boire de rigueur. La coutume des coups de feu pour la
naissance d'un mâle semble avoir été générale
dans le Haut-Vivarais. À noter une information donnée
par le journal la Croix de l'Ardèche sans localisation
: à la naissance, on fabriquait un petit meuble ou un mortier
à sel, una salièra, avec son pestèl portant
gravés le prénom et la date.
LA CONTRACEPTION
Au Moyen Âge, la contraception n'existe pratiquement pas.
Elle est très limitée dans les classes dirigeantes.
L'Église impose certai-nes périodes d'abstinence
: 20 jours avant Noël, le dimanche, les jours de fête,
la période des règles. Toutefois on connaît
les herbes favorisant les menstrues comme la ruda, la tisane de
persil, la bé-toine, le sénéçon, la
fumée de galbanum, la fougère. La sabine, va-riété
de genévrier, est reconnue comme une herbe aux propriétés
abortives, l'armoise ou arsenisa également. La centaurée,
qui " fait sortir du ventre l'enfant mort ". Il existe
en secret des procédés plus ou moins magiques (voir
le curé Clergue de Montaillou). La femme qui s'avorte passe
devant le tribunal, mais l'affaire peut s'étouffer moyennant
un versement d'argent pour " accomodat ", somme importante
de l'ordre de 200 florins à Avignon, au 15e siè-cle.
Le crime était plus dans le fait de tuer l'enfant sans
baptême que l'acte par lui-même. À la fin de
l'Ancien Régime, le Langue-doc en général,
le Vivarais en particulier, apparaissent comme des provinces très
prolifiques. Les " funestes secrets " quelque peu ré-pandus
déjà dans certaines régions de France ne
sont pratiqués qu'à un degré infime dans
le Midi languedocien. Pour saisir les choses, il faut rappeler
que c'est à Caen, en 1782, que le père Fé-line
publie le Catéchisme des gens mariés dénonçant
avec fureur le crime de l'infâme Onan, fils de Judas, qui
refuse d'avoir un enfant de sa femme. Les pratiques contraceptives
du 17e siècle ne sont expérimentées que par
des groupes d'avant-garde : haute société, couples
adultérins, prostituées. Les couples mariés,
dans leur im-mense majorité, ne pratique aucun planning
familial. Les épouses fécondes portent régulièrement
un enfant tous les deux ans, soit une moyenne de huit par famille,
natalité corrigée tragiquement par une mortalité
dévorante. À la fin du 17e siècle la situation
évolue très lentement, du moins dans les classes
dominantes et nous voyons ainsi Mme de Sévigné sermonner
sa fille et lui indiquer des " restringeants ". Cette
persistance nataliste semble correspondre à des faits sociologiques
bien précis. D'abord à la situation diminuée
des femmes, l'analphabétisme féminin en Languedoc,
au 18e siè-cle, atteint des taux énormes. Par ailleurs,
la femme languedo-cienne est vouée sans contestation majeure
de sa part au métier de faire des enfants. La position
commence à changer avec la Révolu-tion et l'Empire.
Les " funestes secrets " pénètrent assez
large-ment, probablement en raison de la conscription et des brassages
d'idées et de murs dus à vingt ans de guerre
aux quatre coins de l'Europe. En 1830, il y a un renversement
puisque le taux de nata-lité dans le Languedoc devient
inférieur à la moyenne nationale.
Sur la question des règles, les femmes doivent se conformer
à un certain nombre d'interdictions et de dispositions.
Ainsi elles ne doivent pas prendre de bains durant cette période
(Lussas, Domp-nac), elles doivent même éviter de
se mouiller les pieds (Saint-Jean-le-Centenier). L'interdiction
va jusqu'à ne pas changer de linge (Laurac). Lorsque la
femme a " ses fleurs " elle ne doit pas faire la lessive
(Dompnac), ne pas se peigner, ni toucher certaines plantes (Lamastre).
On doit enterrer le sang pour que personne ne puisse le voir (Dunières).
Il ne faut pas entrer dans les caves, dans les magnaneries, ni
venir à la tuada (" tuado ") du porc. La femme
est considérée comme impure et comme en dehors de
la société. On a honte de la salissure du sang menstruel
et avoir ses règles en pleine lune porte malheur (Brahic).
Pour clore cet aspect bien négatif, il faut toutefois ajouter
que sous l'Ancien Régime une fille-mère devait faire
une déclaration de sa grossesse devant un juge. Une action
était menée contre le père dénoncé
en vue d'une transaction. La bourgeoisie du 19e n'a pas maintenu
cette disposition.
LE BAPTEME
UN NOUVEAU PETIT CHRETIEN
Dans la société traditionnelle, le baptême
est obligatoire. Seul il peut effacer le péché originel.
C'est un acte d'exorcisme par l'eau et le sel purificateur suivi
d'une agrégation dans la société chré-tienne.
Le baptême de jadis peut se décomposer ainsi :
· Introduction à l'église avec station à
la porte.
· Prières.
· Insalivation.
· Dénudation.
· Renonciation au démon.
· Vu.
.........
.....
TABLE DES MATIERES
Avertissement 7
Le temps de naître et d'aimer 11
Lorsque l'enfant paraît 13
Le baptême 36
Les étapes de la jeunesse 49
La société enfantine 70
Le mariage 102
Le temps de rire et de prier 151
Le calendrier des fêtes 153
Carême et carnaval 167
Les rameaux 185
La semaine sainte 190
Le mois de mai 200
La Saint-Jean 214
La Fête-Dieu 223
L'Assomption 225
La Toussaint 225
Rites de protection agricole et pastorale 226
Comment se distraire 237
Le temps du Merveilleux 263
La découverte du ciel 265
La nature magique 272
La sorcellerie 277
Le diable et son cortège 279
Les jeteurs de sorts, le mauvais il 284
La conjuration du mal 286
Les fées 289
La trèva 293
Les lutins 295
Les animaux diaboliques 298
Les croque-mitaines 299
Le chasseur de la nuit 302
Les géants 303
Le langage des pierres 306
Les trésors 311
Le temps de souffrir et de mourir 315
Maladies et médecins 317
Plantes et talismans 320
Rhabilleurs et rebouteux 328
Saints guérisseurs et eaux sacrées 332
Les eaux sacrées 341
La fin de la vie 344
Conclusion 367
Bibliographie 373
Tables 379
TABLE DES ILLUSTRATIONS
Enfant au maillot 17
Le " creux de St Julien " à Trignan, commune
de St-Marcel-d'Ardèche 31
Le loup de l'église de Ste Eulalie 37
Statue de Notre-Dame de Délivrance à l'église
de Naves 43
St Just protecteur des enfants à l'église d'Arlebosc
51
Fontaine de St Martin de Galezas 59
Acte de remplacement en 1813. Période de haut risque d'où
le prix considérable de 4 600 F. 67
L'offre de " la chichole " aux jeunes mariés
77
L'arc de triomphe dressé devant la maison de la mariée
87
Conscrits de 1927 à Lamastre 92
Les enchères pour la jarretière de la mariée
95
Les mariés devant le " fogau " 105
Le charivari 115
Le gâteau du Père Janvier 123
Les " Brassadous " des Rameaux 133
Le carnaval de Joyeuse. L'exécution de Pierre. 143
Charivari au Moyen Âge 145
Le carnaval de Joyeuse. Le jugement 155
Le carnaval de Joyeuse. Les " quèlis " 165
Le Christ du Vendredi Saint à Burzet 175
Véronique du Vendredi Saint à Burzet 181
Le Buf pascal 191
La crécelle du Jeudi-Saint 199
Les " raspans " du dimanche des Rameaux 209
Le chant des " maïaires " 221
Les feux de la St Jean 231
Statue de St Nicolas à St-Martin-d'Ardèche 241
Bannière de la confrérie de St Vincent de Bourg-St-Andéol
251
Les " fachilhièras " 261
Le pied de Notre-Dame à Naves 275
Facture du chirurgien Paradis en 1792 à Bourg-St-Andéol
287
Frais d'enterrement de Me de Bonot en 1792 à Bourg-St-Andéol
pour l'église et le prêtre, le marguillier, la femme
qui ensevelit, le creusement de la tombe, la loca-tion des manteaux
de deuil, le linceul. En bas : frais de cierges pour M. de Villevrain
301
Mayres, " lou Ron Trooutcha " 323
La chichole pour les jeunes mariés 335
Sainte Véronique, à Burzet 355
Les " raspans " des Rameaux 371
Bulletin de commande
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commande de ........................... exemplaires de FOLKLORE
ARDECHE de Pierre Charrié
au prix de 30 euros franco pièce jusqu'au 20 novembre 2019
sinon 25 + 8 euros=33 euros après le 20 novembre 2019
Soit un chèque de .......... euros, à l'ordre des
EDITIONS DE LA BOUQUINERIE,
encaissé à l'expédition.
Commande à adresser à : EDITIONS DE LA BOUQUINERIE..,
77 av. des Baumes, 26 000 VALENCE