la mémoire du temps CALENDRIERS ET FETES RELIGIEUSES OU PAÏENNES QUI RYTHMAIENT LA VIE DE NOS ANCETRES EN ARDECHE, DROME & AUTRES REGIONS CIRCUMVOISINES C'est un voyage que nous propose l'auteur de cet ouvrage, un voyage vers nos racines et notre passé, afin de découvrir l'ensemble des fêtes et traditions qui émaillaient les jours de nos anciens. Vous découvrirez, par exemple, au fil de votre lecture, l'importance que pouvait prendre la fête de la Saint Jean ou encore celle de Carnaval dans nos deux départements, mais aussi dans les territoires qui leur sont limitrophes. Un vaste calendrier, païen, traditionnel mais aussi sacré se dessinera au fil des pages. Vous en saurez plus sur ces sociétés anciennes qui nous sont pourtant extrêmement proches. Nous lèverons le voile sur cet aspect méconnu de ces femmes et hommes du passé qui ont pourtant forgé fièrement l'histoire de nos pays. Car connaître son histoire, n'est-ce pas aussi se connaître soi-même ? " AUX SOURCES DU SAVOIR POPULAIRE ", RENE SAINT-ALBAN |
Préface
Il est des livres qui comptent double ! Comment est-ce possible
? Tout simplement parce ce que ce ne sont pas des non-livres,
des livres aux belles images sur papier glacé mais des
pages sur notre vie, tout simplement, à travers des mots
qui pèsent. Des mots qui comptent pour notre cerveau mais
aussi qui parlent à notre cur car ces lignes sont
tout simplement le reflet de notre ADN, la " mémoire
de notre temps " comme le dit si bien l'auteur.
Yohann respire si bien son " petit pays " qu'il en a
écrit de nombreuses pages depuis une décennie en
de nombreux livres qui reflètent tant l'amour qu'il porte
à " son " Ardèche et à sa voisine
la Drôme. Au fil d'une uvre déjà conséquente,
mal-gré son jeune âge, il a su tresser le fil de
cette belle histoire qui tisse nos chromo-somes. Nous ne sommes
pas de nulle part, nous humains, nous ne sommes pas de partout
et de rien, nous ne sommes pas pareils, identiques, nous sommes
tous uniques mais descendons de quelque part. Et c'est à
cet amour de notre petit coin de terre que l'auteur veut nous
ramener à chaque ligne de son propos.
Passéisme me direz-vous ? Pas du tout. N'est-ce pas en
se connaissant soit même qu'on peut avancer comme le disait
le grand Socrate ? N'est pas le but de chacune de nos vies que
d'essayer de se connaître ? Ce qui nous permettrait aussi
de mieux vivre avec nos frères et surs humains qui
eux aussi viennent de quelque part.
À l'heure du grand boulgui-boulga total où on essaie
de nous faire croire que rien est tout et inversement, il est
heureux de trouver sur son chemin, un humain qui nous dise : "
regarde bien d'où tu viens, tu sauras mieux où tu
vas ".
C'est ainsi que notre auteur, veut encore et toujours, inlassablement,
tisser la trame de notre avenir en nous mettant sous les yeux
le filigrane de notre passé. Qu'il en soit remercié,
lui qui a ce goût de la didactique chevillé au corps.
Premier jour du 2e confinement,
le 30 octobre 2020
René Saint-Alban
Propos liminaires
Mon cur est ardéchois et rien ne pourra le faire
changer. Chaque fibre de mon être, chaque goutte de mon
sang, respire les hauts plateaux balayés par la burle,
les champs d'abricotiers de la plaine, la brume du mont Mézenc,
tout en moi n'est qu'Ardèche. J'aime rendre hommage, non
pas à mon dépar-tement, le terme n'est pas assez
fort, mais à mon petit pays, à ce petit bout de
terre entouré de ce territoire que l'on nomme la France,
qu'on l'ait nommé Helvie, Vivarais ou encore Source de
la Loire. L'Ardèche est l'une de mes raisons de vivre et
d'exister.
Fier de mes racines, fier d'appartenir à ce rude pays où
la valeur des choses n'est pas une vaine idée, je ne cesse
de vouloir rendre hommage à celles et à ceux qui
le peuplent mais qui, surtout, l'ont peuplé. Car un territoire
qui se tourne résolument vers l'avenir, ne peut que se
pencher vers son passé et en tirer une vraie fierté.
Assumer son passé : ce sont les femmes et les hommes d'hier
qui font, entre autres choses, que je me sens si fier d'appartenir
à cette ardéchoise patrie que j'aime chanter et
célébrer. C'est cet amour pour cette histoire, qu'elle
porte un grand H ou non, qui me pousse depuis plus de dix ans
maintenant à noircir des pages entières, cherchant
à rendre hommage à ce pays qui m'a tant donné,
et qui continue, jour après jour, à m'apporter joie
et satisfaction. Une nouvelle fois l'appel de l'Ardèche
est le plus fort. Cela faisait beaucoup trop longtemps que je
ne m'étais pas décidé à revenir devant
l'écran de mon ordinateur. C'est maintenant chose faite
: voyons dans quelle direc-tion cet étrange projet va me
mener.
Une gentille rivalité unit l'Ardèche et sa voisine
la Drôme, rivalité parfaitement explicable, mais
qui est, à mon sens, unique en France. Être Ardéchois
est une identité que le Drômois, à mes yeux,
peut difficilement reven-di-quer. J'entends déjà
les cris de mes amis nés du mauvais côté du
Rhône
Mais je persiste à penser qu'il est difficile
de se revendiquer drômois alors que l'ardé-chois
assumera sans complexe sa différence. Explication bien
futile et qu'il ne faut pas chercher ici : mon but n'est pas de
recréer des tensions qui n'ont pas lieu d'être, mais
qui ont malgré tout été vivaces à
une époque, mais bien au contraire de voir si les deux
départements n'ont pas certains points communs. J'en avais
déjà cerné quelques-uns dans mes précé-dents
ouvrages : fées, démons, sorciers ont arpenté
les routes des deux départements et une multitude de contes,
qui ne peuvent avoir qu'une origine commune, sont présents
dans cette oralité qui m'est chère mais qui, hélas,
est en train de disparaître. Un ancien qui meurt, c'est
un livre qui se ferme à jamais. Qu'attendons-nous pour
nous en rendre compte ?
Nos anciens
Ceux qui ont forgé notre identité,
pierre par pierre, mot par mot, et ceux pour qui la chose dite
avait une valeur. Inlassables travailleurs de la terre aux maigres
distractions qu'ils savaient savourer à leur juste valeur.
Dans une société sans télévision,
sans téléphone portable, sans réseaux sociaux,
sans Internet, il nous est difficile, à nous, consumériste
que nous sommes, d'imaginer que nos ancêtres aient pu être
heureux. Et pourtant, quel plaisir se devait être, après
une dure journée de labeur, d'écouter, près
de la cheminée, alors que la nuit tombait doucement et
que résonnaient le hululement des hiboux, la grand-mère
raconter l'histoire de Jean de l'Ours ou des fées du bois
de Païolive. Avoir peur et se faire peur. Émerveiller
et s'émerveiller. Grande époque que celles des veillées.
Époque que me racontaient souvent mes grands-parents, hélas
bien trop tôt disparus, et que j'aurai aimé vivre.
Les distractions étaient rares pour ces personnes, et le
peu qui était proposé était savouré
avec un profond plaisir. Ces gens-là savaient se contenter
de peu, mais chaque moment était apprécié.
De nombreuses fêtes et de nombreux événements
jalonnaient la vie de nos anciens et rythmaient leur vie. Mélange
de religieux et de profane, elles étaient l'occasion, l'espace
d'une journée ou d'une soirée, d'oublier les tracas
et les soucis du quotidien. Dans une société essentiellement
rurale, l'homme de la terre savait lire les présages et
connaissait les dictons et les proverbes propices à lui
assurer santé, bonne fortune et bonne récolte. Il
savait le soir si la météo du lendemain serait clémente
ou pluvieuse, en se fiant à son instinct et aux signes
de la nature. Il connaissait les saints protecteurs et savaient
à quelle date ils étaient fêtés, agissant
ainsi en conséquence. Il savait que les saints de glace
pouvaient ruiner une récolte, mais connaissait également
les vertus des herbes cueillies le soir de la Saint Jean d'été.
Bref, l'homme de la terre connaissait les aléas de ce que
nous nommons le calendrier.
Mesurer et définir le temps fut toujours une préoccu-pation
essentielle de l'histoire de l'humanité. Depuis l'aube
des temps, l'homme a constaté que la journée se
divisait en deux grandes parties, l'une lumineuse que l'on nomme
jour, l'autre beaucoup plus obscure que l'on nomme nuit. Dans
sa grande sagesse, il s'est rendu compte de différences
subtiles dans ces deux parties, et a tenté de les mesurer.
Ainsi a-t-il défini les saisons, l'une où la nature
est en pleine renaissance, l'autre où elle donne ses bienfaits,
une autre où elle se pare de magnifiques couleurs et une
autre où elle semble mourir. Nos quatre saisons, printemps,
été, automne et hiver, étaient nées.
Par la suite, d'autres distinctions seront admises, notamment
quand il se rendra compte que le soleil est beaucoup plus clément
en été, ou bien encore que les journées sont
beaucoup plus courtes en hiver. Les jours seront divisés
en vingt-quatre heures, on comptera les années à
partir d'une année zéro correspondant à la
nais-sance d'un personnage nommé Jésus, en tout
cas dans la tradition catholique. Un calendrier sera instauré,
un calendrier que l'on nommera julien, puis grégorien à
partir de 1582 suite à l'intervention du pape Grégoire
XIII qui se rendra compte de l'obsolescence et des erreurs de
l'ancien.
C'est bien de calendrier et de mémoire dont il sera question
dans cet ouvrage qui n'aura d'autres prétentions que de
divertir le lecteur, le replongeant dans un passé, au final
pas si lointain, mais qui nous semble terriblement étranger,
et de rendre hommage à ces femmes et ces hommes qui ont
forgé, comme je l'ai déjà dit, pierre par
pierre et mot par mot, l'histoire de nos deux départements.
Le calendrier que nous utilisons depuis 1582 est émaillé
à différents intervalles de fêtes et dis-trac-tions,
parfois religieuses, parfois moins, qui faisaient la joie et le
bonheur de nos anciens, une joie et un bon-heur simple, mais qui
suffisaient à ces hommes rudes au cur immense.
Rire et s'amuser étaient des moments privilégiés
que l'on partageait ensemble, autour d'un bon verre et d'un bon
repas. Certaines de ces fêtes avaient des coutumes parfois
étranges, souvent distrayantes, mais qui toutes méritent
une analyse. Si Pierre Charrié a écrit énor-mément
de choses sur ce sujet, notam-ment dans son inestimable Ardèche
au fil du temps , deux constats sont cependant à faire
: il n'y a aucun esprit critique et d'analyse dans cet ouvrage
qui se contente, et cela est déjà énorme,
de recenser toutes les coutumes de presque chaque lieu de l'Ardèche.
Il en a tiré une somme de connais-sance formidable que
je me propose de passer à la loupe ici, dans un travail
d'analyse difficile, mais qui s'annonce déjà passionnant.
Après ce premier constat, le second s'impose de lui-même
: rien, ou si peu, n'a été écrit sur le sujet
dans la Drôme. Autant associer nos deux départements,
comparer leurs histoires, leurs fêtes, leurs célébrations,
et nous en tirerons les conclusions qui s'imposeront. Les informations
étant lacunaires pour ce second département, je
n'opérerai pas de distinguo particulier entre les deux.
Il est temps maintenant de commencer notre analyse et de partir
à la rencontre de ces hommes du passé, ces hommes
qui nous semblent à la fois si lointains, mais si familiers,
et dont nous désirons connaître les modes de vie
et de fonctionnement. Il est une nouvelle fois temps de rendre
hommage à ces personnes laborieuses, pour qui la vie, parfois
rude, souvent simple, était toujours perçue comme
un don et dont la mort était toujours perçue non
comme une fin mais comme le déroulement habituel de la
vie. Dans une société qui ne cesse, jour après
jour, de perdre le peu de repères dont elle dispose, il
est temps de pencher l'oreille et d'écouter le murmure
venu du passé.
Je suis fier de contribuer à l'histoire de mon dépar-tement.
Je ne demande rien en retour, ni reconnaissance particulière
ou prix distinctif : l'Ardèche est une seconde mère
pour moi, et cette modeste contribution ne saurait lui rendre
tout ce qu'elle a pu me donner.
Alors, remontons le passé et partons à la rencontre
de toutes celles et ceux qui ont su, à force de labeur,
de courage et de ténacité, forger cette ardéchoise
patrie à laquelle je suis si fier d'appartenir.
Valence, samedi 20 octobre 2020.
Première partie
Des fêtes religieuses teintées de paganisme
L'Église a toujours rythmé la vie des gens, nobles
ou roturiers, puissants ou moins puissants, par des jours, voir
même des périodes entières de célébration.
Cela s'expli-que aisément : si notre XXIème siècle
connaît de-puis longtemps maintenant, et bien avant les
années 2000, une vraie crise des vocations, il existait
une époque où il était un honneur pour une
famille de posséder en son sein un membre du clergé.
Rentrer dans les ordres, que ce soit pour devenir moine ou prêtre,
était un véritable motif de fierté. De nos
jours, une évolution des mentalités fait que les
vocations sont de plus en plus rares, cependant, les fêtes
chrétiennes du calendrier sont toujours bien présentes.
Certaines sont connues, d'autres moins, mais toutes permettaient
aux gens de se réunir autour d'un même symbole, peu
importe le statut social. Depuis des temps immémoriaux,
les hommes sont soumis aux mêmes rituels liturgiques qui
les rapprochent. Les fêtes religieu-ses continuent encore
de rythmer notre vie, mais le sens semble nous en avoir échapper.
L'aspect religieux est important certes, mais pas que. Ainsi,
sous toutes ces célébrations chrétiennes
qui nous semblent si proches, se cachent un arrière fond
païen évident qui a été christianisé
au fil du temps. Cela ne doit pas nous surprendre : l'arrière
pensée celtique a été très présente
dans nos contrées. Preuve s'il en faut l'ancien nom ardéchois,
l'Helvie, qui vient de la tribu des Helviens. Preuve également,
le nombre incroyable de dolmens, construits lors de la Préhistoire,
mais vénérés par les Celtes, présents
dans le département. N'oublions pas que les premiers prêtres
et les premiers évêques de la nouvelle religion catholique
étaient les anciens druides qui avaient été
convertis. Des preuves de l'existence de mythe païen en Bretagne
existent, des témoignages écrits, jusqu'au IXème
siècle, et il n'est pas interdit de supposer que cette
situation s'est également produite dans nos deux départements.
Voici donc les différentes fêtes religieuses de nos
deux départements passées à la loupe. Elles
sont nombreuses, et la liste n'est certainement pas exhaustive,
mais elle a au moins le mérite d'être là.
Les Innocents ou Fête des Fous
Les Innocents sont célébrés les 26-27-28
décembre, de la Saint Étienne à la Saint
Jean des Innocents. C'est une fête qui se déroule
donc sur trois jours pleins, et son exécution est particulièrement
typique de ce que nous annoncions plus haut, à savoir la
christianisation des anciens mythes païens.
Alors, en quoi consistait cette longue période festive
et comment était-elle carac-térisée ? Pour
répondre à cette question, il faut déjà
se poser la question de ce que représentent les Innocents.
Si le hasard vous mène un jour dans notre capitale pari-sienne,
vous tomberez immanquablement sur un cime-tière nommé
cimetière des Innocents. Le terme même des Saints
Innocents renvoie à une absence de culpabilité.
Alors, qui peut donc être innocent, et pourtant exécuté
? Il faut savoir que cette période est une réminiscence
d'un événement biblique terrible qui correspond
au massacre des Innocents.
Curieusement, ce souvenir est vivace, mais repose sur un acte
plus tardif. Il met en scène notamment les trois Rois Mages
et le roi Hérode, période plutôt rappelée
par l'Épiphanie.
Le roi Hérode, selon la Bible, manda trois Rois Mages pour
vérifier si les prédictions qui annonçaient
la naissance d'un enfant destiné à devenir le roi
des juifs étaient exactes. Guidés par l'Étoile,
les Rois Mages découvrirent rapidement l'éta-ble
dans laquelle reposait l'enfant Jésus et lui remirent chacun
un présent. Ne nous attardons pas sur cet épisode,
nous aurons le temps d'en reparler par la suite. Néan-moins,
Dieu avertit en songe nos trois Rois de ne pas retourner auprès
d'Hérode et ils regagnèrent leur pays respectif.
L'histoire aurait pu s'arrêter là, mais Hérode
se rendit compte rapidement que les trois Rois Mages s'étaient
joués de lui. Il décida d'organiser le massacre
des enfants juifs âgés de moins de deux ans : c'est
ce massacre qui est connu sous le nom du massacre des Saints Innocents.
L'aspect religieux est donc ici prédominant, néanmoins,
si le souvenir en reste vivace en Drôme Ardèche,
la forme que prend sa célébration est des plus étranges.
La célébration des Innocents a rapidement pris un
tour inattendu dans nos deux départements, et le nom rapidement
fut lui aussi détourné et devint la Fête des
Fous. En quoi pouvait-elle donc consister ?
La Fête des Fous mettait en scène des membres du
clergé : ecclésiastiques et prêtres en tout
genre n'hési-taient pas à se mettre en avant quitte
à se ridiculiser. Un ecclésiastique, géné-ralement
un prêtre, devait porter des attributs d'évêque,
la mitre mise à part (qui était rempla-cée
par une sorte de bonnet d'âne) et faire un tour sur un trône,
porté par les gens de l'assistance. Il devenait ainsi pape
des fous et promettait mille et une choses à ceux qui l'accompagnaient,
de la plus normale (prospérité et santé)
à la plus curieuse (des teignes sous le menton, le mal
de foie
). Ces joyeuses fêtes étaient, la plupart
du temps, accompagnées de libations et d'excès culinaires
en tout genre. Ainsi, et devant la tournure que prenaient les
événements qui devenaient incontrôlables,
les auto-rités décidèrent de mettre fin à
toute forme de fête durant cette période de trois
jours. Souvent, ces recom-mandations étaient passées
outre et la Fête des Fous se tenait malgré tout,
mais les participants pouvaient être vivement réprimandés
: les témoignages de morts violen-tes ne manquent pas.
Cette fameuse Fête des Fous a été célébrée
dans nos deux départements. Elle n'est que l'apanage d'une
ancienne fête romaine qui a été christianisée,
à savoir les Saturnales, en l'hon-neur du dieu Saturne.
Nous revien-drons cependant un peu plus loin sur cette fête,
car le Carnaval nous semble être plus approprié pour
l'évoquer. Il faut simplement garder à l'esprit
que le souvenir des enfants innocents tués par Hérode
s'est mêlé à une sorte de substrat païen
qui a donné ces joyeuses libations dont la Drôme
et l'Ardèche avaient coutume à une époque.
Épiphanie
L'Épiphanie est l'une des fêtes religieuses les plus
célèbres qui se déroule généralement
le 6 janvier de chaque année. Cependant, pour faciliter
le calendrier, il est généralement d'usage de la
célébrer le second diman-che de l'année dans
certains pays, comme en France. Elle est généralement
synonyme de bonheur pour les gour-mands de tout poil : c'est en
effet le jour où l'on déguste la galette des rois,
qui contient la célèbre fève. Quiconque trouvera
la fève sera couronné roi pour la journée.
Généralement fête familiale, c'est l'enfant
le plus jeune qui, situé sous la table où le fameux
gâteau sera coupé, désignera la part de chacun.
En toute innocence, l'enfant choisit celui qui portera la couronne
des rois. La fameuse fève qui était au Moyen Âge
un gros haricot non cuit, parfois un louis d'or, est par la suite
devenue le sujet en porcelaine, représentant généralement
un person-nage de la nativité ou du folklore régional
que nous connaissons tous.
Ceci est pour le folklore. Maintenant, penchons-nous un peu sur
les tenants et aboutissants de cette fête. Que représente-t-elle
?
Le terme " Épiphanie " vient du latin Epiphania
qui signifie apparition. Alors apparition de quoi ? Pour avoir
une réponse concrète, il suffit d'ouvrir le nouveau
testa-ment et de lire le célèbre épisode
des Rois Mages. Mel-chior, Gaspard et Balthazar, rois de contrées
lointaines, mais également mages, c'est à dire capables
de déchiffrer les présages, de lire l'avenir dans
les constellations et de déchiffrer les signes, furent
mandater par le roi Hérode, rois des Juifs, afin de vérifier
les dires de certains qui prétendaient qu'un Roi des Juifs
d'un nouveau genre était né. Nos trois rois se mirent
donc en route, chacun chargé d'un présent, et guidés
par une étoile trouvèrent l'étable dans laquelle
reposait l'enfant Jésus. Stupéfaits par sa grâce,
ils déposèrent à ses pieds leurs trois présents,
l'or, l'encens et la myrrhe, se prosternèrent devant lui,
le bénirent et, après avoir vu en songe un ange
ou une apparition divine leur demandant de rentrer chez eux sans
retourner chez Hérode, retournèrent dans le pays
dont ils étaient originaires. Cet épisode biblique
n'est pas anodin : il est le ciment même de la culture catholique.
Pour la première fois, l'enfant Jésus est reconnu
comme le Roi des Rois, étant honoré même par
les plus puissants. Il est aisé d'admettre que les Rois
Mages, venant de contrées lointaines, ne pouvaient être
que des païens. Se proster-nant ainsi devant Jésus,
ils admettent sa toute puissance. Jésus est celui qui a
fait s'agenouiller devant lui, même s'il ne s'en rendait
pas compte, vu son jeune âge, les plus puissants des rois
païens.
Au final, peu de choses nous sont parvenus sur les Rois Mages,
si ce n'est leur nom. On suppose également que l'un d'entre
eux était noir, mais cela est plus une idée folklorique
qu'une affirmation biblique. En revanche, même si l'on sait
qu'ils sont rois de contrées lointaines, mages, astrologues,
nul ne sait de quels pays ils sont venus.
Le folklore du monde en général et de France en
particulier sait rendre hommage aux Rois Mages. Nom-bre de croyances
leurs sont attribuées un peu partout, notamment le pouvoir
de guérison. Leurs noms sont, entre autre, évoqués
pour guérir de l'épilepsie. Il faut porter sur soi
une image pieuse représentant les trois personnages et
portant l'inscription Sancti tres Reges, Gaspar, Melchior, Balthazar,
orate pro nobis nunc et in hora mortis nostrae .
Pareillement, écrire avec son sang sur un miroir le nom
des trois Rois Mages le jour de l'épiphanie permet de voir
comment on va mourir
De nombreuses croyances superstitieuses sont à mettre en
rapport avec cette fête, et il est intéressant de
noter que le folklore prend très souvent le pas sur le
religieux. Ainsi, pour connaître le nom de son futur époux,
un rituel en Normandie consistait, pour une jeune fille, en un
mélange de prière et de pratique curieuse : pose
d'un miroir sous un traversin, croix de bois, bas en soie noir
Très souvent également on considère le gâteau
des Rois comme protecteur du tonnerre. On dit aussi qu'un enfant
qui ne participe pas à la fête du tirage des Rois
sera emporté un jour ou l'autre par le Diable. Mais la
nuit de l'Épiphanie est également remplie de mystère
: la chasse sauvage du roi Hérode passe la nuit au-dessus
des foyers, une meute sauvage constitué de chasseurs terribles,
de chiens fantômes, dans un fracas d'enfer épouvantable.
Résurgence du mythe de la Mesnie Hellequin, la chasse sauvage
est inspira-trice de bien des fantasmes, notam-ment en Ardèche.
Beaucoup affirment avoir entendu des bruits fantomatiques venant
des cieux et de bien mysté-rieux aboiements venant de nulle
part
Comment ce jour spécial était-il fêté
dans nos deux départements ? En Ardèche comme en
Drôme, les choses semblent similaires. Dans le village de
Joyeuse, les boulangers distribuaient gratuitement le fameux gâteau
des Rois. En 1640, le curé de Brinhon parle de distri-bution
de gâteau dans lesquels sont présents des fèves
ou ce qu'il nomme des billettes. Il s'agit du souvenir le plus
ancien dont nous disposons de la fête de l'Épiphanie
en Ardèche. Ceci est bien la preuve d'un ancrage très
ancien dans nos départements de la célébration
de la venue des Rois Mages. À Berrias et à Beaulieu,
la jeunesse catho-lique célèbre l'Épiphanie
en distribuant des fougasses aux pauvres. À Vernoux-en-Vivarais,
les jeunes hommes célébraient la fête ensemble,
en faisant de petites réunions, alors que les jeunes filles
attendaient huit jours de plus pour réaliser la même
chose. Notons également qu'en Ardèche comme en Drôme,
cette fête permettait la distribution du pain béni
dans les églises, choses qui est, entre autre, attesté
au Pouzin . En Ardèche en général, on la
nomme également Tiphaine.
On le voit donc, l'Épiphanie est une fête religieuse
teintée de folklore qui continue de marquer durablement
le paysage de nos régions. Elle a été, à
une époque, la fête la plus importante de la chrétienté
après Noël.
Chandeleur
Qui ne connaît pas la Chandeleur, cette fête que tous
les gourmands connaissent ? Il n'est en effet pas rare de sentir,
à cette date, la douce odeur de la crêpe chauffant
lentement dans la poêle, crêpe qu'un habile coup de
poignet fera se retourner.
La cuisinière, ou le cuisinier, réalisant ce magistral
tour de force sans tomber la préparation, se verra offrir
une année particulièrement riche, surtout s'il avait
pris préalablement soin de serrer une pièce de monnaie
en or dans sa main libre. Néan-moins, la fête de
la Chandeleur se doit de nous inter-roger : derrière cet
arrière plan festif se cache bien d'au-tres aspects étranges
de cette fête. Ils se doivent d'être expliqués.
Il faut savoir en premier lieu que la fête de la Chandeleur
est avant tout une fête qui prend racine aux plus profond
des âges. Si un nom nouveau lui a été donné,
rappelant la lumière (nous verrons ce point un peu plus
tard), l'Empire romain lui préférait le nom de parental.
Il s'agissait de faire des libations en faveur d'un dieu particulier
du nom de Febvrius, qui était ni plus ni moins qu'une résurgence
de Pluton, dieu des morts. Ainsi, si de nos jours, l'aspect de
la lumière tient une place prépondérante
dans la célébration de la Chandeleur, il existait
une époque bien plus lointaine où cette dernière
possédait un véritable aspect mortifère.
Il fallait donc rendre hommage aux morts. Néanmoins, cet
aspect mortifère était cependant atténué
: à certaines périodes de la nuit, durant les parentalia,
des torches étaient allumées en l'honneur des âmes
des défunts. Toutes les cinq années, les parentalia
étaient destinées à la mère du dieu
Mars afin de favoriser les victoires militaires. Honorer les morts
et s'attirer les bonnes grâces des dieux, voilà le
but premier de l'ancêtre de la Chandeleur .
Comme beaucoup de fêtes païennes, la Chandeleur prend
peu à peu un aspect chrétien et devient la fête
de la présentation de Jésus au Temple, ainsi que
de la purification de la Vierge Marie, et se retrouve fêtée
le 2 février. Pour l'occasion, de grandes torches sont
allumées, ainsi que des cierges. D'ailleurs, le nom de
Chandeleur rappelle volontairement le mot " chan-delle "
et vient du latin " festa candelarum ".
De nombreuses légendes et traditions sont à rattacher
à cette fête particulière et très importante
dans nos deux départements. En effet, longues processions
et messes en tout genre étaient célébrées
à l'occasion de cette " festa candelarum ", et,
au final, ne nous sont parvenus que les traditions païennes.
Car si la Chandeleur a été christiani-sée
et se veut, selon la tradition liturgique, la célébration
de la présentation de Jésus au Temple, il faut bien
avouer que la préparation des crêpes et autres bugnes
n'a véritablement rien de religieux. Il faut donc s'orien-ter
du côté du paganisme. Pourquoi prépare-t-on
notamment des crêpes en ce jour ?
Pour répondre à cette question, qui pourrait paraître
anodine mais qui ne l'est pas tant que cela, il faut tout d'abord
interroger l'époque à laquelle la Chandeleur est
fêtée. Elle se déroule au mois de février,
c'est-à-dire, un bon mois avant l'arrivée du printemps.
Les journées commencent à être plus longues
et le soleil commence à distiller ses chauds rayons dans
le ciel encore hivernal.
La nature sort de près de six mois de froidure et de longues
soirées. L'obscurité a régné durant
une longue période et le mois de février, même
s'il peut encore apporter quelques frimas, voit cependant les
températures commencer à se réchauf-fer sensiblement.
On fête donc la lumière sous toutes ses formes, même
les plus primaires : allumer une bougie, un feu
Mais il s'agit aussi de célébrer le soleil : la
crêpe qui cuit doucement dans la poêle rappelle, de
par sa forme ronde et sa couleur dorée, l'astre solaire
qui, petit à petit, se remet à réchauffer
généreusement la terre. Ainsi, par un acte simple,
on rappelle la victoire de la lumière sur les ténèbres,
tout en rappelant que le printemps si attendu arrive bientôt.
Faire des crêpes ou des bugnes à cette époque
était gage de prospérité : heureux celui
ou celle qui réalisait cette recette de cuisine simple,
l'argent était assuré de ne pas manquer. En revanche,
ne pas faire cela pouvait attirer le spectre de la pauvreté
Les cierges bénis le jour de la Chandeleur dans les églises
étaient gardés précieusement. En effet, placés
derrière une porte, ils assuraient protection contre le
vol ou la maladie. De même, planter une croix en brindilles
dans un champ en ce jour garantissait d'excellentes récoltes
tout au long de l'année. On le voit donc, cette date est
bien marquée du sceau du paganisme : rien de très
chrétien dans toutes ces pratiques, la croix en brindille
étant une façon détournée d'utiliser
un instrument religieux .
Notons également qu'il n'était pas conseillé
de réaliser un voyage en mer le 2 février, les risques
de périr par naufrage étant accentués. De
même, la légende de la Vouivre, dans le Jura, nous
invite au merveilleux.
Ce monstre serpentéiforme qui portait une escarboucle sur
le front a cristallisé les fantasmes d'une multitude de
gens dont la plupart, si l'on en croit les croyances, ont lamentablement
péri. En effet, c'est au cours du 2 février de chaque
année, que la Vouivre enlève son escarboucle, une
pierre précieuse, pour se baigner. Le mortel trop téméraire
qui voudra tenter de dérober ce joyau inestimable aux pouvoirs
magiques certains, se verront pourchasser par tout un tas de créatures
toutes plus immondes les unes que les autres, et échouera
dans son entreprise .
Dans la Drôme et l'Isère, notons une particularité
poétique à la symbolique dense. Plusieurs ont constaté
qu'il neigeait souvent à gros flocon le jour de la Chandeleur
: un fait pouvait expliquer cela : on disait en effet que cette
neige était provoquée par la Vierge Marie qui chevauchait
un ours et qui passait dans les cieux. L'ours est un des animaux
incarnant à la fois la force et la sagesse. Animal celte
par excellence, le fait de l'associer à la Vierge prouve
la parfaite symbiose que ce personnage chrétien peut avoir
avec nos anciennes légendes. Sacré et profane sont
ici parfaitement associés, encore une fois.
On le voit donc, la Chandeleur reste une fête païenne
qui a été difficilement christianisée au
fil du temps. Encore de nos jours, survivance d'un autre temps
pas si éloigné que cela, on retient de cette fête
les bugnes, beignets et autres crêpes qui attisent l'appétit
des gourmands de tous poils, mais qui, de nos jours, pourrait
encore savoir que cette fête, lorsqu'elle fut saisie par
la religion, correspondait à la présentation de
l'enfant Jésus au Temple ? Pas grand monde certainement,
et c'est sans conteste ce qui fait la valeur de notre folklore,
un mélange à la fois de sacré et de profane
aux frontières particulièrement mou-vantes
Fête des Rameaux
La fête des Rameaux est attestée au Vivarais au XIIIème
siècle, mais en quelques lieux épars du fait d'une
christia-nisation rapide du département, elle se généralise
totalement au Xème siècle . En quoi pouvait-elle
donc consister, et comment était-elle fêtée
? Encore de nos jours, la fête des Rameaux est une véritable
institution en Drôme-Ardèche, et elle se trouve y
être attrayante : les célébrations dans les
églises y sont parti-culièrement festives et des
chants parfaitement reconnais-sables sont entonnés par
une foule souvent en liesse. C'est un véritable spectacle
qu'il faut vivre au moins une fois en Ardèche.
Curieusement, il semblerait que la fête des Rameaux ne puise
pas son inspiration dans d'anciennes fêtes antiques. On
se retrouverait donc, pour une fois semble-t-il, devant une vraie
fête chrétienne. Si l'Ardèche ne commence
à la célébrer qu'à partir du XIIIème
siècle, elle est attestée en France à partir
du IVème, ce qui en fait une fête extrêmement
ancienne et certainement extrêmement populaire. Le fait
que la fête des Rameaux ne puise pas son inspiration dans
une fête païenne ne peut que nous interroger : les
fêtes des moissons étaient nombreuses, que ce soit
chez les Grecs et les Romains, mais égale-ment chez les
Celtes, et les exemples auraient pu ne pas manquer. C'est donc
bien du côté de la Bible qu'il faut se tourner afin
d'apprendre à quoi cette fête peut bien corres-pondre.
La fête des Rameaux tire son origine d'un épisode
biblique au final assez connu, à savoir l'entrée
triom-phante de Jésus à Jérusalem, accueilli
en véritable pro-phè-te par une foule en délire
qui, selon l'imagerie chré-tienne populaire, tenait dans
ses mains des feuilles de palmiers afin de réaliser une
véritable haie d'honneur végétale à
celui qui se faisait reconnaître comme étant le fils
de Dieu. Afin de perpétuer ce souvenir, les personnes se
rendant à l'église pour célébrer les
Rameaux tenaient des branches d'oliviers ou de lauriers qu'elles
devaient brandir en fonction des chants liturgiques. Ces rameaux
de verdure étaient ensuite bénis par le prêtre
au terme d'une célébration d'une rare intensité.
On dit en Ardèche que la messe des Rameaux doit être
la messe la plus festive qui doit exister, et le prêtre
doit se mettre au diapason d'une telle ferveur.
Les rameaux ainsi bénis avaient plusieurs particu-larités
: ils devaient être placés dans les différentes
pièces de la maison pour assurer la bonne fortune mais
ils avaient également le pouvoir d'éloigner la foudre,
pouvoir grandement accru si le rameau en question était
un rameau de buis. Mis dans les champs ou dans les vignobles,
et disposés en croix, ils éloignaient la grêle
et assuraient de bonnes récoltes. Souvent des rameaux bénis
étaient disposés sur les tombes, et un brin pouvait
parfois être mis entre les mains d'un défunt, pour
qu'il puisse s'en servir à l'autel du Bon Dieu.
Néanmoins, d'autres traditions beaucoup plus sombres sont
rattachées à la fête des Rameaux : on dit
notamment que les sorcières sont particulièrement
puissantes en ce jour. On raconte aussi que les démons
sont obligés d'étaler leurs trésors durant
toute la journée de la fête, mais non pas sous forme
de pièces d'or ou de lingots, mais de feuilles ou de branches.
Il faut les arroser d'eau bénite pour les voir apparaître
Voilà pour montrer qu'au final, même si l'on reste
sur une festivité réellement religieuse, certaines
croyances ont la vie dure : une forme de folklore étrange
vient se coller une nou-velle fois à une célébration
chrétienne. Mais, au final, que se passait-il vraiment
dans nos dépar-tements ?
En Ardèche, tout comme en Drôme, une particularité
inté-res-sante fait irruption lors de cette fête
: les rameaux doivent être décorés, notamment
par les enfants. Ils sont principalement ornés de sucreries
diverses et variées, même si cette pratique fut interdite
à un moment donné, mais l'interdiction fut parfai-tement
ignorée
Nos ancê-tres avaient la tête
dure !
Les garnitures des rameaux étaient très souvent
originales, mais surtout très colorées : les adultes
les ornaient notamment de guirlandes ou de fleurs, de rubans
Cette coutume de déco-ration s'est malheureu-sement éteinte
Quel spectacle se devait être d'assister à cette
bénédiction dans une église !
Les rameaux sélectionnés étaient généralement
en laurier, en olivier ou en arbousier, le buis étant rarement
utilisé. Il devait être coupé la veille, parfaitement
droit, puis était ensuite béni dans l'église
par le curé au terme d'une longue procession festive. Ensuite,
les rameaux étaient disposés un peu partout dans
la maison : dans la cuisine, dans le salon, au-dessus du lit d'une
chambre à coucher
Un morceau était généralement
brûlé à une fenêtre car on disait que
les cendres éloignaient le ton-nerre
C'était
également le jour ou les dames pouvaient demander leur
fiancé en mariage.
La nourriture ingurgitée lors de la fête des Rameaux
peut nous paraître chiche, mais elle était trésor
pour celles et ceux qui la partageaient. Le plat traditionnel,
dans une grande partie de l'Ardèche, était une soupe
constituée de pois chiche. Pour éviter toute graisse
animale, on assaisonnait avec de l'huile. De nombreuses sucreries
en forme d'agneau étaient produites
Les Rameaux étaient nommés rameus, raspans, ramos,
rapans, romeus dans les différents dialectes régionaux.
Leur célébration est avant tout un rappel que nos
ancêtres se contentaient de ce qui peut nous apparaître
de pas grand-chose, mais chaque moment était apprécié
à sa juste valeur. Ce simple fait est, déjà,
inestimable .
Semaine Sainte
La Semaine Sainte correspond à la semaine qui précède
le jour de Pâques. Généralement, on parle
de Mercredi Saint, Jeudi Saint, Vendredi Saint et Samedi Saint.
En Ardèche notamment, le mercredi ne semble pas avoir d'incidence
particulière. Cependant, si on s'intéresse au folklore
d'autres régions, on verra que le Mercredi Saint est un
jour généra-lement maléfique. On dit ainsi
qu'il pleut toujours en cette date en souvenir des pleurs que
l'apôtre Pierre a versés .
Le folklore de France est, de toute façon, très
présent au cours de cette semaine particulière.
Ainsi, il faut noter que les cloches des églises ne sonnent
pas à partir du jeudi, pour une simple raison : elles sont
toutes parties à Rome se faire bénir par le pape.
Quand elles reviendront, elles apporteront les ufs de Pâques
aux enfants
Attardons-nous donc un instant sur ce qui pouvait bien se passer
dans nos régions. Le Jeudi Saint en particulier semble
avoir une véritable importance en Ardèche. Une tradition
curieuse consistait à aller visiter les Paradis, notamment
près de la région d'Annonay. Ces Paradis étaient
en fait des lieux, souvent des chapelles ou des églises,
dont on décorait l'intérieur de tentures blanches
et de fleurs, voir de rameaux qui avaient été bénis
précé-demment. Cette visite permettait de s'assurer
pros-périté et bienfaits tout au long de l'année.
On atteste ainsi qu'à partir du XVIème siècle
se tenait ce que l'on nommait un " mandatum " et qui
semble n'avoir eu aucun équivalent ailleurs en France.
Ce mandatum consistait pour un membre du clergé à
laver les pieds de treize petits enfants pauvres et de leur offrir
un petit repas. Cette tradition s'est maintenue au moins jusqu'au
début de la première guerre mondiale, notam-ment
au Cheylard : douze enfants, choisis au hasard par le clergé,
se voyaient laver les pieds et offrir une petite pièce
d'argent.
Le folklore ardéchois fait la part belle à cette
date, et sa célébration est toute particulière.
Outre ce mandatum, la façon la plus étrange de célébrer
le Jeudi Saint consistait principalement à faire le plus
de bruit possible, notamment à la fin des messes. Le bruit
était un élément prépondérant,
qu'il soit réalisé par les pénitents ou par
les personnes assis-tant à la messe. Ce bruit, se réalisant
parfois lors de bruyan-tes processions, se devait de rappeler
le fracas et le désordre de la nature lors de la mort du
Christ .
Le Vendredi Saint voyait fleurir les processions en tous genres,
dont le célèbre calvaire de Burzet, attesté
depuis au minimum 1325, date qui a vu la mort d'un homme qui incarnait
Jésus ployant sous la croix. Peu de choses sont à
signaler : le calvaire de Burzet est, sans chauvinisme aucun,
certainement l'un des plus beaux de France. Il est constitué
de trente-deux stations, figurées par des peintures de
style naïf. Quand le personnage figurant Jésus tombe,
la personne chargée de le fouetter crie " Christ,
monte au calvaire ! ". Notons que depuis 1930, ce ne sont
pas moins de soixante-deux personnes qui participent à
cette mise en scène.
Le Samedi Saint est consacré à deux éléments
: le feu et l'eau. L'andaluta, ou lumière pascale, était
apportée dans l'égli-se, et tous les fidèles
en profitaient pour faire provision d'eau bénite, ou aïga
senhada. À une époque ou le sel avait une importance
stratégique, pour la conser-vation des viandes entre autre,
on faisait bénir les réserves .
Néanmoins, la coutume la plus étrange de cette Semai-ne
Sainte était sans conteste celle du buf gras. Attestée
en Ardèche, notamment dans plusieurs localités comme
Annonay, Tournon ou Chomérac, mais aussi Saint-Agrève
(ce qui montre une vraie disparité sur le territoire, on
est bien loin d'une coutume locale, voir même com-mu-nale)
elle consistait pour les bouchers de parer leur plus joli buf
de rubans et de déco-rations et de le balader dans la ville
ou le village. On s'arrêtait chez les foyers amis pour généralement
se faire payer une tournée .
Tradition curieuse que cette promenade du buf gras ! L'animal
lui-même interroge : taureau amputé de sa virilité,
le buf n'en reste pas moins un animal connoté dans
nos diverses traditions. Ne dit-on pas qu'un buf se trouvait
près de l'enfant Jésus lors de sa naissance ? C'est
également l'animal incarnant le travail dans toute sa splendeur.
De même, selon une certaine idée, c'était
un animal bénéfique qui portait chance.
L'explication vient alors d'elle-même : souvenir certaine-ment
d'une ancien-ne pratique, promener ainsi le buf gras dans
les rues d'une localité pouvait amener joie, bonheur et
prospé-rité.
Les différents folklores de France nous apprennent que
la Semaine Sainte est une période particulièrement
chargée. Nous avons vu l'importance du Mercredi Saint.
Au Jeudi Saint, on dit que les ufs pondus en ce jour peuvent
se conserver sur une très longue période, au moins
plus d'une année. Dans la ville de Marseille, on dit que
ces mêmes ufs peuvent éteindre des incendies.
Il ne faut surtout pas travailler le Vendredi Saint, jour de la
mort du Christ, sous peine de malheurs terribles. Il existait
une époque où les meuniers arrêtaient leur
travail à 15h l'après-midi pour laisser les ailes
de leurs moulins former la croix de la passion christique. De
même, les forgerons refu-saient de planter des clous en
ce jour, en hommage à Jésus.
Le jeûne se devait d'être pratiqué, et on dit
même que la faune elle-même refusait de manger en
ce jour, notamment les oiseaux. Ceux qui sèment des graines
en ce jour n'obtiendront aucune récolte, et même
pire : manipuler un terrain avec un outil en fer pourrait faire
saigner la terre. Le Samedi Saint voyait les eaux des fontaines
de France se transformer en eau bénite. Une fontaine sur
laquelle on aura posé une croix la veille donnera également
en ce jour du vin entre onze heures et minuit .
Arrêtons-nous là. On l'aura compris, la Semaine Sainte
joue un rôle prépondérant dans la vie des
Ardéchois et des Drômois, mais également sur
le monde traditionnel en général. Comme la plupart
de nos fêtes, cette Semaine si particulière, se retrouve
être le carrefour d'anciennes et nouvelles croyances. C'est
de ce charme si particulier que naît notre folklore
Index des noms de lieux
Annonay,30, 31, 70, 83, 94, 105, 112
Auriolles,152
Banne,152
Beaulieu,21
Berrias,21
Borne,152
Chambalud,74
Chapelle-sous-Aubenas,72
Charmes,127
Chassezac,152
Cheylard,30
Chomérac,31
Eclassan,112
Grospierres,152
Helvie,9, 15
Labeaume,83
Lavilledieu,74
Mauves,44, 45, 77, 95, 112, 140
Mont Mézenc,9
Olivier de Serres,150, 152
Ollières,95
Païolive,10, 152
Pouzin,22
Puy de Dôme,125
Riotord,84
saccol,152
Sagnes,90, 150
Saint-Agrève,31, 90
Saint-Barthélémy-de-Vals,65
Saint-Basile,73
Sainte-Eulalie,90
Saint-Genest-de-Bauzon,75, 106
Saint-Jean-de-Muzol,65
Saint-Martin-de-Valamas,65, 79
Saint-Martin-le-Galézas,80
Saint-Péray,105
Saint-Thomé,81
Saint-Vallier,65
Sampzon,152
St-Paul-le-Jeune,152
Tain-l'Hermitage,46, 72
Tournon,31, 76, 112
Valence,5, 6, 12, 13, 22, 26, 29, 30, 34, 45, 47, 50, 57, 61,
69, 71, 73, 77, 78, 81, 82, 90, 95, 100, 105, 109, 112, 114, 119,
127, 130, 134, 136, 142
Varannes,83
Vercors,112
Vernoux-en-Vivarais,22
Villeneuve-de-Berg,90, 149, 150, 151, 156
Vinzieux,83
Viviers,82
Voreppe,69, 121, 126, 127, 132, 136
Table des matières
Préface 7
Des fêtes religieuses teintées de paganisme
15
Les Innocents ou Fête des Fous 16
Épiphanie 19
Chandeleur 22
Pâques 33
Ascension 38
Pentecôte 39
Fête-Dieu ou Saint Sacrement 42
Saint Jean d'été 43
Assomption 47
Toussaint 49
Jour des Morts 54
Noël 55
Des saints protecteurs aux étranges attributs
65
Vierge Marie 67
Saint Clair (2/01) 69
Saint Bon (14/01) 70
Saint Antoine (17/01) 70
Saint Barthélémy (24/08) 72
Saint Basile (14/06) 73
Saint Blaise (03/02) 73
Saint Ennemond (28/09) 74
Saint Genest (24/08) 75
Saint Isidore (04/04) 75
Saint Jacques (25/07) 76
Saint Joseph (19/03) 77
Saint Martin (19/03) 79
Saint Marc (26/04) 81
Saint Pierre (29/06) 81
Saint Sabin (30/12) 83
Saint Sébastien (20/01) 83
Saint Ostrog (29/04) 84
Carême et Carnaval, exemples particuliers 87
Carême 88
Carnaval 91
Les rites du Mai 99
L'importance et la particularité d'un mois 101
Chantons le mai ! 104
Les rites de passage 117
La naissance 118
Le baptême 123
Le mariage 128
Les rituels mortuaires 133
Remerciements et notes 141
Bibliographie 142
Index des noms de lieux 143
Table des matières 144