1850- 1950 Vie, murs, coutumes & traditions au pays des sources de la Loire LE BÉAGE, LE CROS-DE-GÉORAND, ISSARLÈS, LE LAC-DISSARLÈS, MAZAN-LABBAYE, LES SAGNES-ET-GOUDOULET, SAINT-CIRGUES-EN-MONTAGNE, SAINTE-EULALIE LACHAMP-RAPHAËL ET USCLADES-ET-RIEUTORD Il est de coutume que lauteur soit présenté, ou à défaut se présente, sur la dernière page de la couverture de son ouvrage. Alors je mexécute : cest au Cros-de-Géorand, en Montagne ardéchoise, pays de mes ancêtres, que sest déroulée mon enfance. Même si jai quitté le pays en 1946 pour suivre mes parents qui se sont alors installés à la Coucourde (Drôme) au cours de ma 14ème année, je suis souvent revenu fouler le sol de la terre natale que jai parcouru dans tous les sens, jai gardé le contact avec mes nombreux parents et amis restés sur place. Je suis prêtre au service du diocèse de Valence depuis 1960, mon ministère ma fait découvrir de nombreuses régions du département de la Drôme : le Royans, les Baronnies, lHerbasse, les Monts du Matin Métant toujours intéressé à lhistoire de mon pays natal, cest à Bourg-de-Péage où je réside depuis plus de cinq ans, que jai décidé den écrire lhistoire au temps de mes parents, grands-parents et arrière-grands-parents, en faisant une grande place à ce quils mont appris et à mes souvenirs denfance. Le père Gineys, né en 1933 en Ardèche et prêtre à la retraite du diocèse de Valence, fut curé de 1983 à 1995 à Saint-Donat dont il a relaté lhistoire dans son dernier livre. Aujourdhui, cest un véritable hymne à lArdèche qui nous est donné à partager... « UNE FORT BELLE PAGE DE NOTRE HISTOIRE À TRAVERS LA MÉMOIRE DE LA MONTAGNE ARDÉCHOISE », RENÉ SAINT-ALBAN |
Préface
Cyprien Gineys est né à l'Olier, sur la commune
de Cros-de-Géorand. Très attaché et passionné
par ce pays de Pagels, il évoque un siècle d'histoire
et de souvenirs.
Tout au long du récit, avec beaucoup de talent et de simplicité,
Cyprien Gineys raconte son enfance et fait partager au lecteur
la vie, les coutumes, les traditions. Parfois il s'appuie sur
des textes d'écrivains locaux, mais, à travers les
témoi-gnages qu'il a su aller chercher auprès de
ses parents, il rapporte avec beaucoup de détails, les
croyances, les usages, la dure vie des familles toujours nom-breuses.
J'aime les clins d'il qui nous renvoient sur notre société
de consommation, et qui nous suggèrent humilité
et respect.
Nous sommes les héritiers de notre histoire, mais savons-nous
aller chercher les témoignages de nos anciens, et savons-nous
les transmettre ? Cyprien Gineys a su très bien faire ce
lien, sans folklore et avec beaucoup de sincérité.
Élue maire de Cros-de-Géorand en mars 2008, je suis
touchée et honorée que Cyprien m'ait demandé
d'écrire la préface de son livre : j'y ai trouvé
une multitude d'informations, d'anecdotes, d'événements
concernant ma com-mune.
Cet ouvrage est une source de renseignements, de dates trop souvent
oubliées : un siècle d'histoire et de souvenirs
sur 10 communes du Plateau ardéchois.
Françoise Laurent
Maire de Cros-de-Géorand
Introduction
J'ai vécu mes années d'enfance entre Gerbier-de-Jonc
et lac d'Issarlès. J'ai voulu raconter ce qu'était
la vie des habitants de la Montagne ardéchoise dans la
seconde moitié du 19ème siècle et la première
moitié du 20ème, c'est-à-dire au temps de
mes parents, grands-parents et arrière-grands-parents.
J'ai voulu fixer par écrit, pour les générations
futures, ce que m'ont appris mes parents, en y intégrant
mes propres souvenirs. Si j'ai beaucoup interrogé mes parents,
de leur vivant, et si j'ai pris la peine, parfois, de noter ce
qu'ils me racontaient sur leur enfance et leur jeunesse, j'ai
le regret de l'avoir trop peu fait avec mes grands-parents, et
je le regrette infini-ment, en pensant à tous les souvenirs
emportés avec eux dans la tombe. J'aurais été
heureux de vous les transmettre.
J'ai questionné quelques anciens du pays. Les mairies que
j'ai contac-tées m'ont facilité la consultation
des registres de délibération du conseil muni-cipal
qui étaient en leur possession, vrai journal de la vie
locale. Les ouvrages, et les articles de revue, de quelques auteurs
vivarois sont venus compléter ma docu-mentation. Je remercie
Cécile et Alban Pradier qui m'ont fourni photos et cartes,
pour illustrer cet ouvrage.
Les noms de lieu connaissent parfois des variations dans l'orthographe.
Quelle graphie choisir ? J'ai adopté, sauf rare excep-tion,
celle du Dictionnaire topographique du département de l'Ardèche
de Pierre Charrié. J'aurais dû écrire Lacham-Raphaël
comme le font Émile Arnaud et Louis Pize, cités
dans cet ouvrage, et non Lachamp-Raphaël graphie anormale
qui s'est imposée, car le village s'est construit sur une
cham, espace herbeux où pacagent les animaux.
Une nouvelle fois, Anne-Marie Degoul-Margnat de Bésayes,
a bien voulu lire mon manuscrit et m'aider à l'améliorer,
ce dont je la remercie.
Enfin, que les lecteurs aient autant de plaisir à découvrir
la vie sur le Plateau ardéchois, du milieu du 19ème
siècle jusqu'à la guerre de 1939-1945, que j'en
ai eu à l'écrire.
Cyprien GINEYS
Index des noms de lieux
Alba, 107
Alès, 233
Allemagne, 201, 205, 210, 211, 219, 222
Amarnier, 236
Aubenas, 20, 32, 47, 64, 91, 136, 141, 146, 164, 172, 176, 178,
179, 180, 199, 213, 214, 215, 228, 229, 231, 232, 233, 234, 235,
242, 246, 247, 249, 252
Auvergne, 229, 231, 235
Barnas, 108, 184
Baronnie, 109
Bastide-sur-Besorgues, 246
Bauzon, 20, 60, 68, 102, 134, 189, 224, 242, 246, 247, 248, 249
Béage, 5, 11, 12, 14, 15, 16, 20, 25, 27, 29, 30, 31, 32,
35, 39, 50, 55, 68, 69, 71, 79, 81, 83, 84, 85, 86, 87, 88, 90,
91, 95, 96, 104, 113, 116, 118, 129, 132, 134, 135, 142, 143,
147, 154, 158, 159, 161, 164, 167, 170, 171, 172, 173, 174, 175,
176, 177, 183, 184, 185, 187, 189, 190, 191, 192, 193, 194, 195,
196, 198, 199, 200, 201, 202, 203, 206, 207, 208, 209, 210, 211,
212, 214, 223, 224, 225, 226, 228, 233, 238, 246, 248, 249, 250
Beauregard, 21, 137, 190
Berthon, 113
Bésayes, 9
Bessèges, 13
Beyssailles, 237
Blaveyre, 28
Bleynet, 28, 159
Bois, 27, 30, 88, 137, 158, 160, 165, 204, 246, 250
bois de Cuze, 246
bois du Pouza, 130
Bois-Vert, 27, 30, 88, 137, 158, 204
Bonnaud, 28
Bonnefoy, 14, 70, 114, 117, 135, 164, 214, 221, 246
Borée, 57, 135, 160, 164, 165, 179, 198
Borie, 214, 237
Bouquet, 192
Bourdely, 160
Bourlatier, 134, 164, 249
Bouvante, 17
Brignon, 230
Brioude, 134, 211, 233, 235
Brives-Charensac, 229
Brunelles, 98, 130
Buis-les-Baronnies, 30, 74
burle, 19, 20, 37, 38, 106, 138, 150, 188, 189, 190, 192, 223
Burzet, 68, 115, 134, 164, 176, 178, 201, 236, 243, 244, 249
Cassart, 28
Cavaillon, 73, 149
Cévennes, 107, 176, 234, 252
Chabanis, 33, 149, 154, 158, 159, 191, 211, 225, 248
Chadenac, 108
Chadron, 230
Chaffour, 154
Chambaud, 189
Chambelebous, 190, 192
Chambusclades, 190
Champagne, 191
Champlane, 133
Champlatier, 154, 189
Champ-Raphaël, 57
Chanalettes, 192, 194, 198
Chartreuse de Bonnefoy, 246
Chartreuse-de-Bonnefoy, 214
Châteauvieux, 237
Chaumeil, 85, 130
Chaumélias, 69, 130
Chaumette, 15, 129, 189, 210
Chaumienne, 155, 236
Chazalès, 195, 225
Cherchemus, 133
Cheylard, 160, 220, 246
Cheylas, 242
Chirols, 230
Chomélis, 130
Claux, 236
Clavel, 20, 215, 216, 248
Clermont-Ferrand, 219, 228, 233, 235
col de Géorand, 20
col de la Chavade, 172, 219, 233, 249
col de Tourniol, 135
col du Sagnas, 230, 236
Combes, 111, 159, 192, 237
Coubon, 230
Coucouron, 115, 139, 184, 201, 217, 225, 238, 243, 244, 249
Coustille, 237
Cros, 7, 11, 12, 15, 26, 27, 28, 30, 31, 35, 40, 50, 69, 75, 77,
79, 81, 84, 86, 89, 91, 94, 96, 97, 99, 100, 104, 108, 109, 111,
112, 121, 123, 125, 129, 130, 133, 135, 140, 141, 142, 144, 145,
146, 154, 156, 157, 158, 159, 160, 161, 164, 165, 171, 174, 177,
182, 183, 184, 185, 186, 189, 191, 192, 193, 197, 201, 202, 203,
206, 207, 208, 210, 211, 213, 229, 232, 234, 235, 238, 245, 246,
250, 252
Cros-de-Géorand, 5, 7, 11, 31, 35, 86, 104, 108, 112, 139,
154, 161, 230
Crouste, 194, 211, 225, 249
Crouziols, 29
Cussac, 230
d'Usclades-et-Rieutord, 11, 149, 201, 209, 216, 238
Devès, 191, 198
Disonenche, 70, 130
Draye, 27, 32
Dunières, 29
Espogne, 27, 28, 32
Estables, 55, 87, 134, 176, 190, 191, 196, 221, 249
Eygade, 16
Eyrieux, 234
Fabras et Prades, 230
Fay-sur-Lignon, 178
Fazendes, 195
Fenadou, 198
Freycenet-la-Cuche, 86, 87, 192
Freycenet-la-Tour, 112
Gage, 16, 113, 191, 248
Géorand, 68, 106, 107, 108, 109
Gerbier, 9, 18, 67, 102, 164, 178, 213, 214, 215, 216, 220, 246
Gerbier-de-Jonc, 9, 67, 164, 178, 213, 215, 216, 220, 246
Goudet, 104, 160, 238
Goudoulet, 14
Grand-Combe, 13
Gravenne, 236, 239, 242
Haute-Loire, 11, 28, 29, 39, 40, 47, 91, 104, 112, 135, 148, 158,
173, 179, 180, 190, 192, 195, 200, 222, 230, 231, 233, 234, 235,
236, 238, 240, 244, 248, 252
Helvie, 107, 252
Issarlès, 5, 11, 35, 36, 86, 87, 88, 95, 96, 108, 143,
144, 147, 153, 161, 162, 175, 182, 190, 192, 193, 203, 205, 207,
208, 209, 211, 230, 237, 238, 245, 246, 250
Jalades, 198, 199, 249
Jastres, 107
l'Échelette, 107
l'Olier, 7, 19, 20, 28, 29, 30, 38, 41, 46, 51, 55, 79, 81, 94,
185, 191
la Blachère, 236
la Chapelle-Graillouse, 36, 156, 198, 230, 238
la Chaze, 153, 195, 196, 200
la Coucourde, 62, 225
la Louvesc, 85, 86, 89, 132, 143
la Palisse, 20, 99, 111, 130, 153, 154, 159, 193, 202, 217, 219,
229, 237, 238, 239, 245, 246, 250
La Roche-Haute, 192
lac d'Issarlès, 9, 67, 102, 103, 104, 105
Lac-d'Issarlès, 5, 11, 28, 31, 33, 35, 87, 108, 153, 156,
161, 178, 189, 190, 194, 200, 207, 209, 237
Lachamp, 9, 11, 14, 31, 35, 36, 67, 68, 82, 86, 95, 96, 117, 149,
150, 151, 153, 156, 159, 161, 164, 170, 171, 174, 184, 198, 201,
202, 203, 209, 211, 214, 220, 238, 246, 249
Lachamp-Raphaël, 9, 11, 14, 31, 36, 82, 117, 149, 150, 153,
170, 174, 184, 214, 238
Lacham-Raphaël, 9, 77, 136, 174, 179, 199, 252
Lafarre, 230, 238
Lalevade, 222, 234, 236, 241, 242, 243, 244, 245, 247
Laligier, 154, 156
Lanarce, 217, 236
Langeac, 235
Lanson, 218
Lantriac, 236
Laussonne, 236
Lauze, 20
Lauzière, 18, 40, 74, 112, 113, 114, 117, 135
Laval-d'Aurelle, 147
le bois de Grange, 195
le Cros, 5, 11, 15, 19, 28, 50, 58, 86, 87, 95, 96, 97, 102, 109,
125, 129, 139, 153, 160, 165, 171, 184, 185, 187, 189, 190, 192,
194, 195, 196, 202, 209, 213, 215, 216, 219, 230, 237, 250
Le Monastier, 178, 236, 241, 247
le Pal, 107, 224
le Roux, 74, 202, 229, 230, 237
le Teil, 234
Lebouse, 195
Lécous, 18, 23, 102, 103, 133
Lécoux, 40
Lens-Lestang, 151
Les Estables, 178
Lespéron, 147, 149
Loire, 5, 11, 20, 36, 91, 103, 108, 111, 112, 130, 159, 191, 192,
199, 224, 229, 232, 233, 236, 237, 246, 248, 249, 253
Loubateyre, 133
Loubière, 133
Louvesche, 133
Lozère, 144, 235
Lussas, 107
Lyon, 176, 238, 248
Malachamp, 154
Malaval, 74, 97
Malbastit, 189, 248
Malfougères, 237
Mane, 85, 189, 196
Marseille, 15, 176
Mazaboulet, 154, 225
Mazan, 5, 11, 14, 15, 16, 31, 32, 36, 65, 74, 79, 95, 102, 108,
133, 139, 144, 153, 154, 155, 156, 161, 165, 181, 183, 185, 202,
203, 208, 209, 211, 217, 219, 228, 230, 246, 247, 249
Mazan-l'Abbaye, 5, 11, 31, 36
Merle, 28, 98, 102, 176, 225
Metz, 201
Meunier, 20, 189
Meyras, 14, 230, 236
Mézenc, 32, 60, 91, 116, 164, 165, 175, 179, 180, 187,
199, 200, 246, 252, 253
Mezeyrac, 159
Mézilhac, 55, 57, 86, 150, 159, 178, 220, 249
Monastier, 29, 86, 125, 158, 175, 190, 193, 206, 239, 240, 241
Monastier-sur-Gazeille, 29, 158
Montélimar, 47, 62, 64, 176
Montfol, 18, 113
Montlaur, 108, 109
Montpezat, 32, 60, 107, 108, 115, 139, 172, 178, 191, 193, 201,
223, 224, 230, 236, 239, 240, 242, 243, 245, 247, 248, 249, 252
Montselgues, 141
Moulin d'Haond, 171, 248
Moulin de Chacaud, 160
Moulin de Peyron, 16
Muzerand, 14
Nieigles, 230, 233, 234, 238
Nîmes, 228, 233, 235
Normandie, 201, 220
Olier, 17, 38
Peyregrand, 27
Pioule-le-loup, 133
Planas, 191
Pomeyrols, 154, 217
pont de Fédarié, 16
pont de Vauclare, 16
Pont-de-Labeaume, 236
Pourceleyres, 113, 157
Pourseilles, 247
Pouzat, 189
Poyet, 98, 113, 153, 156, 157, 250
Prades, 233, 234, 235, 236, 238
Prats, 160
Présailles, 28, 178, 195, 216, 236, 240, 241
Privas, 15, 32, 33, 91, 92, 100, 150, 164, 165, 199, 205, 214,
231, 234
Provence, 65, 235
Puy, 13, 14, 24, 29, 32, 47, 65, 85, 91, 135, 164, 165, 172, 176,
178, 193, 199, 200, 218, 220, 221, 222, 228, 229, 231, 232, 233,
234, 235, 236, 238, 241, 242, 243, 244, 245, 247
Puy-en-Velay, 29, 200
Pyrénées, 109, 133
Rajasse, 28
Rancs, 98, 113
Randes, 98, 248
Razas, 27
Rhône, 11, 13, 55, 76, 135, 229, 230, 231, 234, 235, 242
Rieucros, 237
Rieutord, 20, 32, 36, 75, 79, 149, 161, 194, 199, 211, 216, 219,
224, 229, 247, 248
Riotord, 248
Riouclard, 154
Rivaudon, 193
Rochette, 27, 31, 55, 98, 125, 130, 136, 156, 157, 168, 185, 218,
219
Rognon, 28, 76, 154, 210, 248
Royans, 17
Sabourzial, 154
Sagnes, 5, 11, 15, 23, 40, 70, 85, 86, 88, 95, 96, 108, 133, 134,
137, 141, 145, 159, 161, 164, 175, 191, 195, 198, 203, 207, 208,
209, 211, 238, 249
Sagnes-et-Goudoulet, 5, 11, 88, 108, 208
Saint-Andéol-de-Fourchades, 134, 164, 184, 214
Saint-André-en-Vivarais, 151
Saint-Cirgues, 5, 11, 12, 15, 16, 20, 21, 32, 36, 69, 72, 73,
74, 75, 77, 85, 95, 96, 104, 129, 133, 137, 143, 144, 147, 148,
149, 153, 154, 155, 156, 161, 162, 165, 167, 171, 172, 173, 175,
176, 179, 181, 183, 184, 185, 187, 189, 192, 193, 203, 205, 207,
208, 209, 211, 212, 217, 218, 219, 220, 222, 229, 230, 231, 236,
237, 238, 242, 243, 245, 247, 249, 250
Saint-Cirgues-en-Montagne, 5, 11, 36, 77, 143, 230
Sainte Margueritte, 195
Sainte-Eulalie, 5, 11, 12, 15, 28, 31, 32, 36, 39, 56, 68, 70,
77, 79, 86, 87, 89, 95, 99, 102, 103, 108, 138, 144, 145, 147,
159, 161, 164, 172, 175, 176, 177, 185, 189, 193, 194, 195, 203,
204, 207, 208, 209, 211, 216, 238, 249
Saint-Étienne, 91, 142, 143, 144, 164, 229
Saint-Etienne-de-Lugdarès, 139, 144, 145, 149
Saint-Eulalie, 198
Saint-Germain-Laprade, 236
Saint-Julien-Chapteuil, 236
Saint-Martial, 164, 246
Saint-Martin-de-Fugères, 230
Saint-Martin-de-Valamas, 245, 246
Saint-Pierre-de-Colombier, 230, 236
Salettes, 230, 238
Sedan, 201
Sépous, 18, 102, 103
Solignac-sur-Loire, 230
Soyons, 248
Tauleigne, 50, 94, 137, 143, 164, 168
Taupernas, 18, 116, 135
Tauron, 20, 28, 84, 102, 108, 109, 129, 132, 192, 248
Teil, 47, 179, 234, 235
Téoules, 40, 74, 164
Téoulettes, 164, 171
Teste-Partide, 134, 201
Thueyts, 108, 224, 230, 236, 237, 239, 243, 244, 252
Touzières, 32, 154, 196, 225
Travers, 23, 89, 159, 164, 198
Usclades, 5, 11, 20, 32, 47, 60, 69, 95, 99, 108, 129, 133, 134,
135, 136, 139, 149, 161, 162, 164, 165, 185, 189, 194, 201, 202,
203, 209, 211, 215, 216, 221, 224, 228, 238, 248, 250
Usclades-et-Rieutord, 5, 11, 69, 95, 108, 203
Vachères, 178
Valence, 5, 32, 47, 64, 74, 75, 135, 176, 200, 213, 228, 253
Valette, 113, 121, 194, 236
Vauclare, 154, 155, 237, 242
Vazeilles, 168, 237
Velay, 47, 64, 106, 200, 229, 235
Verdin, 15, 28, 29, 43, 66, 81, 158, 179, 190, 223, 225, 226
Vernazon, 16, 20, 70, 74, 153, 154, 155, 165, 191
Vestide, 248
Veyradeyre, 16, 71, 246, 249
Viel-Prat, 230
Villefort, 235
Vivarais, 32, 36, 43, 47, 64, 77, 91, 104, 107, 108, 135, 136,
164, 176, 179, 180, 199, 200, 229, 252, 253
Viviers, 95, 145, 150, 209
Vogüé, 12, 206
Table des matières
Préface 7
Introduction 9
Le pays du pagel 11
La zone étudiée 11
Les habitants 12
Le climat 16
Le vent, la pluie 16
L'hiver, la neige 17
Souvenirs d'enfance 19
La langue 21
La nourriture 22
Le linge, l'habillement 24
La lessive (budjado) 25
Les chaussures (lous esclos) 25
Les exploitations agricoles 26
Surnoms 30
La ferme du pagel 35
Description 35
Construction et entretien 37
Des arbres autour 40
Les lieux d'habitation de la famille 41
L'étable, le bétail, le fumier 43
La grange 45
Le queyrat 46
L'importance de l'eau 46
Un pays d'élevage 49
Prés et pâturages 49
Garde des troupeaux 49
Les féneyrades 51
Faucher 51
Rentrer le foin pour nourrir le bétail en hiver 54
La traction animale à la ferme 54
Les laitages 55
Autres cultures 57
Les céréales 57
Les pommes de terre 58
Les raves 59
Les cochons 59
La tuade 60
La religion chrétienne rythmait la vie du pagel 65
Racines celtiques et gauloises 65
Les pierres guérisseuses 66
Les feux de la Saint-Jean 68
L'eau des tines (L'ayguo dé las tïnos) 69
Un pays attaché au catholicisme
70
dont la vie des fidèles était ponctuée
par les sacrements
72
et dont personne ne manquait la Messe le dimanche 76
L'église paroissiale 79
Les quatre-temps 80
La Semaine Sainte au Béage 81
Les processions 82
Les Missions paroissiales 84
Les pèlerinages 85
Pèlerinage de saint Régis au Béage 86
Pèlerinage de sainte Marguerite aux Sagnes 88
Un pays propice au mysticisme 88
Quel avenir chrétien pour le Plateau ? 90
Fêtes et réjouissances 93
L'arbre des conseillers municipaux 94
Les fêtes votives 95
En conclusion 100
Les veillées 101
Contes et légendes 102
La légende de la lavandière 102
Messire Gargantua au pays des pagels 102
La légende du lac d'Issarlès 103
Légendes inspirées par le château de Géorand
ou ses seigneurs 106
Les oiseaux aussi, ont inspiré les conteurs 109
La terrible légende du diable 111
Les Fours de la Lauzière 112
Les conteurs qui ont cherché à transmettre l'exacte
vérité
113
et ceux qui n'ont pas hésité à la
romancer 115
Les chansons 117
J'ai deux grands bufs dans mon étable 118
Quand je suis né, je suis né en automne, 118
Pastarouléto 119
La fin du carnaval 121
Les garçons de la Valette 121
Proverbes et dictons 126
Les trêves 128
Le lutin 129
Les sorcières (Las fatchineyros) 131
Les revenants 131
Les loups 132
Les années de l'enfance 137
Les premières années 137
Le temps de l'école 139
L'école communale d'avant les lois laïques 140
Les instituteurs 140
Les bâtiments 141
Les surs de l'abbé Dugua 142
Les surs de Saint-Joseph de Saint-Étienne-de-Lugdarès
142
Au Béage 142
À Issarlès 143
À Mazan 144
À Saint-Cirgues 144
Au Cros 144
Aux Sagnes 145
À Sainte-Eulalie 145
Au Lac 145
Fermeture des écoles congréganistes 145
Le cas du Cros
145
et plus succinctement ceux du Béage, d'Issarlès,
de Sainte-Eulalie et de Saint-Cirgues 147
L'école des frères à Saint-Cirgues 148
Le cas d'Usclades-et-Rieutord
149
et de Lachamp-Raphaël 149
Écoles de quartier ou de hameau 153
Écoles clandestines 157
Situation des écoles primaires de 1989 à aujourd'hui
161
Pourquoi un tel désamour de l'enseignement public ? 161
Artisanat, commerce, foires et marchés 167
Artisans et commerçants 167
Les foires 169
Foires de Saint-Cirgues 172
Foires du Béage 173
Foires de Lachamp-Raphaël 174
Foires d'Issarlès 175
Foires de Sainte-Eulalie 175
La foire aux violettes 175
Pourquoi pas d'autres foires ? 177
Foires extérieures 178
Les marchés 179
Transactions à domicile 179
L'épreuve de la maladie, de l'accident et de la mort 181
La maladie 181
Les remèdes 181
Les maladies contagieuses 182
La peste 182
La variole, ou petite vérole 183
La scarlatine 183
La grippe espagnole 183
Guérisseurs et rhabilleurs 184
La mort 185
Mort dans les neiges 188
Mort par noyade 191
Mort foudroyé 192
Autres morts accidentelles 192
Mort criminelle 194
L'assassinat de Célestin Gineys 196
Mort subite, hors du domicile 198
Qu'en est-il aujourd'hui ? 199
La guerre et les malheurs qui l'accompagnent 201
Guerre de 1870-1871 201
Guerre de 1914-1918 202
La fin des hostilités 205
Les monuments aux morts 206
Guerre de 1939-1945 210
La résistance aux Allemands s'organise 213
Opérations de parachutage 214
Aménagement d'un terrain d'atterrissage au nord d'Usclades
216
Les Allemands à Saint-Cirgues, Mazan, les Éperviers
et la Palisse 217
On sent que la libération est proche 220
Retour au pays, des prisonniers de guerre 222
S'én dé la classo 223
Projet d'un chemin de fer du Puy à Aubenas ou un siècle
d'attente d'une voie ferrée jamais achevée 229
Présentation du tracé initial de la ligne, par la
commune du Cros
229
et présentation de ses avantages, par la commune
de Saint-Cirgues 230
Considérations en sa faveur par les élus du Cros
232
Causes de son abandon momentané 233
Mais, le combat pour la ligne du Puy à Nieigles-Prades
continue 233
Modifications du tracé initial 235
L'épineuse question des gares 237
Travaux effectués avant la guerre de 1914-1918 240
Travaux effectués après 1918 240
1) En Haute-Loire 240
2) En Ardèche 241
Projets de voies ferrées transversales 245
Raisons, réactions, et réflexions suscitées
par l'abandon des lignes 247
De 1850 à 1940 : mise en place d'un réseau routier
terrestre 247
Une route ancienne 247
et son amélioration 248
Index des noms de lieux 254
Table des matières 258
Extrait
Le pays du pagel
La zone étudiée
Elle concerne surtout les communes du Béage, du Cros-de-Géorand,
d'Issar-lès, du Lac-d'Issarlès, de Mazan-l'Abbaye,
des Sagnes-et-Gou-dou-let, de Saint-Cirgues-en-Mon-ta-gne, de
Sainte-Eulalie et d'Uscla-des-et-Rieutord, qui sont bai-gnées
par la Loire nais-sante et les affluents qu'elle reçoit
avant de péné-trer en Haute-Loire. J'ai ajouté
Lachamp-Raphaël, dont les eaux vont rejoindre l'Ardè-che,
puis le Rhône et la Méditerranée, à
cause des renseignements que m'avait fournis en 1983, Aimé
Gineys.
Ces dix communes, comme la grande majorité des communes
rurales de France, ont connu l'apogée de leur population
vers 1850. Certaines un peu avant, d'autres un peu après.
Le pays comptait environ 8500 habitants1 en 1806 et 9400 en 1846.
Il en comptait encore 9228 en 1901, mais il n'en avait plus que
1884 en 2009, ce qui donne une baisse de 80% environ au cours
des 110 dernières années.
En 1836, les deux communes les plus peuplées étaient
le Béage (1794 habitants), en raison de son activité
artisanale et commerciale, et le Cros (1678 habitants), en raison
de sa superficie, mais aussi de la fai-ble surface d'un grand
nombre d'exploitations. Il y avait beaucoup de pauvres.
Quant à la superficie, la commune de Mazan vient en tête
avec 4479 km2, suivie de près par celle du Cros, 4339 km2,
et en 3ème position, assez loin derrière, celle
du Béage avec 3283 km2. Usclades-et-Rieutord, 1246 km2,
étant la com-mune la moins étendue.
En 1931, le Béage, avec 1131 habitants, et le Cros avec
938, étaient toujours les deux communes les plus peuplées.
Si en 2009 le Béage était toujours en tête,
avec 318 habitants, venait ensuite le Lac, 270, Saint-Cirgues,
249, Sainte-Eula-lie, 230, le Cros n'occupant plus que la 5ème
place avec 175 habitants.
Les habitants
Voici d'abord, le regard que porte sur eux un écrivain
vivarois, le vicomte E.-M. De Vogüé en 1893 :
" Quand on arrive sur le plateau du Béage, les figures
des gens que l'on rencontre n'ont plus rien de commun avec celles
des habitants de la plaine ; uniformément pareilles, elles
frappent par je ne sais quoi de lourd et d'inachevé, surtout
chez les femmes. Sous le petit chapeau de feutre noir des dentellières
du Puy, on dirait que toutes ces faces rondes, placides, ont été
découpées d'un mê-me tour de compas dans une
même pièce de chair rouge.
" Je me souviens des pagels, c'est le nom local des montagnards,
qui des-cendaient dans la vallée du Rhône, quand
j'étais enfant, pour louer leurs bras au temps des foins
et de la moisson. On était à la fin du second Empire,
et les plus vieux d'entre eux ne savaient pas répondre
quand on leur demandait qui régnait sur la France ; ils
refusaient obstinément les paiements en billets de banque
; ils n'avaient pas repris confiance dans le papier depuis la
dépréciation de 1848.
" Aujourd'hui, les pagels ont plus de communication avec
le monde. Leurs murs sont douces et honnêtes. Ils
font bon accueil à l'étranger, mais avec une nuance
de réserve. Attachés aux vieilles coutumes
(ils sont) gra-ves et peu ex-pan-sifs, comme tous les gens pauvres
"2
Le bien suprême chez un pagel, après sa famille,
était sa terre. Il faisait tout son possible pour la préserver,
l'agrandir, ou en acquérir une s'il n'en possédait
pas. Il intentait facilement des procès quand il s'estimait
lésé. Il pouvait devenir violent aux cabarets, surtout
quand il avait trop bu, comme on le verra plus loin. Mais il respectait
le bien des autres. Il était hospitalier. Si ses voisins
ou connais-sances lui rendaient visite il ne se conten-tait pas,
en général, d'offrir le café ou un verre
de vin : il fallait y ajouter une tranche de pain avec saucisson,
beurre ou fromage. À l'époque, les dépla-cements
à pied et l'air vif de la Montagne creu-saient l'estomac.
Dans l'ensemble, les gens vivaient pauvrement, dans de vieil-les
masures au toit de lauze ou de genêt. Il n'y avait, bien
souvent, pas suffisam-ment de quoi nour-rir une famille nombreuse,
il fallait louer les enfants en été, dès
qu'ils avaient huit ou neuf ans, pour garder les troupeaux.
Dans les familles nombreuses toujours, dès qu'ils avaient
16 ans, jusqu'à leur mariage, à moins qu'ils ne
restent célibataires, des gar-çons se faisaient
embau-cher dans les grandes fermes pour devenir valets ; d'autres
partaient l'hiver, travailler à la mine dans la région
de Saint-Etienne ou dans le Gard (Bessèges, la Grand-Combe
)
Reve-nus au pays en été, il se louaient pour faucher
les prés, et, à l'automne, ils allaient faire les
vendanges dans les pays viticoles. Parmi ceux qui restaient à
la ferme en hiver, certains occupaient leur temps à la
menuiserie, à confectionner paniers, râteaux, sabots,
manches d'ou-tils
Les paysans de Mazan fabriquaient des
râteaux à foin et des manches de faux " qu'ils
allaient vendre à Meyras, pour la foire de Saint Blaise
le 3 février3 ". À Lachamp-Raphaël, ceux
qui restaient au pays fai-saient des poinçons, sorte de
baguettes utilisées dans les moulinages de la région.
Toujours à Lachamp, parmi ceux qui allaient chercher ailleurs
du travail à la mauvaise saison, il y avait les scieurs
de long. Encore vers 1930, les Jourdan de Valaurie (le Béage)
étaient scieurs de long. Ils prenaient leur bois à
Muzerand, dans la forêt domaniale de Bonnefoy toute proche.
Ils faisaient des planches qu'ils ven-daient, dans leur atelier
amé-nagé pour ce travail4. Les planches des toits
étaient alors sciées à la main. On produisait
du charbon de bois5 autour de la forêt du Goudoulet. Parfois
aussi, ceux qui restaient sur place toute l'année, se mettaient
un peu d'argent de côté aux beaux jours, quand les
travaux de la campagne le permet-taient, en arrachant des racines
de gentiane. C'est ce qu'avait fait mon père. En y ajoutant
les fagots de genêt livrés aux bou-langers du Béage,
il disposait de 6 000 francs au moment de son ma-riage.
Les femmes faisaient, surtout en hiver, de la dentelle du Puy.
Les bonnes ouvrières gagnaient 2, 50 francs par jour6 en
1874, soit le prix d'un kilo de beurre. Ma mère avait appris,
très jeune, le métier, et devint une excellente
den-tellière. Dans sa famille, com-me dans bien d'autres,
la dentelle était une petite ressource complémentaire
appré-ciable. En hiver, à la veillée, au
milieu d'une table ronde, on allumait une lampe à pétrole.
Autour de la table, quatre ou cinq den-tellières prenaient
parfois place. Entre chacune et la lampe, était posée
une bouteille à six faces, remplie d'eau, qui reflétait
la lumière sur leur métier.
En été, les femmes et surtout les jeunes filles
cueillaient pour en vendre des framboises, des myr-tilles, de
la violette, de l'arnica et d'autres plantes, pour la parfumerie
ou la phar-macie. Quelques-unes deve-naient servantes (chambrey-res)
dans les grandes fermes ou les maisons bour-geoises, d'autres
partaient travailler dans les mouli-nages du bas pays.
Beaucoup d'hommes et de femmes restaient célibataires toute
la vie. Quel-ques-uns vivaient avec leurs parents, puis, quand
ces derniers étaient morts, avec la famille d'un frère
ou d'une sur. Ma grand-tante, Jeanne Pons, avait terminé
sa vie chez son frère Lucien et sa belle-sur Henriette,
les parents de ma mère. D'autres, comme mon arrière-grand-oncle
Louis Gineys, ou sa sur Philomène, étaient
loués toute leur vie. Louis avait été pendant
13 ans, ouvrier agricole à la grande Chaumette (le Cros),
il est décédé à Verdin (le Béage)
chez son frère Régis, où il s'était
retiré à la fin de sa vie. Philomène était
restée 13 ans servante au Masneuf (le Béage), mais
- cela arrivait aussi parfois - personne ne l'avait recueillie
à la fin de sa vie. Malade et sans ressources, elle avait
été assistée par la commune du Béage
qui avait fini par la faire hospitaliser à Privas en 1918,
où elle est morte peu après.
Vers 1880, quelques familles de Mazan et Saint-Cirgues, et quelques
autres moins nombreuses, du Cros, du Béage, de Sainte-Eulalie,
des Sagnes, et proba-ble-ment d'autres lieux, recevaient une petite
aide financière en accueillant, en nourrice, des enfants
qui leur étaient confiés par les hospices de Marseille,
com-me nous l'apprennent les registres des paroisses concernées.
Beaucoup, parmi ces en-fants, n'attei-gnaient pas leur premier
anniversaire. Nous avons de Marcel Sau-zon et Marie-Jo Volle,
une étude assez détaillée de ceux de Mazan,
qui de-vaient être les plus nombreux7. À l'abandon
de ces enfants à leur naissance, s'ajoutait l'inconfort
d'un long et pénible voyage jus-qu'en Montagne, au cours
duquel un décès pouvait survenir. Les nourrissons
étaient accueillis dans des maisons dépourvues de
confort et d'hygiène. La maîtresse de maison, très
prise par le ménage, l'entretien du linge, le soin des
animaux, le travail de la terre, les lon-gues courses, et ses
propres enfants, disposait de peu de temps pour s'oc-cuper d'eux,
et leur donner un minimum de tendresse.
extrait 2
Chapitre VI
Les veillées
En hiver, quand le jour est plus court que la nuit, de la Toussaint
à l'entrée en Carême, soit les mois de novembre,
décembre, janvier et février, on s'invitait entre
familles voisines pour passer ensemble les longues veillées.
Lorsque j'allais veiller avec mes parents, ils éclairaient
pour le trajet, sauf par temps de lune, avec un ciel clair, une
bougie qu'ils fixaient dans le gou-lot à l'inté-rieur
d'une bouteille dont ils avaient fait disparaître le fond,
pour protéger sa flamme du vent. Cette bouteille, tenue
par le goulot, devenait un flambeau.
Dans la vaste cuisine, souvent la seule pièce d'habitation
de la maison, on s'installait en demi-cercle devant la grande
che-minée. Sa flamme, provenant des grosses bûches
de hêtre, éclairait la pièce. Quand il n'y
avait pas assez de chai-ses pour tous, on prenait une planche
qu'on posait sur deux chaises aux extré-mités. Elle
était en priorité réservée aux enfants
qui s'y serraient les uns contre les autres.
Au cours de la veillée, on évoquait l'actualité,
on partageait les nouvelles de la région. On parlait des
qualités et des défauts des uns et des autres. On
échan-geait sur les prix en cours pour les animaux et les
produits agricoles. À côté des contes, légen-des,
dictons, récits de trêves, lutins, sources des tines,
reve--nants, que racontaient les anciens et qu'on se transmettait
de géné-ration en génération, la chanson
avait aussi sa place, et quelque-fois la danse.
On ne se séparait pas, vers minuit, sans avoir mangé
un bout de saucisse, si on avait déjà tué
le cochon, sinon autre chose, et pris une boisson chaude, café
ou vin chaud.
Contes et légendes
Selon le dictionnaire Petit Larousse, " un conte est un récit
d'aventures ima-ginaires " et " une légende est
un récit à caractère merveilleux, où
les faits historiques sont déformés par l'imagination
populaire ou par l'invention poé-tique ".
Voici quelques contes et légendes recueillis par Marie
Louise Astier, née Arcis, qui habitait au Merle (le Cros)
aux années de mon enfance. Elle les avait recueillis avant
la guerre de 1939-1945, en écoutant les anciens aux veillées
pendant les longues nuits d'hiver.
La légende de la lavandière
Près d'une maison, au bord de la rivière du Tauron,
plus d'un passant, de retour d'une veillée avait pu apercevoir
une lavan-dière en train de faire sa les-sive. On disait
qu'elle était là depuis des siècles. Mais
jamais personne, même parmi les plus hardis, n'avait osé
l'interroger, encore moins lui offrir son aide pour tordre son
linge.
Messire Gargantua au pays des pagels
Ce conte aurait été imaginé par Paul Besson
de la Garde. Il avait été raconté à
Marie-Louise par sa tante Victoire, du Sartre (Sainte-Eulalie).
Lorsque Messire Gargantua parcourait le monde, il vint visi-ter
nos monta-gnes. Sa route est encore toute tracée, car il
enjam-bait les vallées l'une après l'autre, ne posant
les pieds qu'au sommet de nos sucs. Venant du côté80
des Alpes, portant sur ses épaules un petit fagot confectionné
avec les arbres d'une forêt, arrivé près du
Gerbier, Gargantua posa le pied droit sur ce suc et le gauche
sur le Lécous. Ayant déchargé son fagot au
sommet du Sépous, il y mit le feu pour se chauffer les
mains. Près de Mazan, il eut la fantaisie de se procurer
une canne. Il saisit par la pointe le plus haut sapin de la forêt,
et l'arracha aussi facilement qu'un homme ordinaire arracherait
une paille dans un champ de blé. Il en coupa branches et
racines avec son grand couteau. Il marcha ensuite, après
un petit détour par Bauzon, vers le lac d'Issarlès
dont il but toute l'eau, puis, posant un pied sur le Sépous
et l'autre sur le Lécous, il inonda un jour durant la vallée
de la Loire. C'est peut-être à dater de ce jour,
que le fleuve a son lit à l'endroit où nous le voyons
couler de nos jours.
Le roi du pays, pour obtenir ses faveurs et sa protection, l'invita
à goûter, ordonnant de recueillir tout le sarassou81
et de l'apporter chez lui : ce qui fut fait. Trois heures durant,
sept valets, tenant chacun une pelle en bois, bourrèrent
de sarassou la gueule de Gargantua sans parvenir à le rassasier.
À la suite de ce festin il eut soif. Retrouvant ses sucs
favoris, Lécous et Sépous, enjambant une nouvelle
fois la vallée de la Loire et se cour-bant, il but tellement
que le cours du fleuve en fut arrêté pendant quelques
heures. On dit même qu'en buvant il aurait avalé
plusieurs moutons d'une paré-geado (troupeau transhumant).
Tout le troupeau aurait pu y passer si les longues cornes de deux
mètres d'un bélier ne s'étaient mises en
travers de son gosier.
Après cet exploit, Gargantua, un peu fâché,
quitta la terre pour la lune où on peut l'apercevoir avec
son fagot sur le dos, enjambant les montagnes de notre satellite
comme il faisait par ici. À Sainte-Eulalie on avait coutume
de dire aux enfants qu'on pouvait voir sur la lune un homme avec
un fardeau sur son dos. Serait-ce Gargantua ?
La légende du lac d'Issarlès
Situé à 1000 mètres d'altitude, ayant cinq
kilomètres de cir-con-férence, plus de 130 mètres
de profondeur, le lac d'Issar-lès est l'un des plus beaux
de France. Les savants disent qu'il s'est formé à
l'intérieur du cratère d'un volcan qui a explosé.
Mais cette explication était trop simple pour l'imagination
de nos ancêtres. Aussi, se sont créées des
légendes pittoresques pour expliquer son origine. Elles
ont toutes pour point commun la femme en train de traire sa chèvre
qu'on peut voir en enfon-çant la tête dans les eaux
du lac. Ces légendes n'étant pas trans-mises par
écrit, seulement oralement, les versions se sont modi-fiées
au cours du temps. Quelquefois, c'est le conteur qui a apporté
de lui-même quelques modi-fications. Ainsi la version dont
je dispose, qui m'a été transmise par Marie-Louise,
est assez différente de celle que donne Jean-Marc Gardès82.
Il y avait, il y a bien longtemps, à la place du lac d'Issarlès,
un village dont la réputation était détestable.
Les pauvres et les pèlerins évitaient d'y passer.
Ses habitants étaient brutaux, mé-chants et sans
religion. On les avait surnommés les Sarrasins, en dialecte
du pays, lous fumas dé téso.
Une année, deux étrangers revêtus de l'habit
de pèlerin parcouraient le Viva-rais. Ils étaient
très simples dans leur com-por-tement, mais, il y avait
quand même en eux quelque chose qui inspirait le respect.
Ces voyageurs n'étaient autres que Jésus-Christ
et saint Pierre. Ils avaient passé à Saint-Cirgues,
au Cros-de-Géo-rand, au Béage, et devaient se rendre
à Goudet (Haute-Loire). Ils avaient été très
bien reçus partout. Ils avaient quitté les villages
visités après avoir béni la popu--lation
et guéri quelques malades.
Un jour, au coucher du soleil, ils entrèrent dans le fameux
village. À leur vue, les enfants ricanaient et lançaient
des pierres. Ils frappèrent aux portes, deman-dant l'hospitalité
pour la nuit, ce qu'on leur refusa partout, accompagnant ce refus
par des injures et des insultes. Saint Pierre, indigné
et furieux, caressait sa barbe blanche, tout en marmon-nant des
paroles de menace. Le Christ était bien triste. Ils quittèrent
le village, poursuivis par les moqueries des habitants et les
cris hostiles des enfants. Ils montèrent sur une hauteur
qui dominait la plaine d'où ils aperçurent une misé-rable
cabane, un peu à l'écart, mais à l'abri de
la roche. S'y étant rendus, ils frap-pèrent à
la porte. Une vieille femme vint leur ouvrir : ils lui demandèrent
l'hos--pitalité. Mes bons Messieurs, dit-elle, je vous
offre volontiers ma maison pour la nuit, mais je ne peux rien
vous donner à manger. Je suis veuve et très pauvre
: il ne me reste plus qu'un peu de farine et une chèvre.
Ils se firent apporter la farine et en firent des galettes qu'ils
pla-cèrent sur la pierre chaude du foyer. Quand ils furent
rassasiés, l'un des deux hommes (le Christ) dit à
l'autre : " la coupe est pleine, l'heure du châti-ment
est venue pour les mé-chants ! Ce village va disparaître
dans les entrailles de la terre ". Puis s'adressant à
la femme : " vous, la seule de cette race mau-dite, serez
sauvée parce que vous avez été charitable,
mais à une con-dition : lorsque vous aurez commencé
la traite de votre chèvre vous entendrez un grand bruit,
continuez votre travail, et surtout ne vous retournez pas. Si
la curiosité vous fait désobéir vous descendrez
vous aussi dans l'abîme ". La femme promet d'obéir
et va vers la chèvre. Elle avait à peine commencé
de la traire que, soudain, se produisit une secousse pareille
à celle d'un tremblement de terre, suivie d'une clameur
d'épou-vante qui venait du village. Vaincue par la curiosité
et n'y tenant plus, la veuve tourna la tête. Le village
avait disparu. À sa place, il y avait un immense trou qui
se remplissait d'eau. Elle regar-dait, tremblante d'effroi, lorsqu'elle
s'aperçut que sa cabane s'en-fonçait. Elle disparut,
elle aussi, dans la profondeur des eaux. Il y avait désormais,
à la place du village, un lac, le grand lac d'Issarlès.
Voilà ce que racontaient les anciens. Certains affirmant
que l'on peut aper-cevoir du côté des rochers, comme
des vestiges de maisons. Et même, au dire de quelques-uns,
il y a un endroit dans le lac où l'on voit la cabane de
la vieille femme. La veuve est encore là, paraît-il,
comme au jour de la catastrophe, assise sur un petit tabouret
à côté de sa chèvre, la tête
légèrement tournée à droite. Mais,
pour voir, il faut avancer vers le centre du lac, enfoncer la
tête dans l'eau, et garder les yeux grands ouverts.
Le lac a sa source et l'évacuation de ses eaux à
l'intérieur et au fond. Ce qui provoque, au-dessus du point
d'évacuation, un tourbillon. Les personnes qui osent s'y
aventurer sont aspirées vers le fond. On raconte qu'il
y a peut-être cent ans, deux jeunes de Langogne, prévenus
du danger qu'on courait en allant à la nage au milieu du
lac, voulurent quand même essayer : ils étaient bons
nageurs. L'un d'eux, quand il se trouva au milieu du lac, prit
peur et revint sur la berge. L'autre continua, et ne tarda pas
d'appeler au secours. Mais, aucune bar-que n'était à
proximité pour venir à son secours. Il se mit à
tournoyer sur lui-même, aspiré par le tourbillon,
s'enfonça et disparut dans la profondeur des eaux.
Des légen-des identiques expliquaient l'origine de lacs
du voi-sinage. On racontait, dans les veillées d'hiver,
à Costaros ou à Cayres, en Velay, qu'il existait,
il y a très longtemps, à la place du lac du Bouchet,
un vil-lage dont les habitants avaient mau-vaise réputation
et faisaient mauvais ac-cueil aux visiteurs. Un soir de décembre,
alors que la neige tombait et que la burle soufflait, un pauvre
se présenta pour demander l'hospitalité pour la
nuit. Il frappa à toutes les portes : non seulement personne
ne voulut le recevoir, mais il fut couvert d'inju-res. À
la dernière maison cependant, habitait une femme seule
et très pauvre : la Marinou. Elle accueillit de son mieux
le voyageur, un vieil homme transi de froid, le fit approcher
du feu, lui prépara une eau bouillie (ayguo bullido) et
lui donna un peu de fromage de sa chèvre avec un morceau
de pain. Puis, elle lui prépara un lit pour dormir.
Le lendemain matin, au lever, c'est un jeune homme bien habillé
qui se pré-sente à elle et qui lui dit : "
Marinou, je suis Jésus à qui tu as accordé
l'hospita-lité. J'ai voulu éprouver les gens de
ce village, mais tu es la seule qui a été charitable
envers moi. Quitte ta maison, car les villageois vont subir le
châtiment qu'ils ont mérité. Surtout ne te
retourne pas pour regarder". La femme fit ce qui lui était
demandé, mais quand elle entendit un bruit as-sour-dissant,
malgré la défense qui lui avait été
faite par le Christ, elle se retour-na. Elle vit, à la
place du village disparu, un lac, et fut aussitôt transformée
avec sa chèvre en statue de pierre.