La Bouquinerie

Aide / Help Accueil / Home Nous / Us Livres anciens / Old books Editions / Publisher Galerie / Gallery Liens / Links Ecrire / E-mail Commander / Order


 


MARIELLE LARRIAGA

Ardéchois, entends-tu…

La Résistance et la Libération en Ardèche. 1940-1944


PRÉFACE DE FRANÇOIS FILLIATRE, PRÉFET DE L’ARDÈCHE
POSTFACE DE GILBERT GARRIER, PROFESSEUR ÉMÉRITE D’HISTOIRE CONTEMPORAINE À L’UNIVERSITÉ LUMIÈRE LYON II


L’Ardèche est un pays secret (Marie Giraud)...
C’est aussi un pays de rebellions. RÉSISTER à l’emprise nazie, tel a été le maître mot des libertaires de l’Ardèche, terre d’indépendance, terre de refuge, terre de révolte. La spécificité de la résistance ardéchoise se rattache à l’ancienne tradition
cévenole du « refuge huguenot » : aide et protection du proscrit et résistance à l’oppresseur. Les hommes rebelles de l’Ardèche choisirent délibérément, dès 1940, la tactique de guérilla offensive dans une région qui se prêtait à la clandestinité d’une résistance. Avec un grand souci de la vie humaine, qui les fit détourner un des derniers « trains de la mort » ou encore
cacher les poursuivis et préserver la vie des civils.


Marielle Larriaga, réalisatrice de films et auteur de nombreux ouvrages, a pu retrouver pour la rédaction de ce témoignage les acteurs engagés de la Résistance, responsables départementaux ou résistants locaux, saboteurs de voies ferrées ou tireuses de tracts, tous conscients des risques encourus, tous convaincus de l’évidence absolue d’un engagement total.

« UNE DES PLUS GLORIEUSES PAGES DE L’HISTOIRE DE L’ARDÈCHE », RENÉ SAINT-ALBAN.

192 pages 13 EUROS

 

" Dans la guerre comme dans la paix, le dernier mot est à ceux qui ne se rendent jamais. "

Georges Clémenceau

 

Préface

En 1996, ayant pris connaissance du manuscrit " Ardéchois, entends-tu… ", monsieur François Filliatre, alors préfet de l'Ardèche, nous fit l'honneur et l'amitié de consacrer une préface à cet ouvrage. Monsieur Filliatre nous a quittés, mais sa pensée est restée avec nous…

" L'âme de la Résistance est tout entière dans le cœur des soldats de " l'armée des ombres ". À la suite du 18 juin, elle naît, vivifie, rayonne dans le peuple. Sa raison n'est pas la certitude de la victoire, mais la volonté de la dignité humaine contre tout ce qui opprime. Elle dit au tyran : " Tu ne vaincras pas même quand le corps est avili dans les camps, couché dans les fossés ".
Faut-il, après un demi-siècle, traduire ce qui fut indicible, écrire la parole de celles et de ceux que la conscience appelle à demeurer debout ? L'histoire n'est-elle pas " finie " ? Le temps est prodigue en esprits forts que ce passé ennuie, indis-pose. Des sophistes expliquent Vichy. On voit resurgir des signes d'intolérance, de barbarie. Les " quatre cavaliers de l'Apocalypse " poursuivent ici et là leur vieille entreprise d'asservissement.
Mais l'histoire ne se laisse pas enfermer dans les catégories de la commodité. Elle est plurielle, incessante, exigeante. C'est pourquoi elle est nécessaire pour la conduite des hommes et des civilisations.
La civilisation ! Les résistants l'ont défendue, illustrée et nous sommes en charge de leur legs. " Qu'as-tu fait de ton talent ? ". Croire " des histoires dont les témoins se feraient égorger " est non seulement juste, mais salutaire. Réfléchir sur le passé des hommes, le passé de la France, surtout ce passé, est un acte qui engage. Oui, la Résistance était la liberté, la dignité, la justice. Oui, elle était la République, la démocratie, le progrès social. Oui, elle était la conscience de l'universalité, de l'égalité, de la paix. Elle était. Pour qu'elle continue d'ins-pirer, il est bon de tracer les figures de celles et de ceux pour qui ces valeurs signifient l'essentiel de la vie face à la mort.
Marielle Larriaga est habitée par l'inquiétude de ne pas laisser perdre la source, l'unité, le mouvement de l'âme de la Résistance. Elle aime l'idéal et le réel, la pensée qui agit, l'action qui pense. Historienne, elle écoute les voix que le silence n'étouffe pas, des Ardéchois au cœur fidèle dont tous les noms devraient être connus. Son œuvre est comme la pierre dressée le long de nos chemins de la liberté, un " souviens-toi ", un appel à exister, " hommes parmi les hommes ". Puisse-t-elle gagner toutes les générations de lecteurs citoyens, inciter les auteurs à de nouveaux travaux à la lumière des témoignages et des documents, élever le niveau de conscience sur la responsabilité de tout homme, ici et maintenant, de faire que le juste soit fort.

François Filliatre, préfet de l'Ardèche
22 novembre 1996

Postface
Lors de l'édition de " Ardéchois, entends-tu… " en 1996, Gilbert Garrier nous avait fait l'hommage de ce texte de postface. Il nous autorise à le reprendre aujourd'hui. De ce texte, il n'est pas un mot, pas une ligne qui ait perdu sa puissance d'évocation, son actualité.
" Août 1944… Le livre de Marielle Larriaga, comme son film, s'achève dans l'été radieux d'une Libération tant attendue et si chèrement payée. Les Ardéchois n'entendront plus " le vol noir des corbeaux sur la plaine "… Est-il nécessaire, ou seulement utile qu'un historien " de métier " intervienne alors ? Il le fait par devoir d'amitié pour l'auteur, certes, mais aussi pour ces résistants ardéchois qui l'invitèrent à Privas, pour leur beau colloque du 18 juin 1994. Il le fait aussi pour tirer quelques conclusions de portée plus générale.
Ce livre fait une large part aux témoignages. Certes, comme le rappelle d'entrée la doyenne Marie Giraud " l'Ardèche est un pays secret " et " on ne parle pas beaucoup dans les familles ". Marielle Larriaga a su retrouver et faire parler non seulement des témoins, mais des acteurs engagés, responsables départementaux ou résistants locaux, saboteurs de voies ferrées ou tireuses de tracts ; tous conscients des risques encourus, mais tous convaincus de l'évidence absolue d'un engagement total. Un demi-siècle après, pour les survivants de cette " paradisiaque période d'enfer ", selon une belle formule de Jacques Bingen, jeune chef des MUR pour la zone sud, arrêté et suicidé au cyanure en mai 1944, subsiste un devoir de témoignage. Doit lui répondre chez les historiens un égal devoir d'écoute, d'évaluation, de prise en compte. L'histoire, surtout contemporaine, n'est ni achevée, ni totalement exacte. Il reste toujours à ajouter, à nuancer, à rectifier au besoin. Ainsi la mémoire, même lorsque les derniers témoins auront disparu, sera pérennisée par les livres et par les films, ces reconstituons historiques, pour l'information et la mise en garde des générations à venir. Quelle est la portée de cette histoire locale ? En d'autres termes, la Résistance ardéchoise est-elle unique ou exem-plaire ? Sa chronologie reflète parfaitement les grandes phases de la Résistance nationale, avec les quatre inflexions décisives de novembre 1942 - occupation allemande - de février 1943 - STO et réfractaires - de mai 1943 - unité d'action des MUR - et de juin 1944 - lutte armée pour la libération du territoire. Ses formes sont identiques dans leur diversité.
La première spécificité ardéchoise tient à la résurrection de l'ancienne tradition cévenole du " refuge huguenot " : aide et protection au proscrit, et " résistance " à l'oppresseur, dragon du Roi ou reître de la Wehrmacht. Autre trait ardéchois : le choix délibéré de la guérilla offensive et le refus de toute attente d'une libération extérieure, fût-ce dans un " réduit montagnard ", symétrique de celui du Vercors et, comme lui, promis à un tragique destin. Et, par-dessus tout, peut-être, le souci de la vie humaine : les vies à sauver, comme celles des Juifs à cacher lors des " ramassages " le 26 août 1942 et le 26 février 1943, ou comme celles des déportés du dernier " train de la mort " détourné par les cheminots de Peyraud vers Annonay le 6 août 1944 ; mais aussi les vies à préserver, comme celles des civils de Privas, chef-lieu progressivement encerclé, puis évacué le 12 août par les autorités allemandes dociles à un ultimatum audacieux.
Derrière ce livre, et dans ce film, il y a aussi le long martyrologue de l'Ardèche. À l'exemple de l'émouvant mémorial de Thines, plaques et stèles funéraires en témoignent pour les siècles à venir. Ardéchois, entends encore les cris des suppliciés, le chant des fusillés, les pleurs des familles…
Ardéchois, souviens-toi !
Gilbert Garrier,
Professeur émérite d'histoire contemporaine à l'université Lumière Lyon II

Avant-propos
Ce livre ne prétend pas être une histoire exhaustive de la Résistance en Ardèche. Il s'appuie sur le scénario à partir duquel a été réalisé le film " Ardéchois, entends-tu… " On pourra y retrouver quelques événements, quelques péripéties, parmi les plus emblématiques de ce grand combat qui a rassemblé " les hommes libres " de cette région.
" Ces hommes libres " - ce furent souvent des femmes - on en retrouvera quelques-uns au cours de ces pages, et leurs témoignages précisent ce que furent les vies, en ces temps troublés, de ces êtres qui voulaient vivre debout.
Nombre ne seront pas nommés, quels qu'aient pu être leur courage, leur souffrance, leur importance. Ce livre veut seule-ment leur faire hommage, et eux qui ont la parole ici, ceux qui sont évoqués, les représentent.
Tous les participants de cette époque apparaissent en fili-grane dans cette histoire de révolte, de courage, de bruit et de fureur.

M.L.

Index des noms de lieux

Alboussière, 54
Alès, 126, 127, 129, 143
Alissas, 111
Ancône, 54, 68
Andance, 14, 34, 114, 115, 116, 140, 141
Annonay, 14, 28, 32, 33, 35, 50, 60, 73, 96, 112, 113, 114, 115, 116, 117, 118, 132, 139, 143, 148
Antraigues, 105, 120, 121, 123, 124
Arras, 69
Aubenas, 17, 19, 20, 31, 33, 34, 49, 50, 61, 75, 76, 87, 97, 126, 127, 136, 138, 140, 141, 143
Aulnay-sous-Bois, 26
Auschwitz, 46, 47, 48
Avignon, 53
Bagnols-sur-Cèze, 72
Baix, 94, 137, 139
Banne, 127
Baraques, 68
Barjac, 93
Beauchastel, 69, 71, 110, 137
Blaches, 53
Bollène, 98
Bosas, 91
Bourg-les-Valence, 67
Bourg-Saint-Andéol, 19, 20, 31, 34, 36, 53, 61, 75, 96, 126, 135, 139, 143
Bournat, 53, 69
Brahic, 72
Brison, 97
Buis-les-Baronnies, 83, 84, 85
Burianne, 122, 123
Cavalaire, 134, 142, 143
Chambon-de-Bavas, 109
Champ-de-la-Lioure, 140
Champis, 54
Chanéac, 53
Charmes, 67, 70, 71, 110, 122, 135
Chassesac, 72
Chateaubourg, 69, 70, 73, 136, 139
Cheylard, 44, 53, 57, 60, 68, 75, 118, 120, 121, 122, 123
Chomérac, 33, 53, 111, 140
Clermont-Ferrand, 26
Coiron, 82, 140
col de Juvenet, 53, 112
col de La Fayolle, 73
col de La Tournette, 94
col des Quatre Vios, 79, 123
col du Moulin-à-Vent, 111
Colombier-le-Vieux, 91, 98
Cornas, 69, 70, 73
Corse, 64
Crest, 43, 137
Crottes, 93
Cruas, 33, 50, 94, 137, 139
Cuves de Duzon, 71
Darbres, 138, 140
Daronne, 52
de Bourg-les-Valence, 67
Desaignes, 102
Die, 137
Dora, 91
Dornas, 121, 124
Doux, 20, 52, 71
Drancy, 47, 48
Empurany, 98
Escrinet, 110, 119, 121, 127
Eyrieux, 121, 136
Flossenburg, 67
Fortunière, 53, 54, 95
Gerbier de Jonc, 42, 53
Gerbier-de-Jonc, 21, 75, 76, 81, 84
Gilhoc, 68
Glun, 69, 98, 136
Gonettes, 71
Gordes, 98
Grand Tracol, 53, 54, 95
Izon-la-Bruisse, 98
Joannas, 74, 126
Joyeuse, 19
Jura, 58, 80, 120
Juventin, 59, 95
Kiev, 64
Küstrin-sur-Oder, 26
La Chèze, 124
La Cula, 35, 52, 53, 55, 63, 67, 68, 69, 88
La Louvesc, 50, 116
La Versanne, 115
la Voulte, 135
La Voulte, 69, 71, 72, 73, 94, 108, 109, 135, 137
La-Bastide-de-Virac, 93
Labégude, 50, 55
Lalevade, 73
Lamastre, 31, 46, 50, 61, 87, 88, 96, 120, 122, 123, 124, 145
Langogne, 136, 143
Lardois, 53, 54, 69
Largentière, 17, 19, 44, 47, 55, 61, 65, 74, 97, 98, 126
Lavilledieu, 136, 138
Le Doux, 31
Le Monestier, 117
Le Pouzin, 137
le Puy, 143
Le Teil, 34, 50, 61, 70, 73, 94, 126, 136
Lentillières, 53
Livron, 69, 135
Londres, 15, 16, 26, 38, 40, 42, 43, 75, 78, 80, 81, 85, 106, 143
Loriol, 68
Lussas, 138
Lyon, 5, 12, 35, 42, 43, 45, 50, 67, 68, 80, 84, 88, 104, 124, 125, 126, 138, 145, 148, 149, 150, 151, 152
Marcols-les-Eaux, 79
Marsanne, 78
Marseille, 68, 85, 132
Mas, 53, 69, 128
Mas-de-Serret, 92, 93
Mauthausen, 19, 36, 94
Mauves, 50, 68, 135
Mende, 94
Meysse, 50, 88, 137, 139
Mézilhac, 120, 121, 124
Mirabel-les-Baronnies, 98
Monselgues, 83, 85
Mont Miandon, 117
Montpellier, 143
Montpezat, 33, 88, 134
Neuengamme, 12, 88, 91, 94
Nîmes, 68, 92
Nyons, 98
Ollières, 49, 109, 141
Oranienburg, 94
Orgnac, 73
Paris, 30, 41, 45, 152
Parveyraud, 100
Peyraud, 132, 134, 140, 148
Pleine-Selve, 108
Pont-de-l'Isère, 137
Pont-Saint-Esprit, 65, 70, 97, 98
Portes-les-Valence, 78
Pouzin, 34, 49, 65, 69, 72, 73, 109, 120, 135, 137, 140
Pranles, 108, 109, 110
Préaux, 55
Privas, 12, 19, 31, 33, 38, 43, 50, 73, 79, 85, 87, 96, 98, 108, 109, 110, 111, 124, 126, 127, 138, 141, 143, 144, 147, 148
Ravensbruck, 43, 103, 104
Rethondes, 14
Rochemaure, 35, 70, 139
rocher de Bouboulas, 79
Roches, 53, 69
Romainville, 96, 104
Ruoms, 19
Saint-Agrève, 43, 49, 53, 57, 61, 121, 139
Saint-Andéol-de-Fourcade, 121, 122
Saint-Barthélemy-le-Plain, 53, 99, 102
Saint-Cierge-sous-le-Cheylard, 123
Saint-Etienne, 19, 43, 72, 89, 116
Saint-Etienne-de-Lugdarès, 59, 72
Saint-Félicien, 35
Saint-Geneys-sur-Coiron, 98
Saint-Germain, 136, 138
Saint-Jean-de-Muzols, 20, 62, 68, 71, 73
Saint-Just-d'Ardèche, 65, 87
Saint-Laurent-du-Pape, 69
Saint-Laurent-les-Bains, 73
Saint-Marcel-d'Ardèche, 53, 70, 139
Saint-Martin-de-Valamas, 53, 120, 121, 122
Saint-Maurice-d'Ibie, 59
Saint-Péray, 50, 54, 58, 68, 70, 87, 95, 96, 110, 137, 139
Saint-Pierreville, 47, 120, 121
Saint-Remèze, 42, 53, 135, 138
Saint-Rémy, 98
Saint-Roman-d'Ay, 73
Saint-Vallier, 112, 139
Saint-Vincent-de-Barrès, 82
Sanilhac, 97, 103
Sarras, 14, 50, 63, 69, 73, 98, 114, 115
Serre-de-Peyron, 68
Serre-Perron, 53, 69, 71
Serrières, 34, 112, 115, 139
Soyons, 16, 36, 70, 71, 95, 108, 137, 139
Stalingrad, 64
Tain, 14, 87, 89
Teil, 35, 53, 65, 66, 72, 88, 96, 132, 134, 136, 138
Thines, 72, 83, 84, 85, 121, 148
Toulaud, 53, 54, 59, 69, 71, 94
Toulouse, 143
Tournon, 14, 20, 28, 31, 34, 50, 55, 60, 61, 63, 66, 69, 71, 72, 75, 88, 89, 96, 109, 112, 116, 135, 139, 141, 143
Vagnas, 73, 93
Valence, 17, 20, 38, 47, 52, 67, 101, 110, 114, 115, 118, 120, 124, 126
vallée de la Thine, 83
Vallon, 19, 50, 53, 95, 138
Vals, 12, 19, 23, 24, 25, 26, 27, 34, 46, 49, 50, 55, 103, 126, 127, 141, 143
Vans, 61, 93, 127, 128, 146
Vercors, 21, 58, 148
Vernoux, 96
Vichy, 7, 15, 23, 25, 30, 45, 60
Villefort, 94, 127
Villeneuve-de-Berg, 138
Villevieux, 80
Vinezac, 47
Vion, 66, 68, 71
Viviers, 19, 34, 36, 87, 91, 96, 127, 130, 131, 135, 136, 137, 139
Vogüé, 136, 138
Weimar, 67

Table des matières

Préface 7
Avant-propos 9
Trois femmes 11
L'esprit de résistance 14
Une résistance en gestation 19
Une évasion à Vals-les-Bains 23
La Résistance en marche 28
L'âge du bronze 30
L'Ardèche en zone occupée 33
Louis et Anna Govers 38
La chasse aux Juifs 45
La deuxième phase de la Résistance… 49
Les maquis 52
Le service du travail obligatoire 57
La guerre d'usure : les sabotages 60
Les parachutages 75
La tragédie de Thines 83
La lutte contre les collaborateurs 87
Menaces contre les maquis 91
Le récit de René 99
Le charme discret des femmes de la Résistance 102
Le 6 juin 1944 106
Privas 108
Annonay 112
Le Cheylard 120
Aubenas 126
La destruction du pont de Viviers 130
Le train de la mort 132
Les derniers combats ardéchois 134
Débarquement Dragoon 142
Le passé des enfants d'aujourd'hui 146
Postface 147
Remerciements 149
Bibliographie de l'auteur 150
Filmographie de l'auteur 152
Index des noms de lieux 154
Table des matières 157

 

Index des noms de lieux

 

table des matières

 

 

Extraits 2 premiers chapitres

Trois femmes
" L'Ardèche, c'est un pays secret, vous savez. On ne raconte pas d'histoires en Ardèche. On ne raconte pas l'Histoire ".

Ainsi Marie Giraud, nonagénaire, doyenne ardéchoise, qui a caché pendant l'occupation allemande des résistants, des Juifs, un aviateur anglais, définit-elle son pays natal. Le visage de Marie est buriné par le grand âge. Le menton est devenu prognathe, hérissé de quelques poils durs et blancs. Ainsi qu'il advient dans l'extrême vieillesse, la bouche est aspirée de l'intérieur, mais elle reste large, expressive, tour à tour dubi-tative ou moqueuse.
" Dans les familles, on ne parle pas beaucoup, je ne dirai pas que c'est le pays qui le veut, mais un peu quand même… Dans nos montagnes, il s'est caché des opposants, depuis trois cent ans. D'abord pour des raisons religieuses, puis la Révolution est arrivée, certains étaient pour, d'autres étaient contre… "
Elle parle du passé de son pays, Marie l'Ardéchoise. Ses yeux, agrandis par le verre des lunettes, fascinent, d'émeraude opalescente, pailletés, immenses. S'impose son image des années quarante : une superbe jeune fille aux cheveux fous, rejetés en arrière, au beau visage résolu, avec un grand front volontaire. Marie l'Insoumise. L'appelez-vous " Madame ", elle réplique sèchement " Mademoiselle ". Rebelle au mariage aussi, peut-être, la belle Ardéchoise.
Le passé revient par petites vagues : " Napoléon, ça allait encore, mais le neveu, Badinguet, ça n'allait pas ". Le front de la vieille dame se plisse, son regard se fait rusé, elle hoche la tête et assène vigoureusement : " Mais avec les Allemands, ça n'allait pas du tout ".
Autre portrait d'Ardéchoise impliquée dans la Résistance : Georgette Barde-Bouvier. Lorsque Georgette évoque l'appel du général de Gaulle, son sourire monte jusqu'à ses yeux bleus. " Le 18 juin, j'avais vingt ans, exactement vingt ans, je suis née le 18 juin 1920… " Et, avec une mine de gamine malicieuse qui a joué un bon tour, elle ajoute : " C'est d'ailleurs une des raisons qui m'ont poussée à résister… Malheureusement, je n'ai pas entendu par moi-même l'appel du général de Gaulle. Mais quelque chose me dit que je devais être destinée à suivre cet appel, voyez-vous, je suis née à Lyon, la ville qui allait devenir capitale de la Résistance. Je suis allée à l'école rue Vieille-Monnaie qui, après la Libération a été rebaptisée rue René Leynaud, c'est le nom d'un résistant, journaliste au grand quotidien Le Progrès, responsable du service des renseignements de Combat à Lyon, arrêté par la Milice en possession de documents clandestins, et assassiné par les Alle-mands… et, autre coïncidence, le bâtiment de l'école abritait une imprimerie où , plus tard, Eugène Pons, imprimeur fou de liberté, éditera Les Cahiers du Témoignage Chrétien, Libéra-tion, Franc-Tireur, jusqu'à son arrestation et sa déportation à Neuengamme, d'où il ne reviendra pas… "
Lorsque Georgette eut dix ans, ses parents quittèrent Lyon pour Privas, où ils appelèrent, sans doute avec un peu de nostalgie, leur salon de coiffure " Le Salon lyonnais ". C'est dans la capitale ardéchoise que Georgette devait entrer en contact avec Louis Govers, patriote belge opposé au nazisme, s'engager dans le réseau Sabot-Brick, puis œuvrer dans le Troisième Bureau de l'Armée Secrète à Vals. Ses missions : dactylographie de textes, souvent " empruntés " aux services préfectoraux et, parfois, de dangereux transferts de documents secrets.
Après la Libération, cette petite dame à l'air très sage n'a guère parlé de sa résistance. En septembre 1994, lors de la commémoration à Privas du cinquantenaire de la libération de l'Ardèche, et la projection du film " Ardéchois, entends-tu… " dans lequel elle figure, ses voisines, qui la connaissaient depuis des décennies s'étonnent : " Mais, cette Georgette Bouvier, elle vous ressemble, elle a le même nom que vous, c'est une cousine ? ".
Marie l'Ardéchoise et Georgette, la petite Lyonnaise de vingt ans devenue privadoise, s'inscrivent dans la lignée histo-rique de la protestante Marie Durand, enfermée pendant trente-huit ans dans la Tour de Constance à Aigues-Mortes, pour délit de conscience. Sur la margelle du puits de son cachot, elle a gravé l'inscription " Register " (résister), profession de foi pour elle, mot d'ordre pour ses compagnons camisards mena-cés des pires châtiments, de la roue au bûcher, de l'exil aux galères.
Au cours des temps, ce mot d'ordre deviendra le maître-mot des libertaires de l'Ardèche, terre indépendante, terre de refuge, terre de révolte.

 

L'esprit de résistance
À première vue, l'Ardèche ne semblait pas devoir s'inquié-ter de l'occupation allemande. Les spécificités de cette provin-ce, ses industries, n'étaient pas tournées vers les accessoires de combat, elle n'avait ni aérodrome, ni port maritime et les frontières de l'est sont si lointaines… De plus, elle appartenait aux régions décrétées " zones libres " par la convention d'ar-mistice. Pourtant, grâce au caractère farouche de ses habitants, à cette " voie historique " de la France qu'est la vallée du Rhône, les appels à la résistance, celui du général Cochet le 17 juin, celui du général de Gaulle le 18 juin arrivaient en Ardèche en terrain favorable.
Par ailleurs, géographiquement, l'Ardèche se prêtait à la clandestinité d'une résistance. Ses collines boisées, coupées de torrents et de gorges profondes débouchant sur la vallée du Rhône, importante voie de communication routière, ferroviaire et fluviale, étaient propices à des actions de guérillas.
Les Ardéchois rappellent volontiers les combats nocturnes du 21 juin 1940 à Andance entre la première brigade de spahis et les éléments de tête allemands, qui durent s'incliner. Les tirs, partis des hauteurs de Sarras, d'Annonay, de Tain et de Tournon évitèrent l'envahissement du département en bloquant la progression des troupes ennemies, au mépris de l'ordre donné le 17 juin par le maréchal Pétain d'abandonner la lutte. Même le traité d'armistice signé le 22 juin à Rethondes n'empêcha pas le combat ardéchois de se poursuivre jusqu'au 25 juin. Plus tard, lorsque les événements ramenèrent les soldats allemands en Ardèche, leur hantise de l'insoumission ardéchoise sera telle qu'ils afficheront à l'entrée de certaines villes fortes, telle Tournon, des panneaux portant l'inscription " Achtung terroristen ".
S'il n'est pas utile d'épiloguer sur l'appel du 18 juin du général de Gaulle, celui du général Cochet n'a pas retenu toute l'attention qu'il méritait. Ce courageux général n'a même pas l'honneur du Petit Larousse illustré, qui fait cependant état de son homologue Henri Cochet, joueur aux multiples victoires sur les courts de tennis !
Commandant des Forces Aériennes de la 5e Armée, le général Georges Cochet, estimant que la défaite n'est qu'une péripétie d'un immense combat, décide, quelques heures après le message défaitiste du maréchal Pétain, qu'il convient de poursuivre la lutte conte l'ennemi, d'apprendre à dissimuler. Ses fameuses " feuilles jaunes ", texte ronéotypé sur un mauvais papier de couleur orange, qui vont circuler en Ardèche et dans toute la région Rhône-Alpes, dictent les consignes : " Veiller, Résister, S'Unir ". Dans son appel du 6 septembre, il argumente : " que la France s'est trouvée dans des situations tragiques, qu'elle s'en est sortie, non sans efforts et sacrifices considérables en faisant preuve d'une volonté farouche et d'une abnégation totale des intérêts et des vies des particuliers devant l'intérêt du pays ".
Faisant suite à l'appel du général de Gaulle, une équipe française diffuse chaque jour une émission Radio-Londres sur les antennes de la BBC, donnant aux Français des raisons d'espérer. Plus tard, par la même voie, parviendront aux résistants consignes et renseignements sous forme de messages codés empruntés à la poésie, à la vie quotidienne ou dus à l'humour décapant des speakers. Cette guerre des ondes aura un effet psychologique considérable. Hitler lui-même n'avait-il pas dit : " En temps de guerre, les mots sont des armes " ?
Cependant, à l'Assemblée nationale réunie à Vichy par Laval, se prépare le scrutin du 10 juillet. Inutile de voter les pleins pouvoirs à Pétain : ils lui sont acquis depuis le 16 juin. Il s'agit de bâtir une nouvelle constitution, de donner une autre forme à l'Etat. Sommés d'entériner la suppression du Parlement, de remettre au maréchal des pouvoirs constitution-nels illimités, quatre-vingts parlementaires refusent de céder. L'Histoire les nommera Les Quatre-vingts. Parmi eux deux Ardéchois, le docteur Marcel Astier, sénateur radical, et Edouard Froment, député socialiste. Retentit alors le premier cri officiel de résistance " Vive la République quand même ! " poussé par Marcel Astier et quelques autres, qui tente de couvrir les clameurs lavalistes victorieuses. Marcel Astier et Edouard Froment, que l'on peut considérer comme les premiers participants de cette " résistance spirituelle " qui engendrera " la résistance d'action ".
En 1941, le docteur Astier est installé à Soyons, dans sa maison appelée opportunément Le Vivier, où son gendre Jean Tainturier, évadé d'un oflag de Lorraine, le rejoint. Sous les directives de Pierre Limagne, chef départemental et sous-chef régional de l'Armée Secrète, il entreprend la création d'un instrument militaire indépendant de toute action politique, se charge de la mise en place des chefs de secteurs. Le Vivier sera un pôle de rassemblement d'innombrables opposants au régime vichyste. En 1943, Marcel Astier est en relation avec Christian Pineau, créateur du mouvement Libération Nord, qui s'active au sein du réseau Phalanx pour le BCRAM.
Astier, ancien président du Crédit Agricole et très au fait du monde rural, fournit à Christian Pineau, pour son réseau, des renseignements politiques et économiques sur l'agriculture et le ravitaillement en Ardèche. Traqué par la police française pour ses sentiments protestataires, le docteur Astier quitte l'Ar-dèche pour Londres, via Lons-le-Saunier, avec pour compa-gnon de voyage aérien Vincent Auriol, avant de rejoindre Alger et les bancs de l'Assemblée Consultative provisoire.
Edouard Froment, délégué à la propagande du Parti Socialiste Clandestin, continue son action d'opposition, action à but politique, en entretenant en zone libre l'influence du Parti Socialiste grâce, entre autres, à la diffusion du journal Le Populaire, diffusion qui lui vaudra plus tard de faire l'objet d'une fiche de recherche des services de police alors que, par bonheur, il est déjà en Angleterre. Cette action politique devient bientôt action directe contre l'ennemi au bénéfice du réseau de renseignements Brutus. Révoqué par le régime vichyste de ses fonctions de maire à Largentière, Edouard Froment, tout comme Marcel Astier fera partie des parle-mentaires pressentis pour la création de l'Assemblée Consul-tative Provisoire envisagée à Alger, dont le but était la légitimation du pouvoir gaulliste vis à vis de la Résistance et des Alliés. Au travers d'Astier et de Froment, l'Ardèche sera le département le mieux représenté au sein de la nouvelle Assem-blée.
Un état d'esprit de la Résistance naît en Ardèche. D'abord par des actions individuelles : l'un cache des chevaux de l'Armée que les Allemands auraient volontiers récupérés, l'au-tre sabote des tracteurs militaires sur lesquels les vain-queurs avaient des vues… Mais ces actions n'ont pas de connexion directe avec la Résistance. Un service de Camouflage des Matériels est alors mis sur pied par le colonel Mollard. Dans l'idée d'une reprise des combats contre les Allemands, armes, munitions, camions, matériels sanitaires sont dissimulés en Ardèche, voire enterrés en des lieux discrets.
La contestation de l'Etat pétainiste rassemble adultes et adolescents. Les lycéens d'Aubenas, entre autres, réagissent sous forme de guerre psychologique : René Grimaud, André Cayron et leurs compagnons commencent leur résistance avec l'intention d'agacer les Vichystes en parsemant les murs de leur ville d'étiquettes sur lesquelles ils ont calligraphié " À bas Pétain ! ". De l'autre côté du Rhône, les élèves du lycée Emile-Loubet améliorent le procédé avec un jouet-imprimerie, puis utilisent les ronéotypes des bureaux des Travaux Publics de Valence.

Il y a la mystérieuse énergie
Qui refuse les ténèbres
Et ne veut pas qu'on tue la vie

Arlette Humbert-Laroche


| Accueil | Éditions | Zoom ! | Publishing house | Home |


© La Bouquinerie & Editions et régions, 1997-2014
Editions et Régions.
La Bouquinerie - 77 avenue des Baumes - 26000 Valence - France
Tel : ++33 (0) 6.88.08.35.96 - Mail : contact@labouquinerie.com
Sauf mention contraire, les images illustrant ce site sont protégées.
Dernière mise-à-jour : 2014 Last update :