La Bouquinerie

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HENRI SIRANYAN
Flâneries arméniennes en Drôme-Ardèche


Les historiens qui se sont penchés sur l’histoire du peuple arménien, n’ont pas fini d’être étonnés par sa vitalité et par sa propension à renaître coûte que coûte, malgré les tragédies qui ont jalonné son histoire. Cet ouvrage permet de découvrir l’intégration d’un peuple déraciné, dans ses joies et ses peines, dans sa vie au quotidien, à travers les « Flâneries » hebdomadaires publiées par le Dauphiné Libéré. Ces rubriques, recueillies dans ce livre, nous font découvrir l’enfance, l’adolescence et aussi la vie d’adulte de ces enfants d’émigrés qui ont réussi à s’insérer dans la société malgré les difficultés de la guerre et de l’occupation. Des « Nouvelles » complètent l’ouvrage pour faire plus amplement connaissance avec cette communauté, dans ses différences, voire son exotisme, ou pour relater les épisodes dans le quotidien d’un peuple exilé depuis la tragédie génocidaire de 1915.

Henri Siranyan est issu de cette génération, la première née en France après le génocide arménien de 1915. Né à Romans dans la Drôme en 1935, expert-comptable et enseignant universitaire retraité, il consacre son temps à l’histoire de sa communauté. Ayant vécu dans son enfance la triste période de la guerre et de l’occupation, ses souvenirs, narrés dans un style direct où alternent l’émotion et l’humour, font resurgir les instants où se mêlent les jeux d’enfants avec l’histoire d’une ville en reconstruction, Valence, ou même dans la Drôme et l’Ardèche. Il est également l’auteur d’une étude sur la littérature arménienne et d’un dictionnaire des principaux écrivains et poètes arméniens.

« UNE BELLE PAGE DE L’HISTOIRE DES ARMÉNIENS » RENÉ SAINT-ALBAN
« CET OUVRAGE FAIT PARTIE DE L’HÉRITAGE CULTUREL D’UN PEUPLE », ALAIN BALSAN

Préface de Pierre Vallier

300 PAGES. 18 EUROS + 4 euros port

Vous pouvez le commander chez l'auteur : 06.18.48.69.14

Préface de Pierre Vallier
Mes Arméniens
Lorsque j'étais enfant dans mon village de la Drôme des collines, il n'y avait aucune famille armé-nienne. J'avais simplement entendu dire que ce peu-ple si attachant était malheureux, persécuté par d'au-tres. Plus tard j'apprenais que ce malheur se nom-mait génocide, et on se demandait comment des hommes avaient pu faire cela à d'autres hom-mes. Puis on a vu pire encore, trois fois hélas !
Je n'ai connu enfin des Arméniens que plus tard, en arrivant au collège de Valence, et j'ai découvert des gens de cœur, ouverts et fraternels. Dans ma classe je m'étais lié d'amitié à Jamakortzian, un garçon sou-riant, au teint mat. C'était Jama, un élève doué qui parti-cipait de bonne humeur aux cours. Il était passionné de football avec l'Union sportive des jeunes d'origine arménienne. Le sport n'avait pas ma préfé-rence, mais il tentait de me convaincre du contraire, et essayait de m'entraîner dans son club. C'est ainsi que je me suis intéressé les lundis aux résultats de l'USJOA, ce qui lui faisait plaisir. Mais je devais quitter Valence, et nous nous sommes perdus de vue. Un jour, sa disparition m'a fortement peiné. Cher Jama.
À peu près à la même époque je fréquentais quoti-dienn-ement notre dépôt de presse, boulevard d'Alsa-ce, tenu par Georges Pierre-Bès, dit " Jésus ", du maquis du Vercors, rescapé de la grotte de la Luire, et son épouse " la Reine ". Là, à peu près chaque matin, je rencontrais beaucoup de gens, donc des Arméniens aussi, et deux ou trois très anciens qui ne parlaient pas français, et venaient chercher leur " Haratch ", petit journal composé en caractères particuliers qui me semblaient bien mys-té-rieux. Un jour, avec des mines de conspirateurs, ils me montrèrent dans " Haratch " la traduction d'un de mes articles du " Dauphiné ", et ils s'amusèrent de mon étonnement tout en sirotant un café.
J'avais fait autrefois une enquête sur le cas des couples mixtes franco-arméniens dont l'un des conjoints enseignait la langue à l'autre. Ainsi Odette Mikaélian, devenue de ce fait interprète au tribunal à la satisfaction des magistrats, ou Jean-Marc Abattu, président des sports valentinois, mari de notre amie Iskouhi, correspondante du " Dauphiné ". Ainsi se poursuit une intégration douce et affectu-euse.
Naturellement je connais désormais beaucoup d'Arméniens de Valence, dont certains sont des amis, comme ce cher Henri Siranyan, l'auteur de " Flâ-ne-ries " du " Dauphiné " que vous allez lire avec plaisir dans ce volume, ou encore ce vieux compagnon, Jo Boyadjian, champion de natation, mon jeune conscrit. Il fut aussi un temps où j'avais même choisi pour médecin le bon et regretté Dr Marc Koharian.
Voici quelques uns de mes Arméniens, et j'y tiens.
Juin 2014

Avant-propos d'Alain Balsan
Les Arméniens et Valence
Une amitié forte et constante depuis quatre-vingt-dix ans

Depuis bientôt un siècle, Valence est devenue la première ville de France en pourcentage de popu-lation d'origine arménienne. Cette particula-rité surprend toujours le visiteur. Valence, ville armé-nien-ne, pourquoi et comment ?
La réponse à cette double question nécessite un bref rappel historique.
Avant d'être réduite à ce qu'elle est aujourd'hui, un petit état de moins de 30 000 km² (le vingtième de la France métropolitaine), enclavé ou plutôt encerclé par la Géorgie, l'Azerbaïdjan, l'Iran et la Turquie, l'Arménie s'est étendue de la Méditerranée à la Mer Caspienne, de la Cappadoce à la Méso-potamie. Berceau d'une civilisation brillante et convertie au tout début du IVe siècle, elle reven-dique avec fierté sa qualification de plus ancien état chrétien. Ce sera aussi la cause essen-tielle de ses malheurs. En butte à une hégémonie ottomane sans cesse croissante, les populations arméniennes tentent à la fin du XIXe siècle d'obtenir une égalité de traitement avec les populations musulmanes. Une répression sanglante est la seule réponse du gouvernement turc, infructueusement dénoncée par Jean Jaurès à la Chambre des députés le 3 novembre 1896.
Le premier conflit mondial va être l'occasion pour les autorités turques de régler définitivement la " Question arménienne " évoquée au malen-con-treux Congrès de Berlin de juin-juillet 1878. Le 1er novembre 1914, l'Empire ottoman entre en guerre aux côtés des Allemands. Depuis 1908, la Turquie est gouvernée par le " Comité Union et Progrès ", connu sous le nom de Jeunes-Turcs, qui a renversé le sultan. Prétextant une prétendue collaboration des Arméniens avec l'ennemi russe, le gouvernement Jeunes-Turcs prescrit secrètement, sous la qualifi-cation officielle de déportation, l'élimination de tous les Arméniens de l'Empire ottoman. Le 24 avril 1915, commence le premier génocide du XXe siècle qui fera un million et demi de victimes. La communauté internationale s'insur-ge et publie des communiqués : " La population kurde et turque de l'Arménie procède de connivence et souvent avec l'aide des autorités ottomanes à des massacres des Armé-niens ". Mais la Grande guerre constitue alors la pré-occupation primordiale. Les survivants n'ont plus d'autre choix que l'exode.
Le Proche-Orient, la Russie, la Grèce et la Bul-garie accueillent les premiers émigrants. Les traités de paix avaient prévu la constitution d'un état arménien autonome, la Cilicie, d'abord confiée par mandat à la France, mais abandonnée aux Turcs en 1921. La France est considérée comme terre d'asile pour des raisons symboliques - elle incarne les droits de l'homme - et économiques, car il faut rem-pla--cer le million et demi de victimes de la Première guerre mondiale. Les Arméniens débar-quent à Marseille où, totalement démunis et précai-rement hébergés, ils attendant les offres d'embau-che. Elles sont nombreuses dans la Drôme et surtout à Valence où l'on manque de personnel. La fabrique de pâtes alimentaires Gilibert et Tézier, par exem-ple, comptera bientôt autant d'Arméniens que de Français pour les hommes et même 67 % du person-nel féminin. En 1926, Valence abrite 818 Armé-niens et plus du double dix ans plus tard. Ils se regroupent, dans la vieille ville, dans un quadri-latère qui prendra la dénomination de " Petite Arménie ", évoquée dans les pages qui suivent. Mais la crise économique s'instaure et une loi Laval de 1932 impose un quota d'étrangers dans les entreprises ; chassés de leur emploi, les Arméniens se tournent vers le petit commerce indépendant et l'artisanat. Voilà pour la question " Pourquoi Valence ? "
Lorsqu'ils s'interrogent sur les conséquences de l'arrivée d'une population exogène dans une contrée, les sociologues distinguent deux résul-tats extrêmes, le communautarisme, avec une diffé-ren--ciation, voire une dissociation, d'avec la société d'accueil ou l'assimilation, avec la perte pour l'ethnie arrivante de son identité d'origine et un résultat médian, hautement souhaitable, l'intégration.
En deux ou trois générations, les Arméniens se sont remarquablement intégrés à Valence et servent désormais d'exemple à l'échelle nationale. Indus-triels, commerçants ayant " pignon sur rue ", mem-bres des diverses professions libérales ou de la fonction publique, ils sont courtisés pour participer à la gestion municipale...
Leur exceptionnelle réussite tient, nous semble-t-il, essentiellement à la cohésion sociale de leur communauté qui trouve son ancrage dans deux facteurs : la religion et l'activité associative.
L'Église apostolique, que l'on confond commu-nément à tort avec l'Église orthodoxe, et dont la dissidence d'avec les catholiques remonte à 451, date du concile de Chalcédoine auquel elle n'avait pas participé, regroupe la grande majorité de la communauté arménienne dont elle est le reflet fidèle de l'évolution à Valence. À leur arrivée, les Arméniens se retrouvent pour la célébration de leur culte au rez-de-chaussée d'un immeuble vétuste, côte des Chapeliers. Dix ans plus tard, en 1933, ils aménagent une salle plus accueillante, mais encore provisoire, rue Balthazar-Baro. En 1953, est édifiée une église parfaitement ornée et équipée, Saint-Grégoire-l'Illuminateur, rue Ambroise-Paré. En 1992, enfin, est consacrée Saint-Sahag, ancienne chapelle Saint-Joseph cédée par les pères Rédemptoristes, rue de la Cécile. On compte aussi quelques catho-liques et des protestants ainsi que l'église de Mara-natha.
À côté des partis politiques, le Ramgavar, libéral, le Dachnak, socialiste et le Hentchak, social-démo-crate, les Arméniens sont particulièrement friands d'activités associatives. " Deux Arméniens, trois asso-cia-tions " aiment-ils souligner avec malice. Il y a une dizaine d'années, on comptait vingt-huit asso-cia-tions arméniennes dans la Drôme : vingt-et-une à Valence, six à Bourg-lès-Valence et une seule à Romans. Elles ont un but de bienfaisance, avec l'UNA et l'UGAB, mais elles sont aussi culturelles, sportives ou encore compatriotiques qui regroupent les familles originaires d'une même région d'Ana-tolie, Kharpout et Malatia, pour la plupart.
Mais la grande question demeure, pour les Arméniens, l'avenir de leur identité culturelle. Il est déjà difficile de donner aujourd'hui avec précision le pourcentage de population d'origine arménienne à Valence et le chiffre de 10 % généralement avancé devient approximatif. Si l'endogamie au sein de la communauté demeure, de nombreux mariages " mix-tes " la tire en effet vers l'assimilation. Le folklore, musique et danse, la tradition culinaire et surtout la langue sont toujours transmis avec application, mais pour combien de temps encore ?
L'histoire des Arméniens, fait bien sûr, partie de cet héritage culturel à conserver et à développer ; ce recueil des Flâneries d'Henri Siranyan contribue remarquablement à sa transmission.

Alain Balsan

 

Introduction :
Les Arméniens à Valence

C'est entre 1920 et 1922 que se situe la grande vague d'immigration des Arméniens rescapés du génocide de 1915. Venant de Syrie, du Liban ou de Grèce, ils seront parqués dans un premier temps dans le quartier Oddo de Marseille où des campe-ments provisoires seront installés pour les accueillir. La politique française est favorable à cette arrivée de travailleurs étrangers, car les entreprises man-quent cruellement de main-d'œuvre, consé-quence des années meurtrières de la guerre. Beaucoup d'entre eux remonteront la Vallée du Rhône en quête d'emplois, de vie et d'avenir, c'est le " Chemin des Nations " suivant l'expression d'Elysée Reclus. Dans l'Ardèche, les filatures et moulinages sont en pleine expansion et sont demandeurs de cette main d'œuvre dont les prétentions sont modestes. Bien plus, les dirigeants des centres métallurgiques de La Voulte et du Pouzin iront même jusqu'à Marseille pour leur recrutement. C'est ainsi que dans ce département, va se créer une communauté impor-tante, les arrivants embauchés étant logés, avec leurs familles dans des bara-quements ou des masures délabrées, non loin du lieu de travail et remis en état pour la circonstance. Hélas, la crise de 1929 va bouleverser cette situation. Les entreprises ardéchoises subissent les effets de la crise et seront contraintes de débaucher, se conformant à la loi du 10 août 1932 promulguant le contingentement des travailleurs immigrés. La commu-nauté arménienne des villes et villages ardéchois va donc se démanteler dans un vaste mouvement migratoire en direction des plus grandes villes, dont Valence.
A Valence, existe déjà une " colonie arménienne ", pour reprendre la terminologie de l'époque, qui avait pu trouver du travail dans les entreprises importantes de l'époque : la Boulonnerie Calibrée, Gilibert et Tézier, la Réglisserie Dauphinoise, les Ateliers de Construction de la Drôme, etc. Les nouveaux venus vont donc amplifier la commu-nauté en " gonflant " certains quartiers de la ville, poussés par un instinct grégaire. La concen-tration se singularisera dans un périmètre compre-nant les rues Bouffier, Belle-Image, Quatorze Cantons, Balthazar Baro et le boulevard Vauban. D'autres avaient pu trouver refuge dans un vieil immeuble désaffecté côte des Chape-liers, que les Arméniens appelaient le " Kemp " (déclinai-son phonétique du mot camp dans le langage américain) où se déverseront les premiers venus à Valence qui provisoirement avaient trouvé refuge dans un ancien hôtel délabré, l'Hôtel de Russie qui avait repris du ser-vice. Fidèle à la tradition chrétienne, leur premier réflexe après avoir pu s'installer tant bien que mal, sera de chercher un lieu de culte. Le rez-de-chaussée de l'immeu-ble servira de lieu de culte jusqu'à ce qu'un incendie détruise l'immeuble, propulsant les habitants dans les quartiers " arméni-ensa ". Le rez-de-chaussée d'un immeu-ble rue Balthazar Baro (aujourd'hui transformé en garage face à la préfecture) servira d'église, jusqu'à la cons-truction d'une chapelle, 13 rue Ambroise Paré, grâ-ce à un généreux donateur qui offrira le terrain et à une souscription de la communauté.
Les bombardements d'août 1944 vont détruire le bâtiment, et les fidèles vont réintégrer la salle de la rue Balthazar Baro. Après la libération, la chapelle de la rue Ambroise Paré va être reconstruite grâce à une nouvelle souscription. Les peintures intérieures seront confiées à un peintre valentinois Donzelli qui reproduira sur les murs les principales scènes de l'Evangile, mais aussi des illustrations propres à l'Eglise Apostolique Arménienne, notamment l'effi-gie des deux apôtres du Christ qui ont évangélisé l'Arménie : Saint Barthélémy et Saint Thadée. Se-ront figurées également celles représen-tant le Catho--licos Saint-Sahag à l'origine de l'alpha-bet armé-nien et du moine Mesrop Machtots son inventeur en l'an 405. Une plaque sera apposée au mur pour honorer la mémoire des Arméniens " morts pour la France " lors de la dernière guerre.
La particularité de cette chapelle réside dans le fait qu'elle reflète la liturgie de la religion apos-tolique arménienne. Elle est issue du rejet des conclusions du concile de Chalcédoine en l'an 451, en même temps, d'ailleurs, que l'Eglise Copte et l'Eglise Jacobite. Ce concile avait pour but de rejeter les conclusions du monothéisme propagé par un moine byzantin Eutychès. L'Eglise arménienne tout en rejetant les conclusions de ce concile rejettera également le dogme du monothéisme d'Eutychès se déclarant " miaphysite ", " mia " signifiant l'unité et non " mono " la confusion. Cette séparation des Eglises Chalcédoniennes, est la conséquence de la querelle christologique. En effet, depuis 325 certains religieux Arius, Macédonius, et surtout Nestorius avançaient la théorie par laquelle les natures divine et humaine du Christ étaient distinctes, le Christ étant choisi par Dieu parce qu'Il était l' " Homme Parfait " théorie appelé l' " adoptisme ". Ils di-ront " Dieu habite dans Jésus comme dans un Temple ", ajoutant " Dieu et le Christ ne sont pas de la même substance, le Père est supérieur au Fils ". Toutes les Eglises rejetteront cette pensée, y compris l'Eglise arménienne, se référant à la pensée du patriarche d'Alexandrie Cyrille, au concile d'Ephèse en 431 : " C'est le Verbe qui s'est fait chair ". Une seule se séparera du tronc commun de l'Eglise primitive, l'Eglise nestorienne qui se fera appeler " Eglise Syriaque " le terme de " Nestorien " étant lourd à porter. Un quatrième personnage va alors apparai-tre, c'est un archimandrite du nom d'Eutychès qui, par opposition aux théories précédentes, va prôner la confusion complète des deux natures, il dira " la nature humaine du Christ s'est diluée dans sa nature divine comme une goutte de miel dans l'océan ". Le concile de Chalcédoine déclarera Eutychès comme hérésiar-que et englobera à tort les Eglises Copte, Arménienne et Jacobite comme partisanes de l'hérésie rejetée, alors que ces dernières continueront à se référer à la définition du patriarche d'Alexandrie Cyrille, adoptée jusqu'à aujourd'hui par l'Eglise Arménienne.
La rencontre entre le pape Jean-Paul II et le catholicos arménien Karékine 1er a abouti à effacer cette querelle christologique entre le monophysisme et le miaphysisme en déclarant que les définitions d'E-phè-se et de Chalcédoine voulaient dire la même chose avec des mots différents, cependant les décisions prises lors des conciles qui ont suivi, non admises par l'Eglise Arménienne, en font son originalité.
Le 15 novembre 1992 une nouvelle église était consacrée au 12 rue de la Cécile à Valence sous le vocable " Saint-Sahag ". Avec un espace plus vaste, un bâtiment attenant permettant d'abriter l'école arménienne et un jardin consacré aux jeux des enfants et des cérémonies festives. La chapelle de la rue Ambroise Paré ne servant plus que pour deux cérémonies : le requiem à la mémoire des victimes des bombardements d'août 1944 et des soldats " morts pour la France " ; et en novembre de chaque année pour célébrer la sortie de la fosse, de Saint Grégoire l'Illuminateur où il avait été enfermé pendant 15 ans en l'an 301, date où le roi Tiridate déclarera la religion chrétienne comme religion d'Etat.
Aujourd'hui les Arméniens se déclarent être fidèles à leur " religion-mère ", ils représentent environ 80 à 90% de la population arménienne, tant en Arménie qu'en diaspora, le reste se divise inégalement entre catholiques romains et protestants de sensibilité évan-gélique, les premiers convertis à partir des croisades dans le royaume arménien de Cilicie et les seconds convertis par la Réforme et aussi lors des évènements génocidaires de 1915 par l'accueil des orphelins dans des établissements anglais, américains au Moyen-Orient.
Aujourd'hui, nonobstant leur particularité reli-gieuse, l'intégration de la communauté est parfaite. Elle participe à la vie de la ville et du département, notamment avec des élus au sein du conseil muni-cipal. Il est à noter que cette intégration ne s'est jamais faite au détriment de la culture ancestrale qui s'est propagée de bouche à oreille dans les familles, et aussi par les écrits d'auteurs ou de chroniqueurs qui relatent les évènements passés.
Les quartiers arméniens ne sont plus les ghettos qui s'étaient formés à l'origine, leurs habitants s'étant dispersés dans la ville ou leurs environs dès lors que leur conditions sociales ou économiques se sont améliorées. Mais, fait remarquable, ils aiment à se réunir dans les différentes associations spécifi-ques en se remémorant le passé de leurs aînés.

Table des Matières


Préface de Pierre Vallier 7
Avant-propos d'Alain Balsan 9
Introduction : Les Arméniens à Valence 15
Flâneries 21
La rue Bouffier 22
24 avril 24
Toros et le Mémorial du génocide 26
Polyeucte l'Arménien 31
Edmond et Ori 33
La langue et l'imprimerie arméniennes 35
Artagow le fils des Dieux 37
La Maladière 39
L'école de la cathédrale 41
Béchamel 43
Grégoire Emurlian, fusillé à 11 ans 45
La Maladière (suite) 47
Le Kemp 49
Sam, l'homme volant 51
14 Juillet à Erévan 53
La chapelle Saint Grégoire 55
Marine Pétrossian 57
Les bombardements du 15 août à Valence 59
Khoren, Bedros… et les autres 61
L'oratoire de Germigny-des-prés 63
Anouche et Marguerite 65
Sainte Gayané et Sainte Hripsimé 67
21 septembre 1991 69
La rue Pompéry 72
L'homme de l'ombre 74
Le scoutisme arménien 76
Les rois de Lusignan 78
L'Ardèche 80
L'ami Julien 82
Scoutisme arménien à Valence (suite) 84
Les pionniers de Saint Sahag 86
Archag Tchobanian et Frédéric Mistral 88
Le kaki du parc Jouvet 90
Hayazad Ohanian 92
L'armée du salut 94
Le jour de Noël dans l'église apostolique armé-nienne 96
Bruno et Armen, histoire d'une amitié 98
L'odyssée de Gricha Mertitchian 100
La loi sur le génocide de 1915 102
Sylva Kapoutikian 104
Olive 106
Mesrop Machtots 108
Sassoun 110
Arsène et Tigrane 113
L'ami Edouard 115
L'affiche rouge 117
Le musée de Toros 119
Gaby le philosophe 121
Les fleurs de l'acacia 123
William Saroyan 125
Roustam l'Arménien 127
Le petit chat du Pendentif 129
Les 40 jours du Musa Dagh 131
La route de Sarkis 133
L'homme au masque de fer 135
Albert le vénérable 137
La cathédrale de Bourges 139
La première république arménienne 141
Le Panthéon arménien 143
" Le Thonir " 145
Les enfants de la guerre 147
La rue de Valence à Idjevan 149
Les musiciens aussi… 151
" L' Arménocide " 153
La passion de la Cilicie 155
Avedik Issahakian 157
La congrégation Mekhitariste 159
Yervant Odian 161
Sarah Bernhardt et les Arméniens 163
Le château de Crussol 165
Le Kamantcha 167
Zareh Mutafian et Michel Djéranian 169
Les deux sœurs 171
Le tramway à Valence 173
Ardachès 175
Les deux Elmas 177
Youri le Tsigane 179
La ferme des Montagnon 181
L'épicerie Minassian, une saga familiale 183
La langue arménienne 185
" Le Dev " 187
Les Chrétiens d'Orient en danger 189
Les anciens combattants d'origine arménienne 191
Valence 2000 ans d'histoire 194
Yeghiche Tcharents 196
Le séisme de 1988 en Arménie 198
La place de la Pierre 200
Martiros Sarian 202
Les harponneurs 204
Hagop et Pierre 206
Les 12 capitales de l'Arménie 208
La saga des Max 210
Ara le Bel 212
Les chroniques bleues de Pierre Vallier 214
L'Abricot 216
L'érection du mémorial du génocide à Valence 218
La basilique de la nativité 220
L'arbre de Vartan 222
La sainte messe de Magar Ekmalian 224
Les poétesses arméniennes 226
La caverne de René 228
Nouvelle et Pages d'histoire 230
Kerop et Kevork, histoire d'une amitié 231
Les églises chrétiennes orientales 236
Vartanank 253
Napoléon et les Arméniens 255
L'extraordinaire aventure d'Israël Ori 268
Le football arménien à Valence 273
Table des Matières 279

Extraits :

La rue Bouffier
Aussi loin que je me souvienne, je pense invaria-blement à la rue Bouffier, rue mythique des Arméniens, dans laquelle j'ai passé toute mon enfance et une partie de mon adolescence. La rue abritait majoritairement des Arméniens. Made-moiselle Dobelli était l'une des exceptions, elle tenait avec son frère, le père de notre tribun local, la boutique de mercerie juste en face du domicile de mes parents au numéro 60. Je connaissais leur arrière boutique, car bien souvent tout gamin, j'étais invité à m'y rendre pour écouter Monsieur Dobelli jouer de la mandoline, notamment lorsque mes parents me confiaient à eux, devant s'absenter pour rendre visite à ma tante qui demeurait place Belat. L'exotisme de la rue était constant. Les fenêtres ouvertes laissaient échapper les effluves de cuisine orientale enrobées par les tristes mélopées du pays, et il n'était pas rare d'entendre une femme réclamer de sa fenêtre, dans sa langue maternelle, à sa voisine du premier étage en face, le condiment qui manquait pour terminer la préparation du repas. Il y avait Gaspard, un colosse natif de Cilicie, qui, tous les soirs d'été, chantait sur le pas de sa porte, accompagné de son banjo, la seule chanson fran-çaise qu'il connaissait " J'irai revoir ma Nor-man-die, ce beau pays qui m'a donné le jour ". Son accent prononcé ajoutait du piment au contresens des paroles qu'il hurlait à tue-tête, sous le regard curieux des passants qui empruntaient notre rue en quête de bonne fortune pour rejoindre la rue du Coq voisine. Il y avait encore le père Baghdassar, le laitier qui avec sa carriole distribuait le lait tous les matins et son étal devenait le point de rassemble-ment de toutes les femmes du quartier pour com-menter les évènements du jour. Il y avait surtout Onik, baron Onig comme on l'appelait, qui arpen-tait la rue deux fois par jour, de bout en bout, aux heures des repas. C' était un homme semblant ne pas jouir de toutes ses facultés mentales, paci-fique et attachant, un grand barbu avec des yeux doux, qui se retournait tous les deux ou trois pas comme pour voir s'il n'était pas suivi, héritage sans doute d'un traumatisme dû à un passé tragique. Muni de sa gamelle, il frappait à toutes les portes, sans exception, et chaque famille versait dans la même gamelle un peu du repas du jour provoquant ainsi l'étrange mixture de son repas quotidien. Aujour-d'hui, chaque fois que j'arpente la rue, je revoie ces personnages d'antan qui, tels des fan-tômes, réappa-raissent à chacun de mes pas. C'était la rue des Arméniens et la parcelle de la rue Belle-Image rebaptisée rue d'Arménie est là pour le rappeler.
24 avril
Voici venu le mois d'avril, avec à l'horizon le 24e jour, date anniversaire pour les communautés armé-niennes du monde entier.
Au fil des ans, mon esprit vagabonde avec des souvenirs lointains. Fut un temps où le mémorial du génocide de Toros n'était pas encore érigé. Fut un temps encore où les célébrations , telles que nous les connais-sons aujourd'hui, avec leur solennité, leurs clameurs, n'étaient pas encore dans les mœurs.
Alors, je me souviens de ce Parc Jouvet où nous nous retrouvions le 24 avril. C'était , il y a presque 50 ans et nous étions cinq. Il y avait Odette, l'adjoin-te au maire de Valence, Jacques de l'Union Générale Arménienne de Bienfaisance, Marc et Edou-ard de l'Union Nationale Arménienne et moi de l'Ephorie des Eglises. La foule n'y était pas ! Les officiels non plus ! Mais la ferveur se lisait sur chacun de nos visages, lorsque nous déposions notre gerbe devant le monument aux morts en souvenir des victimes du génocide que la France n'avait pas encore reconnu. La sobriété de notre cérémonie n'enlevait rien à notre ferveur et chacun prononçait quelques mots venant du cœur, sim-plement, mais avec gravi-té. Il n'y avait pas d'applau-dissements, pas de porte-drapeaux, mais il y avait une présence en filigrane, celle de nos martyrs qu'enveloppait notre communion. Les années ont passé et depuis les images s'enchaînent tel un kaléidoscope dans ma tête. La prise de conscience des années 1968 à 1970 a été le point de départ de la structuration de nos actions.
Les manifestations au Parc Jouvet se sont enri-chies de l'apport et de la solidarité de nos élus, avec comme point d'orgue l'érection du chef-d'œuvre du sculpteur Toros, siège désormais de nos cérémonies. Et lorsque je vois la foule qui se presse chaque année devant notre monument du souvenir, je ne peux m'empêcher de penser à la célèbre tirade de Corneille extraite du Cid, que je malmène quelque peu en le plagiant : " Nous partîmes 5 et nous nous vîmes 500 en arrivant au port ".
Nous étions cinq, avec nos sensibilités diffé-rentes, mais unis dans le souvenir, unis dans un geste d'amour, avec nos différences, tels ces deux prisonniers qui ins-pirèrent Aragon lorsqu'il écri-vait : " Celui qui croyait au ciel, celui qui n'y croyait pas ". Tel Aragon, sa " Rose et son Réséda ".

Toros et le Mémorial du génocide
Un journaliste écrivait dernièrement : " Une belle œuvre est une réussite, mais lorsqu'elle est signée Toros, cela devient un chef-d'œuvre ". En ces journées de commémoration du 24 avril, je pense à cette belle soirée du 16 février 1985 où nous inaugurions le Mémorial du génocide à Valence. Chef-d'œuvre parce que Toros est allé au plus pro-fond de lui-même pour puiser son art que sa maîtrise a extériorisé. Par cette allégorie, il a su, non seulement remémorer les tragiques évènements de 1915, mais aussi redonner vie aux bâtisseurs de notre culture. De Sayat-Nova à Komitas, et tant d'autres qui jalonnent les pages de notre histoire. A l'instar de Ghoukas Tchou-barian, ce sculpteur de l'école de sculpture de l'Académie d'Etat des Beaux-Arts d'Erevan, célèbre par ses œuvres dont la statue de Mesrop Machtots et de son disciple Korioun, à l'entrée du Maténadaran , Toros a su mettre en relief les pages glorieuses et celles sombres de notre histoire par des formes qui lui sont propres et qui mettent en relief l'originalité de son œuvre. Obser-vateur plein de finesse, inventeur de formes d'une extrême sophistication, sa sensibilité s'est exprimée par un travail graphique extériorisant le cœur même de sa création. Comme les grands peintres, il a su créer son style, le style " Toros ". Sa maîtrise a bouleversé l'art moderne de la sculpture à travers les métamorphoses graphiques et plas-tiques qui relient l'artifice et l'irréel dans la styli-sation extrême des formes. Notre Mémorial en est la preuve vivan-te, indélébile et éternelle à tout jamais.

 

Polyeucte l'Arménien
En rangeant mes livres et manuels scolaires, je déniche parmi mes classiques littéraires l'œuvre de Corneille " Polyeucte ", dans un coin de ma biblio-thèque. Jetant un coup d'œil distrait sur les premiè-res pages, mes souvenirs du lycée me reviennent et me font redécouvrir le lieu où se passe la scène : Mélitène, ville où sont nés mes parents, la Malatya actuelle. Je pense à cette classe de terminale où j'avais découvert que Polyeucte était un seigneur arménien, gendre de Félix gouverneur de l'Armé-nie. Poussé par la curiosité, j'avais à l'époque consulté le dictionnaire des noms propres et consta-té que ce personnage dont s'est inspiré Corneille avait réelle-ment existé en l'an 250, puisque le Larous-se indique : " Saint né à Mélitène, Arménie, converti au christianisme par son ami Néarque et suppli-cié par l'Empereur romain Décius persécu-teur des chrétiens ". La réplique de Stratonice à Pauline, femme de Polyeucte dans la scène III de l'acte premier m'avait interpellé : " Il est Arménien, et vous êtes Romaine… " Ainsi Corneille mettait en relief une antinomie, par cette réponse de la confi-dente de Pauline et surtout personnalisait l'Ar-mé-nien comme monothéiste et la Romaine comme polythé-iste, en cette fin de IIIe siècle qui bientôt sera agité par les querelles christologiques. Le choix par Corneille du lieu géogra-phique de la tragédie m'avait aussi frappé, les premières lignes de l'ou-vrage mentionnant Mélitène comme étant, à cette époque la capitale de l'Arménie occidentale, près de l'Euphrate et ligne stratégique de l'Empire romain d'Orient.
Aussi lorsqu'en 1985, avec quelques pionniers, nous avions créé l'Amicale de Malatya à Valence, nous avions redonné vie en quelque sorte à Poly-eucte le malatiatsi, canonisé depuis, et à Malatya, l'ancienne Mélitène.

Edmond et Ori
Chaque année, les choristes de l'Eglise St-Sahag sont invités à un repas convivial dans une auberge. Cette année, j'avais pour voisin de table un tribun de notre communauté : Edmond. Pourquoi tribun ? Parce qu'Ed-mond est un descendant d'une lignée des Méliks du Karabagh. Mélik signifie prince et est issu du mot Malik qui signifie roi. Il faut préciser que le Karabagh était, du XVIIe au XIXe siècle cons-titué par sept principautés auto-nomes qui ont eu le mérite d'être le véhicule trans-metteur de la langue et de la culture arménienne, alors que la grande Arménie et le royaume arménien de Cilicie étaient anéantis par les Touraniens et les Mame-louks. Ces états fédéraux, théoriquement sous administration perse, étaient, dans les faits, indépen-dants, car le pouvoir iranien ne s'aventurait jamais dans ces con-trées où veillaient de farouches guerriers ne recon-nais-sant que leur prince (mélik). La fierté légitime d'Edmond ne s'arrête pas à cette filiation. Il faut préciser que celle-ci trouve sa source dans la princi-pauté du Zanguézour en Siounie. C'est là que le fils cadet du roi régnant, Israël Ori va se distinguer dans une aventure extraordinaire. Ce jeune garçon de vingt ans, afin d'intéresser les puissances européennes sur le sort de l'Arménie va accomplir un périple incroyable : il ira d'abord à Rome pour demander l'inter-vention du Pape, puis gagnant la France, il va s'engager dans les armées du roi Louis XIV. Fait prisonnier par les Anglais puis libéré, il ne se découragera pas pour autant et reprenant son bâton de pèlerin, il se rendra en Allemagne pour rencontrer le prince du Palatinat auquel il va promettre la couronne d'Arménie s'il parvenait à libérer le pays. Etonné de cette démar-che par un si jeune garçon, le prince lui suggérera de faire appel au tsar de Russie et lui demandera de retourner en Arménie pour se faire confirmer cette proposition par les Méliks. A vingt ans et au XVIIe siècle, ce n'était pas une mince affaire que d'accom-plir ces voyages. Pourtant Ori n'hésitera pas, revenu en Armé-nie il reprendra la route pour St-Peter-sburg et se présentera à Pierre le Grand. Le tsar, dans un premier temps, envisagera de faire une expé-dition en Arménie contre les Turcs et les Perses, mais y renoncera préoccupé par ses propres guerres. Bien que toutes ces démarches soient restées vaines, quelle fierté pour notre ami Edmond de savoir qu'Israël Ori a été peut-être sa lointaine ascen-dance !

La langue et l'imprimerie arméniennes
J'assistais dernièrement à l'excellente conférence, à Valence, de Madame Valentina Calzolari, profes-seur de langue et littérature arméniennes à Genève, ayant pour thème : " Le 500e anniversaire de l'im-primerie arménien-ne ". A l'écoute de la conféren-cière, ses propos ont fait ressurgir en moi l'époque où je découvrais les origines indo-européenne de la langue arménienne. C'est grâce aux études et aux écrits des professeurs Feydit et Mahé que j'avais pu m'initier à cette généalogie et découvrir, poursui-vant plus avant, les rapports de parenté qui lient les différentes familles linguistiques indo-européennes, notamment par les découvertes d'Heinrich Hübsch-mann en 1875. Les explications savan-tes mais claires de la conférencière ont permis à l'assis-tance de comprendre, entre autres, les motivations du moine Mesrop Machtots, inspiré par le Catholicos Saint-Sahag, lorsqu'il crée l'alphabet en 404. Motivations, certes inspirées par le désir d'évangélisation, mais aussi par la volonté de présenter une langue unitaire et surtout codifiée excluant les divisions dialectales.
Nul doute que sans cette invention l'imprimerie armé-nienne n'aurait jamais vu le jour. Les origines indo-européennes de la langue, l'invention de l'al-pha-bet, les premiers traducteurs et ceux qui ont suivi jusqu'au XVe siècle ont sans doute été les ferments de la parution des premiers ouvrages imprimés en caractères arméniens à Venise, en 1512 alors que le premier livre imprimé, la Bible de Gutenberg, ne remonte qu'à 1453. Poursuivant son exposé, la conférencière expliquait que la véritable imprimerie arménienne sera établie à Venise en 1565 par Abgar de Tokat. D'autres créations vont se succéder au fil des ans, celle de la Congrégation des Pères Mekhi-taristes à Trieste en 1776 puis à Veni-se en 1789 et notam-ment celle de l'Institut Laza-rian à Moscou en 1820 qui comprenait une fonderie qui a pourvu en caractères d'imprimerie arméniens la plupart des imprimeries arméniennes au cours du XIXe siècle. Alors, merci Madame Calzo-lari pour votre brillant exposé, et aussi, accep-tez nos compli-ments pour votre maîtrise parfaite de la langue arménienne.

Artagow le fils des Dieux
Ceux de mon âge se souviennent certainement de cette B.D. qui faisait fureur dans les années 1945 " Artagow le fils des Dieux ". Parmi les lecteurs de ce journal illustré, il y avait Georges. Sa passion pour ce héros, esthète de l'antiquité, s'était répan-due dans toute notre commu-nauté d'adoles-cents qui rêvions des exploits de ce héros antique , luttant contre l'abominable Ariman. Et au fil du temps Georges est devenu Artagow, à tel point que ce surnom dont nous l'avions affublé, a été considéré par certains comme son véritable prénom. Volant au secours de la princesse Amiris, pourfen-dant les méchants, ce défenseur de la veuve et de l'orphelin est devenu le modèle de Georges. Tel César dans la trilogie de Pagnol, Georges avec sa gouaille, sa spontanéité, son achar-nement même à combattre ce qu'il considérait comme étant le " mal ", est devenu Artagow le fils des Dieux. Son père Iskinder et sa mère Elmas, qu'enfant j'ai bien connus, auraient bien été surpris d'apprendre aujour-d'hui, qu'ils ont été des divinités de la voûte céleste. Son grand cœur sera mis en évidence dans ses contacts avec Paul Borel, le directeur mythique de l'école du Palais où s'entassaient les enfants des familles arméniennes arri-vées à Valence après le génocide.
Georges, il le dit lui-même, n'était pas parmi l'élite de la classe. C'est pourtant lui qui organisera une rencontre entre cet instituteur âgé de 81 ans et tous ses anciens élèves d'origine arménienne deve-nus adultes, dont certains sexagénaires, en 1979, autour d'un repas convi-vial en présence du maire de l'époque Rodolphe Pesce. Et au terme de ce repas, l'instituteur ému aux larmes prononcera quel-ques mots de remerciement et évoquera pour la première fois le célèbre surnom, en y ajoutant le " magnifique ". Et c'est ainsi que Georges est deve-nu non seulement Artagow fils des Dieux mais " Artagow le Magnifique ".



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