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histoire de LARDÈCHE Vivarais & Helvie Nouvelle édition entièrement revue, corrigée et considérablement augmentée PRÉCÉDÉE DUNE PRÉFACE DE C. FAUBERT Inspecteur dAcadémie de lArdèche Cartes et gravures 180 pages. Photos. 15 euros |
Un livre de base pour l'histoire de l'Ardèche
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HISTOIRE ARDECHE
au prix de 20 euros franco pièce (15 EUROS + 5 euros)
jusqu'au 30 avril 2018
A partir du 1 mai 2018 : 23 euros ( 15 euros + 8 euros port)
Soit un chèque de .......... euros, à l'ordre des
EDITIONS DE LA BOUQUINERIE,
encaissé à l'expédition.
Commande à adresser à : EDITIONS DE LA BOUQUINERIE..,
77 av. des Baumes, 26 000 VALENCE
EXTRAITS
Notes de l'éditeur :
Auguste Bourret est plus connu sous le nom de Jean Volane qui
fait référence à la rivière ardéchoise.
Il a écrit de nombreux livres sur l'Ardèche, dont
les principaux sont :
· En Vivarais (1897), retirage aux Éditions de la
Bouquinerie sour le titre " En Vivarais - Ardèche
" (1995).
· L'Ardèche pittoresque (1899).
· L'histoire du Vivarais.
Ce dernier est sorti en 1907 et faisait 128 pages. Devant le succès
remporté, une seconde édition considérablement
augmentée, 182 pages au total, vit le jour. C'est cette
version que nous rééditons aujourd'hui dans ce livre
entièrement recomposé. Grâce à l'important
fond régio-nal ancien de la Bouquinerie, nous avons pu
ajouter de nombreuses illustrations au livre original pour votre
plus grand plaisir. La pre-mière ré-édition
de ce livre a été faite en 1997. Devant le succès
jamais démenti de ce livre, nous nous devions de le faire
ressortir 20 ans plus tard.
Toute représentation ou reproduction intégrale ou
partielle faite par quelque procédé que ce soit,
sans le consentement de l'auteur ou de ses ayant droits ou ayant
cause est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée
par les ar-ticles 425 et suivants du code pénal.
Tous droits de reproduction et d'adaptation réservés
pour tous les pays.
© Éditions E & R. Valence, France. Retirage 1997-2018.
I.S.S.N. : 1261-7644 - I.S.B.N. : 2-910669-22-X
www.labouquinerie.com
L'HISTOIRE LOCALE, LES ETUDES
ET LES EXAMENS PRIMAIRES
L'Arrêté ministériel du 4 août 1905
a introduit l'Histoire locale dans le programme des Écoles
normales d'Instituteurs et d'Institutrices afin que cet enseignement
pénètre peu à peu dans les Écoles
primaires :
L'histoire de France sera, à toutes les périodes,
complétée par l'étude de l'histoire locale
de la région et du département (évé-nements
qui s'y sont accomplis ; conséquences locales des grands
faits de l'histoire ; murs et coutumes du pays ; lieux et
monuments historiques).
Programme des Écoles Normales, annexé à l'Arrêté
ministériel du 4 août 1905 :
Ce programme, servant nécessairement de base aux examens
du Brevet Supérieur, il s'ensuit que des questions sur
l'histoire locale peuvent être très utilement posées
aux aspirants et aspi-rantes à ce diplôme.
Les candidats et candidates au Brevet élémentaire
peuvent aussi être interrogés sur les faits les plus
importants de l'histoire de leur département.
Dans les examens du Certificat d'études primaires, les
élèves qui fe-ront preuve de quelques connaissances
de ce genre verront leur note d'histoire s'augmenter sensiblement.
NOTE DES AUTEURS :
Dans notre première édition, nous avions demandé
à nos lec-teurs de vouloir bien nous communiquer leurs
observations et leurs critiques. Plusieurs ont répondu
à notre appel et nous les en remercions vivement.
Nous avons été particulièrement heureux de
recevoir les sympathiques encouragements qui nous ont été
adressés par MM. Moniez, Recteur de l'Académie de
Grenoble, Gilles, Ins-pecteur général de l'Instruction
publique, Léon Mention, Prési-dent honoraire de
la Commission des examens d'admission à St-Cyr, etc. Nous
prions ces éminentes autorités de vouloir bien accepter
l'expression de notre respectueuse reconnaissance.
Parmi ceux qui nous ont communiqué le plus de documents
en vue d'une deuxième édition, nous devons une mention
spé-ciale à M. Reynier, Professeur à l'École
normale de Privas et sur-tout à M. J. Roux, Inspecteur
primaire à Tournon.
L'importance des notes fournies par M. Roux et la part qu'il a
prise à la rédaction du nouveau manuscrit sont telles
que cette petite Histoire est devenue son uvre autant que
la nôtre.
Nous ne croyons pas commettre une indiscrétion en annon-çant que M. Roux a réuni de longue main des matériaux en vue d'écrire une importante monographie de la Région Vivaraise. Nous souhaitons que cet ouvrage soit bientôt terminé. Il aura, nous en sommes certains, une haute valeur.
GOUT
ET
J. VOLANE
PREFACE
Les manuels d'histoire, à l'usage des écoles primaires,
ne manquent pas. Chaque grande maison d'éditions classiques
a les siens, la plupart médiocres, quelques-uns intéressants,
bien composés et bien informés. A chaque modification
survenue dans les programmes, la collection, déjà
si importante de ces manuels, s'enrichit de manuels nouveaux.
La Bibliothèque Na-tionale devra bientôt s'annexer
d'autres salles tant elle est en-combrée des spécimens
de cette littérature spéciale.
Tous ces manuels, d'ailleurs, quelle que soit leur valeur in-trinsèque,
qu'ils soient excellents comme le petit nombre ou franchement
mauvais comme la majorité, présentent le même
défaut : ils sont incompréhensibles pour les enfants
auxquels ils sont destinés.
L'enfant répugne aux généralisations. Toute
abstraction, et, j'entends par là, toute notion qu'il ne
peut vérifier, qui ne lui est immédiatement tangible
et présente, l'ennuie et lui échappe. Il semble
que, se défiant des affirmations d'autrui, il tienne à
véri-fier, par le témoignage de ses sens, tous les
enseignements qui lui sont donnés.
Ce désir constant de se rendre compte par lui-même,
de contrôler ce qui lui est dit, est d'autant plus grand
chez l'enfant, que celui-ci est d'intelligence plus vive. L'élève
à l'esprit lourd et endormi apprend par cur des mots
dont il ne saisit pas le sens ; l'élève à
l'esprit éveillé est nécessairement un enfant
ter-rible voulant tout voir et tout comprendre. Pour satisfaire
cette volonté instinctive, le maître qui guide ses
premières études ne saurait se dispenser de placer,
sous ses yeux, l'objet qu'il lui dé-crit, ou tout au moins,
de lui en montrer une reproduction aussi fidèle que possible.
Ce besoin de voir et de contrôler est particulièrement
évident dans l'étude de l'histoire et c'est précisément
parce qu'ils ne ré-pondent pas à ce besoin, parce
qu'ils ne donnent pas satisfac-tion à ce désir légitime
de l'enfant, que les manuels d'histoire les moins mal faits n'ont
qu'une faible valeur au point de vue pédagogique.
J'ai entendu soutenir, un jour, que l'histoire devrait être
rayée des programmes de l'enseignement primaire.
Tout en protestant contre ce paradoxe, contre la suppression d'un
enseignement essentiel, sans lequel les jeunes Français
igno-reraient tout de la vie passée de leur patrie, j'ai
dû reconnaître qu'en fait, ils en savent peu de chose.
Les examens du certificat d'études primaires sont là
pour démontrer combien sont insuffisantes et décousues
les connais-sances historiques de ces enfants dont la plupart
vont quitter l'école pour toujours.
Ils ont retenu quelques faits, quelques dates. Ils se souvien-nent
vaguement qu'on s'est battu à Bouvines, qu'il y a eu une
Guerre de cent ans et aussi des Guerres de religion, que Vercin-gétorix
a jeté ses armes aux pieds de César, que Clovis
a fendu la tête d'un soldat qui avait brisé le vase
de Soissons, mais tout cela est pour eux lointain, imprécis,
inexistant.
En bons petits enfants, dociles et soumis, ils apprennent les
phrases contenues dans leurs manuels commes ils appren-draient
des phrases latines si leur maître leur donnait l'ordre
de les apprendre, et... ils ne les comprennent pas davantage.
Mais, qu'un maître intelligent, évoquant devant eux
ce passé disparu, le fasse revivre dans un cadre qui leur
est familier, qu'il résume l'histoire de la grande patrie
dans celle de la petite pa-trie qui les entoure immédiatement,
du coin de terre que tous connaissent, qu'il place en quelque
sorte cette histoire à l'ombre du clocher natal, alors
leur attention se réveille, alors leur esprit s'ouvre,
alors ils comprennent.
Et quel pays a été mêlé plus intimement
à tous les épisodes de notre histoire que ce pays
de Vivarais, que cette réduction en miniature de la France
où tous les climats et toutes les formes de relief se retrouvent,
où tous les éléments ethniques qui ont formé
notre nation se sont heurtés avant de se fondre en un tout
harmonieux ? Où l'instituteur trouverait-il une histoire
locale plus riche en faits et péripéties propres
à illustrer et à rendre in-telligible à l'enfant
l'histoire générale de la France ?
Voilà ce qu'on senti MM. Gout, Roux et Jean Volane ; voilà
pourquoi ils ont composé leur histoire de l'Ardèche.
Leur petit volume, agréablement écrit, ne renferme
que des renseignements sûrs, tirés des meilleures
sources et scrupuleu-sement vérifiés. Cependant
les auteurs n'ont pas eu la préten-tion de faire uvre
originale d'érudition, ils ont voulu surtout placer entre
les mains des instituteurs ardéchois un instrument de travail.
Leur manuel ne se substituera pas aux manuels d'histoire générale
de la France, pas plus que l'histoire locale ne doit se substituer
dans nos programmes à l'histoire de notre pays ; mais,
de même que l'histoire locale doit mettre l'histoire de
France à portée des enfants, de même les maîtres
puiseront dans ce livre le moyen de rendre leur enseignement plus
vivant et plus intéressant, partant plus profitable.
En écrivant leur histoire de l'Ardèche, MM. Gout,
Roux et Jean Volane ont fait uvre utile ; ils ont pris une
initiative heu-reuse qui ne tardera pas à être suivie
dans d'autres départe-ments.
CH. FAUBERT
Agrégé d'histoire,
Inspecteur d'Académie de l'Ardèche.
Privas, le 17 septembre 1908.
BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages à consulter par le lecteur qui désirerait
avoir plus de détails :
· Histoire religieuse, civile et politique du Vivarais,
par l'ABBE ROUCHIER. (Tome I, 1861, le seul paru).
· Album du Vivarais, par ALBERT DU BOYS.
· Souvenirs de l'Ardèche, par OVIDE DE VALGORGE.
· Commentaires du soldat du Vivarais, par PIERRE MARCHA.
· Histoire des Guerres du Vivarais de 1790 à 1816,
par ANDEOL VINCENT.
· Histoire du Languedoc, par DOM VIC et DOM VAISSETTE.
· Le Vivarais aux États Généraux,
par HENRY VASCHALDE.
· L'Ardèche à la Convention, par HENRY VASCHALDE.
· Les Sorcières du Vivarais, par DALMAS.
· Antoine du Roure, par L. DE VISSAC.
· Le Camp de Jalès, par MARIUS TALLON.
· Journal du siège de Privas, par UN ANONYME.
· L'Histoire religieuse du vieil Aubenas, par le DR FRANCUS,
et au-tres ouvrages du même auteur (ALBIN MAZON).
· Un agent secret de l'Émigration, par LEONCE PINGAUD.
· Devant le siècle, par E. M. DE VOGÜE.
· Histoire des Protestants du Vivarais et du Velay, par
ARNAUD (2 vol.)
· Etc., etc.
PREMIERE PARTIE
L'HELVIE
L'Helvie, province gauloise
Limites. - Le département de l'Ardèche ( ) qui s'est
appelé d'abord Helvie, a conservé à peu près
ses limites naturelles du Rhône et des Cévennes,
depuis l'antiquité la plus reculée, quels que soient
les maîtres qu'il ait subis.
La Gaule était habitée par les Ibères et
les Ligures, [refoulés par les Celtes vers le Xe siècle
avant J.-C., les premiers du côté de l'Espagne et
les seconds du côté de l'Italie], enfin par les Celtes
ou Gaulois. Plus au nord, s'établirent les Belges (Celtes
et Germains mélangés). Il convient d'ajouter à
ces peuples les colonies grecques des bords de la Méditerranée.
Les Helviens faisaient donc partie de la Gaule Celtique, au temps
de Jules César.
Strabon ( ), dans sa géographie, dit que le Rhône
limitait l'Helvie à l'est, la séparant des Cavares
(Drôme), et des Allobroges (Isère). Au nord, les
Helviens limitaient avec des Conderates (peuplades de Condrieu),
à l'ouest avec les Vellaves (Velay) et les Gabales (Lozère),
au midi avec les Volces Arécomiques (Gard).
Époque préhistorique. - Les traces de nos plus lointains
ancêtres se retrouvent dans le sol des cavernes naturelles
et des abris sous roche de certaines régions, mélangés
à des ossements d'ours, de renne, de cheval, etc., animaux
qui servaient à leur nourriture.
La race la plus ancienne des ces troglodytes (habitants des cavernes)
se servait d'armes en silex éclaté. Son époque
est appelée âge de la pierre taillée. Elle
a séjourné dans les grottes calcaires qui se trouvent
entre Châteaubourg et Soyons, et venait sans doute du nord.
Plus tard, une autre race plus civilisée a descendu la
vallée du Rhône et est allée fonder une première
cité dans les balmes de Montbrun, puis établir de
plus petites agglomérations dans les cavernes qui bordent
la basse vallée de l'Ardèche : à Naves, Casteljau,
Labégude, Ucel, Bidon, St-Remèze, St-Marcel d'Ardè-che,
St-Honoré, etc. Ces nouveaux venus se servaient d'armes
et d'outils en pierre assez finement travaillée, polie
patiemment. L'âge de la pierre polie a surtout laissé
des traces chez nous le long du Chassezac et de l'Ardèche.
Outre les haches, pointes de flèches, grattoirs, aiguilles,
etc., en silex, en jade, en serpentine, etc. et des débris
de poteries grossières qu'on retrouve en retournant le
sol des cavernes, les hommes de ces époques éloignées
nous ont laissé des témoins plus importants de leur
passage, de vrais monuments dits monuments mégalithiques,
(c'est-à-dire faits de grandes ou grosses pierres) ; ce
sont par exemple : les Cromlechs, pierres disposées en
rond ; les Menhirs, pierres plantées ; les Peulvens, pierres
en équilibre et les Dolmens .
Dans l'Ardèche, si les Cromlechs, les Menhirs et les Peulvens
sont très rares, les Dolmens en revanche sont encore très
nombreux.
On rencontre çà et là dans la région
calcaire, surtout aux lieux les plus agrestes, dont l'aspect primitif
n'a pas été bouleversé par le marteau ou
la charrue, d'énormes blocs de pierre brute, dressés
et fichés en terre, isolément ou par groupes régulièrement
alignés. On les voit semés dans la forêt de
Louol, sur les collines arides qui séparent Saint-Remèze
et Vallon, dans les bois de Lagorce, entre Lussas et Lavilledieu.
Au-delà de l'Ardèche, ils forment une ligne continue
qui traverse tout le plateau rocailleux appelé les Gras
de la Beaume, pour aboutir au bois féerique de Païolive.
On en trouve beaucoup dans le voisinage de Berrias, à Lalauze,
au Pouget.
M. de Malbosc ( ), dans sa
notice sur les Dolmens du Vivarais, en indique 5 assez rapprochés
les uns des autres à Lalauze, 11 près du Pouget,
2 à la Roche de Chandolas, 6 à Bourbouillet, 2 au
Bouchet, 5 à la Serre, 9 à Dugon et 25 qui se suivent
sur un espace de 3 kilomètres de parcours, le long du chemin
de Saint-Alban à La Blachère.
Partout, ces blocs, sur lesquels le ciseau n'a pas marqué
la plus légère empreinte, affectent des dimensions
cyclopéennes : il en est qui mesurent jusqu'à six
mètres de long sur trois de large. On se demande avec étonnement,
comment nos ancêtres ont pu transporter de pareilles masses
à des distances parfois considérables des gisements
d'où on les a extraites.
Frappé du nombre et de la grandeur des difficultés
vaincues, l'imagination populaire en a fait l'honneur à
une race de géants qui auraient habité nos montagnes.
De là, vraisemblablement, l'origine du nom de Jaïandes,
(pierres ou tombes de géants), que les paysans de l'Ardèche
méridionale donnent aux dolmens de la contrée, qu'ils
appellent aussi oustalets de las fados (maison-nettes des fées).
Les dolmens étaient de véritables tombeaux ; tels
que celui de la Roche, près de Chandolas, et ceux qui sont
disséminés sur le vaste plateau qui s'étend
de Champ-Vermeil à Bidon. Devant l'entrée même
du dolmen, étaient plantées deux pierres droites
isolées que les pâtres appelaient Plourouses. C'étaient
en effet des pleureuses ou menhirs, témoins muets, laissés
là pour marquer l'emplacement de quelque sépulture
du désert. Les ossements et les objets découverts
en cet endroit furent envoyés au Muséum d'histoire
naturelle à Paris.
Quelques-uns de nos plus reculés ancêtres ont habité
des cités lacustres, bâties sur pilotis, non loin
des rives de nos lacs et dans des lônes du Rhône.
Les Helviens. - Au commencement de la période historique,
le territoire, dont nous avons fixé plus haut les limites,
était occupé par les Helviens.
D'après César, les Helviens se faisaient remarquer
par une intrépidité aventureuse, qui ne tenait compte
ni du jour, ni de l'heure fixés pour l'entrée en
campagne et qui devançait le signal du combat par la brusque
vivacité de l'attaque. Leurs principales occupations étaient
la chasse et l'agriculture. Ils ne s'initièrent aux découvertes
de l'industrie que lorsque les Grecs eurent fondé Marseille
(Massalia), 600 ans avant Jésus-Christ.
Les Massaliotes créèrent des comptoirs dans l'Helvie,
(Baix, par exemple), et établirent une route qui, de la
Méditerranée à travers les Cévennes,
allait rejoindre le point où la Loire est navigable.
Le pouvoir appartenait aux druides et aux nobles. La mul-titude
s'attachait comme clients ( ) à la classe privilégiée.
L'invasion Romaine
Défaite des Arvernes et des Helviens. - Au point de vue
militaire, les Helviens faisaient partie de la Ligue fédérative
des Arvenes. Lorsque les Romains envahirent le territoire des
Allobroges, l'Helvie, située en bordure du Rhône,
fut désignée comme le lieu de concentration des
forces gauloises, que des auteurs évaluent à 200
000 hommes commandés par Bituit, roi des Arvernes. C'est
au confluent de l'Isère que Bituit traversa le Rhône,
à l'aide d'un pont de bateaux et d'un pont sur pilotis
dont les restes se voyaient encore en 1530, au-dessus de Mauves.
A la vue des Romains qui étaient au nombre de 30 000, Bituit
s'écria : " Et quoi, ce n'est pas même pour
un repas de mes chiens ! "
Défaite des Gaulois. - " Le premier choc des Gaulois
fut terrible, et la mêlée fut affreuse. Pendant assez
longtemps le combat se soutint avec acharnement et avec un succès
égal. Mais trop resserrées entre le fleuve et les
positions romaines, s'embar-ras-sant elles-mêmes par leur
nombre, les troupes de Bituit commencèrent à lâcher
pied. Fabius qui s'aperçut de ce mouvement d'hésitation
en profita pour faire charger les éléphants. La
vue de ces animaux presque inconnus des Gaulois, porta l'épou-van-te
et la confusion dans les rangs et détermina la déroute.
Aussitôt fantassins et cavaliers se précipitèrent
vers les ponts pour gagner le territoire helvien. Construit sans
solidité, le pont de bateaux se rompit sous la masse des
fuyards. La foule alors reflua vers l'autre pont qui était
insuffisant pour donner passage à cette multitude en désordre.
Cent vingt mille hommes, dit-on, périrent dans cette défaite
(121 avant Jésus-Christ). Pour perpétuer le souvenir
de cette victoire, Fabius fit élever sur le champ de bataille
une tour en pierre blanche, surmontée d'un trophée
où figuraient les armes des diverses tribus gauloises qu'il
avait vaincues. Il édifia aussi un temple à Mars
et un autre à Hercule. Delichères et Boissy d'Anglas
disent que ces monuments s'élevaient à Désaignes
" (Rouchier).
L'Annexion à Rome. - Le territoire des Allobroges et l'Helvie
furent annexés à la Province romaine et Bituit fut
emprisonné à Rome. Les Helviens ne payèrent
aucun tribut et ne perdirent aucune partie de leur territoire,
mais ils furent détachés de la confédération
des Arvernes et englobés dans la Province romaine (plus
tard dans la Narbonnaise) tout en conservant leur autonomie.
A cause de ce respect des libertés helviennes et en raison
de l'amitié qui liait l'Helvien Valérius Porcillus
à Jules César, notre pays ne répondit pas
à l'appel de Vercingétorix. Il demeura attaché
à la fortune de César qu'il considérait comme
son bienfaiteur.
Jules César traverse l'Helvie. - En 52 avant J.-C. (ou
l'an de Rome 702) malgré le froid rigoureux, César
se mit en marche avec toutes ses troupes, franchit la chaîne
des Cévennes, en s'ouvrant un chemin à travers la
neige et tomba comme la foudre au milieu des Arvernes.
Les historiens diffèrent sur le point de savoir quel itinéraire
suivit César pour se rendre en Auvergne. Les uns le font
passer par la vallée du Chassezac et Villefort, d'autres
par Tournon, Désaignes et St-Agrève, d'autres encore
par Vals, Antraigues et Mézillac. Mais la voie la plus
directe et la plus plausible qu'il aurait suivie est la suivante,
indiquée par plusieurs auteurs : César serait parti
d'Alba Helviorum et aurait débouché dans la plaine
d'Aubenas par Lussas, Jastres et l'Echelette et aurait escaladé
le plateau central par Montpezat et le Pal.
Et après la victoire, les chefs helviens qui avaient partagé
avec César les fatigues et les périls de la guerre,
entrèrent au Sénat ; les vétérans
helviens enrôlés dans la légion de l'Alouette
obtinrent les droits des bourgeois romains.
Alba, capitale romaine
Son importance. - Auguste, fils adoptif et successeur de César,
fonda Alba Helviorum, la capitale des Helviens. L'antique Alba
construite près de la bourgade actuelle, couvrait une surface
de 4 à 5 kilomètres carrés et avait une population
évaluée à 40 000 habitants. Auguste l'embellit
si bien qu'Alba fut élevée au même rang que
Vienne, Avignon, Nîmes et Aix, villes latines. Ses habitants
avaient la faculté de s'administrer eux-mêmes, de
nommer leurs magistrats et leur sénat, de ne payer que
l'impôt dû par les citoyens romains et de voter dans
les comices ( ). Les Romains construisirent des thermes, un forum,
un cirque, un théâtre, le palais de la Curie ( ),
des temples dédiés à Mercure et à
Auguste. Alba eut un collège de prêtres et connut
une ère de grande prospérité sous les règnes
d'Adrien et des Antonins (96 à 192). Le principal commerce
de la Cité était celui des vins.
Pline rapporte qu'il y avait à Alba Helviorum un plant
de vigne qui fleurissait en un seul jour et pour cela très
sûr, si bien que toute la Narbonnaise le cultivait (Histoire
Naturelle XIV, chap. IV). Amédée Thierry dit que
le vin d'Alba était cité avec honneur par Coulumelle
( ). Il est à remarquer que le personnage le plus important
d'Alba dont le nom soit parvenu jusqu'à nous, est un marchand
de vins, Minthatius Vitalis, établi à Lyon et sénateur
de la capitale helvienne. Il existe au palais St-Pierre à
Lyon, un monument qui témoigne des honneurs rendus à
Vitalis. L'inscription latine qu'elle porte peut être ainsi
traduite :
" A Minthatius Vitalis, fils de Marcus, marchand de vin résidant
à la Canebière de Lugdunum, nommé deux fois
curateur de cette corporation et une fois quinquennal des nautes
de la Saône, patron de leur corporation, patron des chevaliers
romains, appelé par l'ordre splendissime de la cité
d'Alba à siéger dans son sein, - les marchands de
vin résidant à la Lugdunum, à leur patron.
"
Le paganisme dans l'Helvie. - Le druidisme était répandu
dans l'Helvie comme dans toute la Gaule. César et Auguste,
ne lui furent nullement hostiles ; mais Tibère, Claude
et Néron, poursuivirent les druides et les firent périr
par milliers, car ces prêtres poussaient les Gaulois à
la révolte. Le culte proscrit ne se maintint que dans les
campagnes où il gardait des racines profondes.
Les nobles Gaulois ambitieux, avides de biens et de distinctions,
épris des arts et de la civilisation romaine, se laissèrent
facilement entraîner vers le paganisme romano-grec qui disposait
de la fortune et des faveurs.
Jupiter eut à Viviers un temple, dont l'emplacement a gardé
le nom de Planjoux (Planum Jovis), un autre sur les hauteurs de
Largentière. Un sanctuaire dédié au dieu
Mars s'élevait à Bourg-St-Andéol. Cybèle
était honorée d'un culte particulier à Soyons.
Il en était de même pour le dieu du soleil Apollon,
dans le petit bourg de Luminis (Limony), Diane eut un temple à
Désaignes et Mercure était adoré à
Alba. Mais le culte devant lequel s'effacèrent les hommages
rendus à Mercure et aux autres dieux fut celui d'Auguste
lorsque la flatterie, du vivant même de ce prince, lui eut
décerné les honneurs de l'apothéose ( ).
Alba dédia son magnifique temple du mont Juliau au divin
Jules César et à Auguste.
Le culte de Mithrâ. - De-puis qu'il était entré
dans la voie des apothéoses, le poly-théisme ( )
romain sem-blait se fondre de plus en plus en un seul culte :
celui d'Augus-te et des empereurs, culte de flatte-rie plutôt
que de reli-gion. Le vieux paganisme acheva d'y perdre ce qui
fais-ait sa force.
Tandis qu'on divinisait Claude ou Néron au sénat,
on fouettait Jupiter sur la scène, aux applaudissements
de la multitude. Or, au milieu de la décadence universelle
des dieux et dans le discrédit total du culte officiel,
les esprits inquiets cherchaient le repos dans les mystérieuses
doctrines de l'Orient. De là l'entraînement surprenant
qui se produisit à cette époque vers les cultes
étrangers de Mithrâ et d'Isis.
Le culte de Mithrâ avait été apporté
de Perse par Pompée ; la grande vogue dont jouirent ses
mystères, date du règne des Antonins (96 à
192). Les nombreux monuments mithriâques répandus
dans l'empire romain, prouvent combien le culte de la divinité
persane était pratiqué. Parmi ces monuments, l'un
des plus remarquables est celui qui existe près de la belle
fontaine de Tournes à Bourg-Saint-Andéol. C'est
un bas-relief, sculpté sur la paroi d'un rocher calcaire,
mesurant 1,85 m de haut sur 1,25 m de large. Au-dessous, un cartouche
contient une inscription latine dont voici le sens :
" À la divinité de Mithrâ, au Soleil
très grand. Titus Furius Sabinus a dédié
cette image du Dieu Invincible, qu'il a fait faire à ses
frais. "
Voies romaines de l'Helvie. - Trois grandes voies romaines partaient
d'Alba et rayonnaient sur tout le territoire de l'Helvie. Sous
le règne d'Adrien et de ses successeurs, bienfaiteurs de
la Narbonnaise, le réseau des voies de communication fut
complété par des voies secondaires. Sur les bords
de ces routes, des bornes étaient placées, marquant
la distance en Milles d'un cité à l'autre et appelées
colonnes milliaires.
La première voie romaine débouchait dans la vallée
du Rhône par la vallée de Mélas. En sortant
d'Alba, elle était bordée d'une double ligne de
monuments funéraires, car d'après les lois romaines,
il était interdit d'enter-rer ou de brûler les corps
dans l'inté-rieur des cités. De Mélas, une
voie descendait le Rhône en passant par Viviers (Vivarium),
le Bourg (Ber-goaïata), Saint-Just (Lé-ger-nate),
et après avoir franchi l'Ardè-che, passait dans
le Gard. Pour abréger la distance qui sépare Alba
de Bourg-Saint-Andéol, on traça une deuxième
voie qui passait par Valvignères, Gras, le plateau désert
de Saint-Vincent et la forêt de Loùol.
Un deuxième embran-chement remontait le Rhône par
Cruas, Baix (Batiana), Soyons (Soionus), Tournon, Arras, Limony
(Luminis) et gagnait Lyon (Lugdu-num), par Condrieu et Ampuis.
Cette voie était reliée à Valence et à
Vienne. Elle fut construite sous le règne d'A-grip-pa pour
mettre en relations Lyon avec Nî-mes et Narbonne.
De Tournon, partait une route destinée à relier
la vallée du Rhône au Velay (Pays des Vellaves).
Elle passait par Lamastre, Désaignes (Di-sa-nia), où
la civilisation romaine a laissé l'em-preinte de sa grandeur.
On y a trouvé des marbres, des monnaies, des urnes, des
restes de ther-mes, les ruines d'un temple païen. La voie
gagnait le haut plateau par Saint-Agrève (Chinacum) et
Montfaucon (Haute-Loire). Elle permettait d'aller directement
du Puy à Vienne, à Valence et en Italie à
travers les Alpes. Un port très important, Musolis (St-Jean-de-Muzols),
fut établi à l'embouchure du Doux par les nautes
(ou mariniers) du Rhône. C'est de ce port que les marchandises
partaient vers le Haut-Vivarais, le Velay et l'Auvergne.
De Baix, partait une voie qui passait par Alissas (ruines d'une
villa romaine) et aboutissait à Privas. De Privas on allait
au Cheylard et à Saint-Agrève par deux chemins :
l'un qui passait par le col de l'Escrinet, la Fayolle, Mézilhac,
Dornas ; l'autre par Lyas, les Ollières, Chalancon et aboutissait
à Désaignes.
La troisième grande voie qui partait d'Alba côtoyait
le Coiron, passait à Lussas, descendait les dures rampes
de l'Échelette et arrivait à Aubenas (Albenates),
un des centres les plus populeux et les plus riches de l'Helvie.
Cette voie romaine se divisait en plusieurs embranchements.
Le premier passait par le Pont-de-Labeaume, se dirigeait sur Montpezat
d'où l'on arrivait sur le haut plateau par deux routes
: celle du Pal, le Béage, et celle du Roux, Pradelles.
On a découvert au Roux, quantité de statuettes en
bronze de divinités païennes et les murs d'un bâtiment
antique.
Le deuxième embranchement atteignait Villefort par Rosières
et Lablachère et la voie de l'Allier par Montselgues et
Saint-Laurent-les-Bains ( ).
Le troisième embranchement descendait le cours de l'Ardèche
par Salavas et arrivait à Uzès par Vagnas.
A part quelques modifications de détail, les routes modernes
et les chemins de fer ardéchois n'ont fait que suivre les
voies romaines.
Le Christianisme dans l'Helvie
Son introduction. - Les premiers martyrs. - Le Christianisme fut
prêché dans l'Helvie, au IIe siècle, par le
sous-diacre Andéol, appelé de Smyrne par saint Irénée,
archevêque de Lyon. Au moment où l'empereur Septime
Sévère lançait son édit contre les
chrétiens, (201), Andéol prêchait à
Bergoaïata (Bourg-Saint-Andéol) l'une des agglomérations
les plus importantes de l'Helvie. Sévère s'arrêta
dans cette ville en se rendant à Valence et y fit supplicier
Andéol, (208). Le corps, jeté dans le Rhône,
alla échouer sur la rive gauche. Tullie, dame riche et
de noble condition, fit enlever le corps par ses domestiques et
le fit déposer dans un sarcophage qui a été
découvert en l'an 858.
Les sacrifices tauroboliques. - Le paganisme était encore
puissant et c'est pour lutter contre le développement du
Christianisme qui se multipliait dans nos contrées, que
des sacrifices tauroboliques eurent lieu notamment à Soyons,
à Saint-Laurent-sous-Coiron, à Die. Amédée
Thierry, dans son Histoire de la Gaule sous l'Administration romaine,
tome II, nous fait une peinture pittoresque d'un de ces sacrifices.
" On creusait à l'avance une fosse large et profonde
qui était recouverte d'un plancher solide à claire
voie. C'était là que devait s'accomplir le sacrifice.
Le jour venu, un superbe taureau était conduit, au son
des instruments sacrés, entouré de guirlandes de
fleurs, au-dessus de la fosse pour y être immolé.
En même temps, le prêtre sacrificateur se dirigeait
vers l'entrée à pas lents, la tête ceinte
d'une couronne d'or orné de bandelettes blanches et drapé
dans une toge de soie. Parvenu sous le plancher, il s'y tenait
debout, les bras étendus et donnait le signal de l'immolation.
Aussitôt le sang du taureau s'échappait à
flots sous le couteau victimaire et retombait tout à l'entour
en vapeurs brûlantes. Pour accomplir dans son entier le
rite de Cybèle, pour donner à l'acte expiatoire
toute sa vertu, il fallait que le prêtre exposât à
l'horrible pluie son front, ses joues, ses lèvres, ses
narines, que ses vêtements en fussent imbibés, que
tout son corps en fût saturé.
" Sortant alors de la fosse dans l'état le plus hideux,
mais salué par les cris de l'assistance, adoré de
loin comme un dieu, il regagnait le temple, où l'on conservait
religieusement sa dépouille ensanglantée, gage assuré,
croyait-on, du pardon des dieux. "
Il paraît, par l'inscription qui consacre le souvenir du
Taurobole offert à Die, que quatre prêtres au lieu
d'un, furent désignés parmi toute une nombreuse
assistance de prêtres pour recevoir le sang de la victime.
Castricus Zozimion d'Alba était un de ces quatre prêtres.
Développement du Christianisme-. - Le Christianisme se
répandait cependant de plus en plus dans l'Helvie, grâce
sans doute à des missionnaires envoyés par les églises
voisines.
La Haute Helvie, au nord du Doux, fut évangélisée
par les prêtres envoyés par l'archevêque de
Vienne. La rive droite du Rhône, entre le Doux et le Rhône,
fut convertie par les missionnaires venant de Valence ; l'arrière-pays
dans cette région fut gagné à la nouvelle
religion par le envoyés de l'évêque du Puy.
Enfin, l'archevêque d'Arles fit évangéliser
le midi du Vivarais. C'est pourquoi pendant très longtemps,
des parties du Vivarais dépendirent, au spirituel et même
souvent au temporel, des archevêchés de Vienne et
d'Arles et des évêchés de Valence et du Puy.
Puis, quand notre pays compta un assez grand nombre de communautés
chrétiennes, un évêque, Januarius (saint Janvier)
vint se fixer à Alba (vers l'an 250). Son nom, ainsi que
celui de quelques-uns de ces successeurs, fut retrouvé
en 951, sur des pierres, noircies par les flammes, provenant sans
doute de l'église cathédrale d'Alba, détruite
en 411.
Destruction d'Alba
Les envahisseurs germains en Helvie. - C'est sous saint Avolus,
le cinquième évêque d'Alba, que la capitale
de l'Helvie fut pillée et incendiée par Chrocus,
roi des Vandales, en 411 et totalement anéantie par les
Goths et les Alains qui, pendant dix ans, ravagèrent la
contrée. " Rien n'a résisté à
la fureur des barbares. Ils n'ont rien épargné,
ni le sacré, ni le profane, ni la faiblesse du sexe, ni
celle de l'âge : peuple, prêtres, vierges, évêques,
tout a été frappé sans distinction, envoyé
au supplice ou conduit en esclavage. Les moissons, les vignes,
les oliviers ont péri dans les flammes. Les ronces et les
épines effaceront bientôt la trace de tout ce qui
a vécu. Quand tout l'Océan aurait inondé
les Gaules, il n'aurait pas commis de si terribles ravages. "
(saint Prosper ( ))
Aujourd'hui, l'emplacement de l'antique Alba est occupé
par des champs plantés de mûriers et de vignes et
rien ne désignerait cette plaine à l'attention du
voyageur si ce n'étaient les innombrables débris
de toutes sortes, que les propriétaires ont accumulés
au bord de leurs champs. Il suffit de creuser un peu le sol çà
et là, pour découvrir des pavés, des dalles,
des autels, des armes, des colonnes de marbre, des fragments de
statues, des pièces de monnaies ou des objets mobiliers.
Beaucoup des pièces d'or et d'argent trouvées en
ces lieux sont à l'effigie des Antonins. L'emplacement
d'Alba a fourni un grand nombre de pièces archéologiques
au musée d'Avignon (musée Calvet) et à celui
du Puy.
Les maisons d'Alba, l'église dans laquelle se trouve un
tableau de Parrocel ( ), ont été construites avec
les matériaux arrachés à l'antique cité.
Plusieurs particuliers ont vendu les tuyaux en plomb qui amenaient
les eaux du Coiron aux thermes d'Alba, ainsi que les plus précieuses
de leurs trouvailles. En dehors des collections, il ne reste plus
de la splendeur d'Alba que des conduites cimentées, des
pans de murs du palais curial à l'extrémité
du théâtre, dont on pouvait voir encore, il y quelques
années, les portes latérales de sortie. Des fouilles
méthodiques mettraient encore au jour de grandes richesses
archéologiques et peut-être la fameuse chèvre
d'or qu'une tradition locale dit être enfouie dans les décombres
d'Alba Helviorum.
Viviers, capitale de l'Helvie. - Après la destruction d'Alba
(411), le siège de l'église helvienne fut transporté
par l'évêque Auxonius à Vivaria (Viviers),
qui donna son nom à notre province.
CATHEDRALE DE VIVIERS.
Gravure de Jean Chièze
DEUXIÈME PARTIE
Le Vivarais
Le Vivarais sous les Barbares
Les envahisseurs. - Après avoir appartenu à la Narbonnaise,
l'Helvie faisait partie de la province Viennoise lors de l'invasion
des barbares. La hiérarchie du clergé chrétien
s'était calquée sur l'administration civile romaine.
Les évêques de Viviers dépendirent ensuite
d'Arles, archevêché qui avait détrôné
Vienne et avait mérité le titre de Rome Gauloise.
Le Vivarais placé entre les Wisigoghs établis dans
le bassin de la Garonne, les Burgondes et les Alains au nord,
devint le champ de bataille de ces peuples barbares.
Les Wisigoths possédèrent le Vivarais pendant 13
ans, ainsi que le démontre une inscription trouvée
à Viviers et portant le nom d'Alaric, le vaincu de Vouillé.
Aux maux de la guerre s'ajoutèrent à cette époque
des calamités de toutes sortes : tremblements de terre,
phénomènes volcaniques, etc. (vers 470).
Les Francs. - Après la défaite et la mort d'Alaric
II, roi des Wisigoths à Vouillé (507), le Vivarais
fut occupé et pillé par les Francs, qui de temps
en temps vinrent y faire des razzias.
Il appartint ensuite aux Burgondes. Puis il revint aux Francs
et fit partie des possessions méridionales du royaume de
Metz, à Thierry, puis à Theodebert, fils et petit-fils
de Clovis.
Il suivit plus tard le sort de l'ancien royaume des Burgondes.
Il fit partie du royaume d'Austrasie, du royaume de Burgondie,
du royaume unique des Francs, etc., suivant les partages du sol
et les vicissitudes des familles royales issues de Clovis, puis
de Clotaire.
Vers 673, le Vivarais fut saccagé par les Wisigoths d'Espagne,
qui possédaient encore la Septimanie (Nar-bon-ne, Nîmes,
etc.).
Les Arabes. - En 711, les Arabes s'emparèrent de l'Espagne
; poussant plus au nord, ils conquirent en 719 la Septimanie.
En 725, une armée sarrasine, commandée par Ambessa,
prit Carcassonne, Nîmes, remonta le Rhône et saccagea
Lyon, Mâcon, Autun, Luxeuil, puis Vienne. Ambessa ayant
été tué en Provence, son armée revint
en Septimanie.
En 732, Charles-Martel arrêta une nouvelle invasion arabe
par sa victoire de Poitiers sur l'émir Adb-el-Rahman. Puis
il envahit la Bourgogne, descendit la Saône et le Rhône,
jusqu'à la Durance, en reprenant aux Sarrasins nombre postes
fortifiés (Sarras, Tournon) et en pillant tout le pays
(733). Une colonie sarrasine resta fixée à Balazuc
dont la population a conservé le type arabe.
Les Provençaux, par crainte des Francs, firent alors appel
à Yousouf, émir de Narbonne. Celui-ci accourut,
s'empara d'Arles, d'Avignon, puis saccagea Viviers, Valence, Vienne
et Lyon, en occupant le pays des deux côtés du Rhône.
Mais, en 737, Charles-Martel refoula les Arabes, leur reprit Lyon,
Vienne, Avignon et alla assiéger inutilement Narbonne et
saccager la Septimanie.
Charles-Martel établit alors dans le pays quelques-uns
de ses leudes les plus habiles, pour le gouverner et le défendre.
Mais ceux-ci exploitèrent cruellement la contrée,
pillèrent les églises et les monastères et
opprimèrent le peuple qui en arriva à regretter
les Sarrasins.
L'Église sous les barbares en Vivarais. - Chez nous, comme
ailleurs, le clergé s'était montré le défenseur
des faibles et des opprimés, le représentant de
la civilisation contre les barbares oppresseurs.
Cette conduite lui valut une grande considération et lui
attira d'importantes donations. Certains évêques,
issus de grandes familles gallo-romaines, léguèrent
leurs biens à l'évêché de Viviers.
Leur exemple fut suivi par d'autres personnes généreuses.
Le riche Aginus donna la vallée de Valgorge, l'église
de Saint-Martin et les montagnes du Tanargue jusqu'à Borne.
Anthérius donna son palais bâti sur les bords de
l'Ardèche à Albenates (Aubenas). Secundus, l'église
de Saint-Victor et tout le terroir compris entre le Rhône,
l'Escoutay, le territoire d'Alba et le Coiron.
L'évêché de Viviers possédait au VIIIe
siècle, d'après le père Columbi, 64 villas,
des milliers d'esclaves, plusieurs îles du Rhône,
de vastes et fertiles vignobles, 790 colonies de terres labourables
et une étendue plus considérable en forêts
et en pâturages.
Les derniers païens. - Dans la deuxième moitié
du VIIe siècle, il y avait encore des païens dans
nos montagnes. L'évêque du Puy, Agrippanus ou Agrève,
ayant détruit une idole à Chinacum, fut martyrisé
par les gens du lieu ; ceux-ci, du reste, se convertirent peu
après au Christianisme et donnèrent le nom de leur
victime à leur village, qui s'appela Saint-Agrève.
Le Vivarais sous les Carlovingiens
L'administration locale. - Lorsque Charlemagne réorganisa
son empire et créa les duchés et les comtés,
ces derniers eurent l'étendue des diocèses ecclésiastiques.
Le Vivarais forma un comté et deux fractions de comtés
: le comté du Vivarais, renfermé dans les limites
du diocèse de Viviers, une fraction du comté de
Valentinois correspondant à la partie du diocèse
de Valence, comprise entre l'Eyrieux et le Doux, enfin une fraction
du comté du Viennois au-dessus du Doux.
Le comte dépositaire du pouvoir de l'empereur n'avait qu'un
pouvoir viager ( ) et révocable. Il était chargé
de l'administration de la justice rendue par lui et par des fonctionnaires
subalternes appelés Viguiers.
Ces viguiers avaient sous eux des magistrats inférieurs
appelés centeniers.
Dans les assemblées solennelles que les missi dominici
tenaient dans les provinces une fois par an, l'évêque
de Viviers était appelé à siéger et
à donner son avis au même titre que le comte.
La charte de Louis le Débonnaire octroyée en 815
à Aix-la-Chapelle aux évêques de Viviers,
accordait à ceux-ci des exemptions de charges fiscales,
des faveurs spéciales et une sorte d'indépendance
vis-à-vis de l'administration civile, ce qui devait détruire
le pouvoir des comtes du Vivarais. Le premier comte fut Eribert.
Il fonda l'abbaye de Cruas, sur la voie romaine qui allait d'Alba
à Valence et combla de bienfaits cette région.
Le Vivarais sous les rois de Provence
Le Vivarais, partie de la Lotharingie. - Au traité de Verdun
(843), le Vivarais entra dans la Lotharingie, parce qu'il constituait
des dépendances de Vienne, Valence et Arles, cités
comprises dans le territoire assigné à Lothaire.
A la mort de Lothaire (855), le Vivarais fit partie du royaume
de Provence.
Les Normands en Vivarais. - Dès 859, les Normands remontèrent
le Rhône et saccagèrent plusieurs villes. Ils s'établirent
à demeure dans la Camargue.
En 862, ils pillèrent et ravagèrent la majeure partie
du royaume de Lothaire II qui, " fit lever sur chaque manoir
4 deniers, dont, sous le nom de loyer, il paya aux Normands une
somme d'argent avec un tribut annuel de beaucoup de farine, de
brebis, de vin et de bière. "
Notre pays les vit encore passer en 863 et en 864, quand ils arrivèrent
jusqu'à la cité d'Auvergne, par le Rhône.
Le Vivarais sous les rois d'Arles ou de Provence. - Lorsque Charles-le-Chauve
se fut constitué sans droit l'héritier de son neveu
Lothaire II et eut obtenu la soumission de Vienne, il donna en
fief, le Dauphiné et le Vivarais à Boson, son beau-frère
(870), avec le titre de duc.
Le duc Boson fut proclamé roi de Provence par un concile
réuni à Mantaille, près de Vienne, en 879.
Son royaume comprenait la Provence, les comtés de Lyon,
de Vienne, de Mâcon, de Châlons, la Franche-Comté,
la Savoie et les diocèses de Viviers et d'Uzès.
Louis III et Carloman réunirent leurs troupes à
celles de Charles-le-Gros et essayèrent, en 880, de reconquérir
les provinces usur-pées par Boson.
Après avoir pris Mâcon, ils mirent le siège
devant Vienne. Ermangarde, femme de Boson, y commandait, tan-dis
que ce roi, posté dans les monta-gnes, surveillait les
mouvements de l'ennemi et rassemblait les troupes fournies par
le Vivarais et la Provence.
Après deux ans de siège, Vienne fut prise et brûlée
; Ermangarde et sa fille furent conduites prisonnières
à Autun. Boson leva un corps de troupes dans le Vivarais
et envahit l'Auvergne. Il rentra en possession de Vienne qu'il
rebâtit et où il mourut en 887, reconnu de tous comme
roi de Provence et de Bourgogne et universellement regretté.
Mais personne ne reprit d'abord son titre de roi. L'année
suivante le comte de Paris, Eudes, se faisait couronner roi de
France (888).
A la même époque, un parent d'Eudes, Rodolphe Welf,
comte d'Auxerre, se fit élire roi de la Bourgogne transjurane
(Franche-Comté, Bugey, Suisse romande, Savoie). Il régna
de 888 à 911.
Mais les seigneurs et le clergé du midi, réunis
en concile à Valence, proclamèrent roi de la Bourgogne
cisjurane, le fils de Boson, Louis, qui reçut plus tard
le surnom d'Aveugle, lorsque son compétiteur à l'empire
lui eut fait arracher les yeux, en 901.
Le royaume unique de Provence fut reconstitué en 933 par
Rodolphe II (912-937), qui réunit les deux royaumes de
Bourgogne sous son autorité.
Sous le règne de son fils, Conrad-le-Pacifique- (937-993),
le royaume fut envahi par les Hongrois pillards dont le souvenir
s'est conservé dans les contes où interviennent
les ogres, mangeurs d'enfants.
Rodolphe III le Fainéant (993-1032), fut le dernier roi
de Provence. Allemand de cur et d'éducation, comme
son père Conrad, il avait dès 1016, adopté
pour héritier, son beau-frère l'empereur Henri II
d'Allemagne. Celui-ci étant mort en 1024, Rodolphe légua
son royaume à l'empereur Conrad-le-Salique, fils d'Henri
II. Conrad, après la mort de Rodolphe en 1032, se fit sacrer
roi de Bourgogne à Genève en 1034.
Désormais, le Vivarais fut, nominalement tout au moins,
une possession de l'empire d'Allemagne. En réalité,
il ne dépendit plus que de l'évêque de Viviers
et des seigneurs locaux.
Pendant trois siècles, le Vivarais resta terre d'Empire,
avec la Franche-Comté, la Bresse, le Lyonnais, le Dauphiné
et la Provence.
Il y eut donc alors deux Frances, comme après le traité
de Verdun : à l'ouest, la France royale, où l'on
reconnaissait la suzeraineté des successeurs de Hugues
Capet ; à l'est, l'ancienne Lotharingie, la France impériale,
domaine des empereurs germaniques.
La Féodalité
Création des fiefs presque indépendants. - Charles-le-Chauve,
l'année même de sa mort (877), avait accordé
l'hérédité des comtés et des offices.
Par le capitulaire de Kiersy, il substituait aux princes de sa
race les seigneurs et les comtes comme des héritiers. Aussi
Louis-le-Bègue, son fils, reconnut-il qu'il ne tenait sa
couronne que de l'élection.
Bientôt les grands vassaux, ducs ou comtes, jusque-là
magistrats révocables, las d'obéir à un roi
qu'ils regardaient comme leur propre ouvrage, se déclarèrent
indépendants et s'érigèrent en souverains
héréditaires, chacun dans le pays qu'il administrait.
La France se trouva donc partagée en autant de royaumes
qu'il y avait de duchés, de comtés et de seigneuries
particulières. Le Vivarais, détaché de la
monarchie cinquante ans après la conquête de Charles-Martel,
en restera séparé pendant quatre siècles.
Chaque seigneur prétendit exercer en son propre nom comme
un droit fixe et perpétuel, la juridiction et l'autorité
qu'il ne possédait que d'une manière déléguée
et temporaire. Ce droit de justice, qui n'était qu'une
usurpation, fut regardé comme la conséquence naturelle
du fief.
Au milieu de l'anarchie générale, les ducs et les
comtes furent les premiers à usurper les droits régaliens
(ou royaux) dans les châteaux, les villes et les provinces
dont ils avaient le commandement.
L'ambition et la cupidité armèrent à la fois
les petits et les grands seigneurs. On se battit partout et sous
les plus légers prétextes. On fit la guerre pour
venger une injure privée, pour punir le refus d'hommage
d'un vassal, pour s'affranchir d'un droit ou d'une servitude onéreuse
; on combattit pour disputer le péage d'un pont, d'un chemin,
d'une rivière.
Toute sécurité disparut. Le faible fut livré
à la merci du fort. Pour dormir en paix, chaque seigneur
eut besoin de se sentir à l'abri des hautes murailles,
dont il avait entouré sa demeure installée en un
sombre donjon.
Châteaux-forts. - En 864, au milieu des ravages des Normands,
Charles-le-Chauve avait défendu aux seigneurs d'élever
des châteaux. Cent ans après toute la France en était
couverte.
SILHOUETTE DE VILLE FEODALE
(AUBENAS)
Ces forteresses furent d'un faible secours pour arrêter
l'invasion des Normands tandis qu'elles devinrent le principal
point d'appui des passions qui bouleversaient la société.
Derrière ses murailles, l'audacieux baron bravait tout
le monde.
Pour résister aux attaques possibles, les bourgs et les
villages, les monastères et les églises furent fortifiés.
Notre pays présenta l'aspect d'un immense camp retranché.
Le Vivarais, avec ses gorges et ses montagnes, se couvrit rapidement
de châteaux. Les populations quittèrent la plaine
pour construire leurs demeures auprès du château.
Chaque colline eut une tour, placée en sentinelle, chaque
rocher escarpé porta un château-fort.
Séray, Rochefort, Pierregourde, Saint-Alban, Mirabel, Sampzon,
le géant des forteresses féodales, Brison, ou la
tour du diable, dressaient leurs murs massifs, au point le plus
élevé d'une montagne qui dominait au loin sans être
dominée. D'autres étaient suspendus comme un nid
de vautours sur la corniche des rochers, au bord d'un abîme,
comme Crussol, La Tourette, Rochebonne, Rochemaure, Balazuc, Borne,
Antraigues, Porcherolles.
Les châteaux de Ventadour, de Tournon, d'Aubenas, de Vogüe,
du Pouzin, de Beauchastel, de Vallon, de Salavas, du Teil, commandaient
l'entrée d'une vallée ou le passage d'une rivière.
Quelques seigneurs comme Robert de Clérieux, sire de Glun,
détroussaient les passants. Les plus honnêtes se
contentaient de frapper une contribution sur les voyageurs et
les marchandises.
Du Pont-Saint--Esprit à Rochemaure on payait jusqu'à
cinq droits de péage aux évêques de Viviers.
Les Adhémar de Monteil percevaient le péage jusqu'à
Cruas ; l'abbé de Cruas jusqu'au Pouzin ; le prieur de
Rompon, jusqu'à La Voulte ; les comtes de Valentinois,
jusqu'à Châteaubourg ; les seigneurs de Tournon,
jusqu'au confluent du Doux ; les comtes d'Albon, jusqu'à
Champagne et les sires de Roussillon, jusqu'à Serrières.
Le commerce était donc fort entravé.
La société féodale - Au-dessous des bénéficiers
ou nobles, il y avait quatre classes dans la société
: les hommes liges, les serfs de corps, les serfs de main-morte
et les vilains.
Les hommes libres, qui avaient sous Charlemagne leur place marquée
dans les plaids ou assemblées législatives et judiciaires,
se trouvaient, pendant la féodalité, exposés
à la rapacité des barons. Privés du secours
de la loi, ils transigeaient et cherchaient un refuge dans l'association
féodale.
Dans le Vivarais et le Languedoc qui s'intitulait pays de franc-alleu,
quelques hommes libres réussirent à maintenir leur
indépendance, mais le plus grand nombre tomba sous le vasselage
et forma la classe des hommes liges.
Les serfs de corps appartenaient corps et biens à leurs
maîtres qui pouvaient disposer d'eux, les vendre, les châtier
toutes les fois, dit Beaumanoir " qu'il leur plaît,
soit à tort, soit à droit, d'autant qu'il n'en est
tenu à répondre qu'à Dieu. "
Les serfs de main-morte ou serfs de la glèbe, étaient
libres de leurs personnes ; sur eux, le seigneur n'avait aucun
pouvoir après qu'ils avaient acquitté les impôts
et les rentes, mais ils restaient attachés à la
terre dont ils partageaient le sort. Il leur était interdit
de quitter la seigneurie, de se marier avec une personne étrangère,
sans indemniser le seigneur. Ils n'avaient que l'usufruit de leurs
biens et, à leur mort, le seigneur en héritait.
Ils vivaient en hommes libres et mouraient en esclaves.
Les vilains ou tenanciers avaient plus de liberté individuelle
; ils pouvaient acquérir, succéder, disposer de
leurs biens dans certaines limites, mais ils étaient obligés
à des impôts et à la corvée ; porter
de l'eau, abattre les bois, couper les blés, faucher, vendanger,
curer les fossés du château, faire et réparer
les chemins.
On peut dire que ces trois classes inférieures de la société
n'avaient en partage que la servitude, le travail, la souffrance
et l'abjection. Seuls les habitants de la ville épiscopale,
Viviers, s'étaient maintenus dans la liberté romaine.
Le servage en Vivarais. - Le fondateur du prieuré de Rompon
donne à l'abbaye de Cluny 12 serfs destinés à
servir à perpétuité le monastère (977).
En 1256, Henri de Barrès, en vendant sa terre et son château,
se réserve expressément 5 de ses hommes, serfs de
corps, avec la faculté de les conduire dans le château-fort
qu'il projette de construire.
En 1256, Guillaume de Contaignet vend un serf au prieur de Bonnefoy,
pour la somme de 50 sols viennois.
Les archives de l'abbaye de Mazan nous fournissent un autre exemple
de vente ou de donation semblable.
Peu à peu, les serfs de main-morte voient leur situation
s'améliorer.
Ainsi le seigneur de Géorand, en donnant sa terre à
l'abbaye de Mazan, demande le consentement des hommes de sa terre
et réclame pour eux une indemnité de 50 sols de
la monnaie du Puy. Ce seigneur avait depuis longtemps concédé
à ses serfs le droit de pêche dans le lac d'Issarlès
et la Loire et de pacage dans les pâturages du Mézenc.
Peu à peu, la prescription du sol s'établit entre
leurs mains et la propriété foncière naquit
pour eux. Alors, la cabane du serf avec le terrain environnant
devint pour lui un héritage grevé d'impôts
et de servitudes, mais qui ne put lui être enlevé.
Cependant, vers le XVe siècle, les deux tiers au moins
des seigneuries du Vivarais possédaient encore des serfs
taillables à merci, comme il résulte d'une double
enquête juridique fait en 1358, aux cours royales de Boucieu-le-Roi
et de Villeneuve-de-Berg. Les seigneurs prétendaient que
leurs sujets taillables n'étaient pas astreints à
payer les subsides royaux. Ils firent entendre par centaines,
des témoins qui se reconnaissaient " hommes-liges
comme leurs ancêtres, exploitables et corvéables
à la volonté du seigneur qui prenait souvent, une
fois, deux fois et plusieurs fois par an, si cela lui plaisait,
une taille proportionnée à leurs facultés,
pouvant au besoin les y contraindre par prise de corps ou par
la saisie de leurs bêtes de charge et de trait lorsqu'il
le jugeait bon. "
L'an mil
La terreur générale. - Telle était la situation
de notre province lorsqu'une terreur s'empara des esprits. Le
bruit s'était répandu en Europe que le monde devait
finir au moment où s'accomplirait la millième année
du règne de Jésus-Christ, d'après une prédiction
des prophètes Élie et Enoch.
" La fin du monde approche, lit-on dans les chartes ; chaque
jour entasse de nouvelles ruines, moi, comte (ou baron) de...,
voulant me rendre Dieu propice au jour de ses justices, j'ai donné
une portion de mes biens à tel sanctuaire. "
Les donations pieuses. - Les donations aux églises ou monastères
furent nombreuses dans toute l'Europe. En Vivarais, un riche et
puissant personnage du nom de Seguin, fit don à l'abbaye
de Cluny du lieu du Ruoms, dans la viguerie de Sampzon, ainsi
que de 4 églises avec tous les biens, dîmes et revenus
dont elles étaient dotées. De ces 4 églises,
il en reste encore une, c'est celle de Notre-Dame des Pommiers
près de l'église paroissiale actuelle de Ruoms (994).
PAVE MOSAÏQUE DE CRUAS
(L'AN MIL)
Le vicomte de Gévaudan donna, en 998, à l'abbaye
de Saint-Chaffre, tout le domaine qu'il avait à Faugères,
dans la viguerie de Bauzon.
L'an mil arriva sans que le vieux monde eût vacillé
sur ses fondements, mais la terreur ne continua pas moins à
régner dans les esprits, car on reporta la fatale échéance
à l'an mil de la passion du Christ, soit en l'an 1033.
" Les calamités qui précédèrent
cette dernière époque vinrent donner une sorte de
consistance au préjugé et redoubler l'effroi populaire.
Une peste furieuse désola la France. Les pluies persistantes
ne permirent pas d'ensemencer et le peu de grains confiés
aux sillons inondés ne produisit qu'un chaume stérile.
Il s'ensuivit une famine telle que le genre humain fut menacé
d'une destruction prochaine. Le muids de blé s'éleva
à 60 sols d'or. Les riches éprouvèrent les
privations de la misère, les pauvres furent réduits
à manger l'herbe et les racines ; quelques-uns se laissèrent
aller à manger des chairs humaines. "
Les donations aux églises furent encore très nombreuses.
Une noble dame Gotolin demanda à l'archevêque d'Arles
la permission de réédifier l'église de Cruas.
L'édifice fut achevé en l'an 1012 ainsi qu'on peut
le voir sur le pavé mosaïque qui décore ce
sanctuaire.
Cette époque tant redoutée passa. La sérénité,
la joie revinrent dans les esprits. Il n'était plus question
de guerres et de vengeances privées : les excessives misères
avaient adouci les curs. Profitant de cette accalmie et
dans le but d'amener le maintien de la paix, Pierre, évêque
de Viviers, assista à la réunion des prélats
qui eut lieu au Puy (1004) et où l'on jeta les bases de
la Paix de Dieu, appelée plus tard : Trêve de Dieu.
Les croisades
Résultats locaux des croisades. - En partant pour la Terre-Sainte,
nombre de seigneurs vivarois mirent leurs terres et leurs vassaux
sous la protection de l'évêque de Viviers, en lui
prêtant hommage. La puissance temporelle des évêques
en fut fort accrue.
D'autres vendirent des libertés, des terres à leurs
serfs, pour se procurer de l'argent. Tout le monde en valut mieux
chez nous.
Croisés notables du Vivarais. - Le second seigneur de Balazuc,
Pons, partit pour la première croisade avec les Gérenton
du Béage, les d'Agrain ( ), les Aymon de Monteil, les Chanaleilles
et autres chevaliers vivarois qui s'enrôlèrent sous
la bannière de Raymond de Saint-Gilles, comte de Toulouse,
Pons était l'ami, le familier du puissant comte, qui exerçait
sa suzeraineté sur une grande partie du Vivarais méridional.
Pons de Balazuc se lia d'amitié avec Raymond d'Agile, chapelain
du comte de Toulouse et tous deux résolurent d'écrire
l'histoire de la première croisade.
Ces mémoires : l'Histoire des Français qui prirent
Jérusalem, occupent quarante-quatre pages in-folio de la
collection Bongard. L'uvre de Pons et de Raymond se présente
aux lettrés comme une des productions littéraires
les plus remarquables du XIe siècle. Elle n'est connue
que par quelques lignes de Guizot et par les Bénédictins
de Saint-Maur qui la citent dans leur Histoire littéraire
de la France.
Ce sont des conteurs qui disent simplement ce qu'ils ont vu ou
ce qu'on leur a rapporté. C'est la vie de la croisade prise
sur le vif. Leur grande préoccupation est d'établir
l'action divine. Les événements humains ne sont
pour eux que l'accomplissement direct des projets de Dieu. Si
les croisés sont victorieux, c'est qu'ils sont soutenus
par une armée invisible : " Miracle insigne, deux
chevaliers aux armes étincelantes, au visage merveilleux,
précédaient notre armée. Leur attaque était
telle qu'ils ne laissaient guère aux ennemis la faculté
de combattre, mais lorsque les Turcs voulaient les frapper avec
leur lance, ils apparaissaient invulnérables. "
Si l'armée chrétienne est vaincue c'est à
cause de ses fautes et il paraît qu'elle n'était
pas le modèle de toutes les vertus.
Chacun veut agrandir sa propre fortune sans souci de la fortune
publique.
Les soldats victorieux s'oublient dans les plaisirs et passent
leur temps dans les festins splendides et superbes, oubliant Dieu.
Pendant que Dieu flagellait l'armée, certains étaient
assez aveugles et endurcis pour ne pas quitter la débauche
et la rapine.
A l'égard des infidèles, nos deux chroniqueurs sont
naïvement cruels et racontent, avec une bonhomie charmante,
des choses épouvantables : Raymond de Toulouse fait six
prisonniers. Pressé par l'ennemi, il arrache les yeux aux
uns, coupe les pieds aux autres, tranche le nez et les mains des
restants, afin de s'enfuir pendant que les ennemis sont en proie
à la terreur inspirée par un tel acte. Ainsi Dieu
le voulut.
Saint-Louis. - Louis IX, partant pour la septième croisade,
descendit le Rhône et en passant détruisit le château
de Glun, vrai repaire de pirates et de brigands. Il séjourna
le lendemain dans le château de Châteaubourg (1248).
Ordres religieux et militaires. - Les ordres chevaleresques, fondés
à la suite des Croisades (les Hospitaliers et les Templiers),
possédèrent en Vivarais des biens importants groupés
en plusieurs commanderies : Jalès, Devesset, St-Marcel-d'Ar-dèche,
etc.
Puissance croissante de l'évê-que de Viviers
Son origine. - Au milieu des conflits qui s'élevaient entre
les seigneurs du Valentinois et de Toulouse, suzerains d'une grande
partie du Vivarais, les évêques de Viviers s'étaient
créé une puissance indépendante et avaient
cher-ché, auprès des empereurs d'Alle-magne, la
ratification de leur domina-tion. Conrad II le Salique (1024-1039)
avait érigé notre évêché en
Comté de Viviers. Les grandes croisades augmentèrent
l'influence du clergé. Aussi les évêques de
Viviers voulurent-ils se débarrasser des importunes limites
qu'imposaient à leur autorité les franchises de
leur ville épiscopale, franchises que Viviers tenait des
Romains, mais ils n'y réussirent pas et la municipalité
de Viviers conserva ses franchises et privilèges.
Il se forma en Vivarais une ligue pour l'indépendance de
l'aristo-cratie ecclésiastique et laïque, dont l'évêque
de Viviers fut le chef.
La croisade des Albigeois. - Lorsque Simon de Montfort rassembla
son armée à Valence pour entreprendre la croisade
des Albigeois, il trouva dans cette ligue de puissants et dévoués
auxiliaires et après la croisade, la baronnie de Largentière
qui appartenait aux comtes de Toulouse fut donnée aux évêques.
Frédéric II d'Allemagne et l'évêque.
- En 1235, des lettres patentes de l'empereur Frédéric
II (1211-1250) confirmèrent à l'évêque
les anciennes concessions impériales, notamment le droit
de péage sur terre et sur eau, depuis Donzère et
Bourg-Saint-Andéol, jusqu'à la rivière d'Ardèche
qui formait la limite méridionale de l'Empire.
Mais, pendant que les évêques de Viviers recouraient
à l'autorité des empereurs pour se faire confirmer
leur puissance temporelle, les rois de France faisaient tous leurs
efforts pour agrandir leur domaine et réunir le Vivarais
à la Couronne.
..............7
table des matières
L'HISTOIRE LOCALE, LES ÉTUDES
ET LES EXAMENS PRIMAIRES 7
PRÉFACE 9
BIBLIOGRAPHIE 12
L'HELVIE 14
L'Helvie, province gauloise 14
II. - L'invasion Romaine 18
III. - Alba, capitale romaine 19
IV. - Le Christianisme dans l'Helvie 24
V. - Destruction d'Alba 26
LE VIVARAIS 28
I. - Le Vivarais sous les Barbares 28
II. - Le Vivarais sous les Carlovingiens 30
III. - Le Vivarais sous les rois de Provence 31
IV. - La Féodalité 33
V. - L'an mil 37
VI. - Les croisades 39
Puissance croissante de l'évêque de Viviers 41
VIII. - Réunion du Vivarais à la France 42
IX. - Les États du Vivarais 44
X. - L'administration du Vivarais 47
XI. - La Réforme 49
XII. - Les débuts du Protestantisme en Vivarais 54
XIII. - Les guerres de religion 56
XIV. - Les troubles du Vivarais sous Louis XIII 64
XV. - Louis XIII et Richelieu à Privas 76
XVI. - Richelieu à Viviers 80
XVII. - Une Jacquerie ardéchoise 82
XVIII. - Les protestants du Vivarais sous Louis XIV 87
XIX. - Autres événements importants du XVIIIe siècle
en Vivarais 100
L'ARDÈCHE 108
I. - Le Vivarais aux États Généraux 108
II. - L'Ardèche et la Législative 114
III. - L'Ardèche à la Convention 119
IV. - Les insurrections de l'Ardèche et le procès
de Louis XVI 120
V. - Les soldats ardéchois de la Révolution 124
VI. - Boissy d'Anglas (1756-1826) 128
VII. - L'Ardèche au XIXe siècle 132
VIII. - La Révolution de 1848 136
IX. - Les suites du Coup d'État du 2 décembre 1851
136
X. - L'Ardèche et la Commune 138
XI. - Quelques hommes importants de l'Ardèche au XIXe siècle
139
CONCLUSION 144
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HISTOIRE ARDECHE
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A partir du 1 mai 2018 : 23 euros ( 15 euros + 8 euros port)
Soit un chèque de .......... euros, à l'ordre des
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